Les 7 du Québec
Le Black Bloc et la petite bourgeoisie
radicalisée
Robert Bibeau

Mercredi 9 mai 2018
Qu’est-ce qu’une
classe sociale ?
Une classe sociale
ne se définit pas par son revenu. Le
revenu (salaire, dividendes, intérêts et
prestations gouvernementales) est la
conséquence d’une situation sociétale et
non l’inverse. Le revenu moyen d’une
classe sociale, ou de l’une de ses
sections, peut varier, mais pas son
statut social même si son rôle fluctue
dans le procès de production et de
reproduction élargie. Ainsi, une classe
« moyenne » serait socialement la
moyenne de quoi dans le procès de
reproduction sociétal ?
Une classe sociale
se définit par son rôle – sa position
dans le procès de production et de
reproduction sociétale. Ce
positionnement détermine in fine le
revenu de ses sujets. Si un individu
membre de la classe bourgeoise –
s’activant à une tâche quelconque dans
la société globalisée – perd son emploi,
alors il est expulsé de sa classe
sociale et on dira qu’il est
prolétarisé (les chômeurs forment
une « armée » de prolétaires). Si un
individu gagne le pactole à la loterie
et qu’il quitte son emploi salarié pour
œuvrer dans une autre activité comme
usurier ou commettant dans une société
alors il gravit un échelon social et
adhère à la classe bourgeoise non pas
parce qu’il est soudainement riche, mais
parce qu’il pratique une nouvelle
profession. C’est ce que l’on fait comme
travail et nos rapports aux moyens de
production, de commercialisation et de
communication qui déterminent le statut
social.
La classe
sociale petite-bourgeoise
La
petite-bourgeoise est partie de la
classe bourgeoise avec laquelle elle
partage les mêmes intérêts. Ainsi, la
petite-bourgeoisie a pour rôle (pour
mission sociétale), pour tâche dans le
procès de production, d’assurer la
reproduction des forces productives
sociales (de la naissance à la mort, et
ce pour tous les sujets des classes
existantes). En termes plus précis la
petite-bourgeoisie assure les soins de
santé, de l’accouchement à l’enterrement
en passant par les soins médicaux,
l’éducation, la formation, la gestion
bureaucratique, l’administration
publique, la culture, la religion et la
morale c’est-à-dire l’aliénation
idéologique, le formatage de la pensée
(la propagande médiatique appelée
frauduleusement information), le
divertissement, le sport, les loisirs,
tout ce qui est utile à la reproduction
élargie de la force de travail (et de
ses descendants) requis et nécessaire à
la valorisation du capital, c’est-à-dire
à la production et à la
commercialisation des marchandises et
des services non pas au bénéfice de la
populace (ce qui n’est qu’une
conséquence aléatoire), mais bien pour
assurer la reproduction élargie du
capital. C’est l’astuce sur laquelle
s’est érigé le mode de production
capitaliste et que Karl Marx
a exposée. Autant dire que la gauche et
la droite font fausse route quand elles
brament et réclament de l’État fétiche
des riches qu’il maintienne les services
publics tellement appréciés par les
salariés. Ce n’est pas le rôle de l’État
des riches de maintenir de tels services
et la preuve en est que si vous permutez
un parti gauchiste et un parti droitiste
ils appliquent les mêmes politiques
qu’impose la conjoncture économique.
Sous la
croissance et la prospérité
Tout va bien tant
que le mode de production se développe
et conquiert de nouveaux marchés dans la
prospérité – tant que le système
reproduit et valorise le capital – tant
que la productivité aussi bien
des forces productives sociales
(ouvriers) que la productivité
des forces de reproduction sociétale –
la petite-bourgeoisie administrative
bureaucratique et cléricale à l’hôpital,
à la garderie, à l’école, à
l’université, à la banque, à l’église,
au marché, au cinéma, dans les
transports, dans l’ONG des paumés, et
dans toutes sortes d’institutions de
services publics, etc. Tout baigne dans
l’huile en ces temps de croissance
économique, et avec elle la croissance
de la petite-bourgeoisie de service.
Même que cette croissance peut provoquer
des turbulences entre l’État des riches
et la petite-bourgeoisie aspirant à
gravir les échelons de la promotion
sociale comme on l’a vu en Mai-68
dans Paris assiégé et traumatisé par ses
étudiants agités. S’il vous plait, ne
pas confondre une insurrection populaire
et une révolution prolétaire avec des
revendications lycéennes même violemment
exprimées.
La débandade
économique et sociale
Mais voici que le
système s’embourbe et ne parvient plus à
trouver de nouveaux débouchés – de
nouveaux marchés pour ses marchandises
produites en grande quantité et à prix
coupé. Le grand capital désemparé et ne
sachant comment parer (ce n’est pas un
problème de bonté ou de méchanceté des
affidés c’est le fruit des paradoxes du
système) coupe de mille-et-une façons
dans les revenus de la population et
dans les services publics afin de
maintenir les taux de profits visant à
assurer la reproduction élargie. Ce
faisant, le capital rétrécit encore
davantage son marché de consommation
globale. Le prolétariat aussi bien que
l’immense petite bourgeoisie de service
voient ses salaires et ses revenus
d’aide sociale et de retraite – stagné
puis s’étriquer, ce qui entraine de
nouvelles demandes des riches
capitalistes à l’État fétiche
antidémocratique en vue de nouveaux
transferts de capitaux publics à verser
aux entreprises milliardaires ne
parvenant plus à satisfaire leurs
actionnaires, ni à faire fructifier
leurs capitaux ce qui est pourtant leur
« affaire ». Le capital devient
volatile, fragile et parfois invisible,
on dit qu’il se dissipe en nuage
spéculatif.
Je ne dis rien ici
du crédit à la consommation et de la
dette souveraine qui ne font que
retarder temporairement l’effondrement
inéluctable… La seule énigme étant de
savoir combien de temps tiendra
l’illusion de la croissance.
Le chemin de
Damas du petit-bourgeois délaissé
Comme décrit
ci-haut le processus d’effondrement
sociétal, commence toujours dans la
sphère économique pour ensuite s’étendre
à la sphère sociale, politique,
judiciaire, idéologique, morale,
médiatique, diplomatique et militaire.
La crise économique est le fondement
de la crise sociétal, car elle entraine
l’expulsion de la petite bourgeoisie du
procès de reproduction de la force de
travail social. L’État coupe dans
les services constate amèrement le
petit-bourgeois éploré après avoir perdu
sa BMW et son loft dans la Cité. C’est
qu’il est l’un des premiers congédiés –
on dit alors que le petit-bourgeois est
en voie de paupérisation (baisse
de revenu, expulsion de sa maison, fin
des vacances sur la côte, tout ce qui
faisait sa fierté s’est effondré). On
dit aussi que le petit-bourgeois est en
voie de prolétarisation, car le
capital l’invite à se recycler en
micro-entrepreneur (sic), travailleur
taxable et corvéable à volonté. Ou alors
le petit-bourgeois devient chômeur, SDF,
itinérants ou encore mercenaires, ou
bien il devient bagarreur dans le
Black Bloc, les groupes
anarchistes ou maoïstes, ou dans les
groupuscules néonazis et néofascistes,
souvent sincèrement enragé contre le
système, mais se laissant
instrumentaliser pour justifier la
répression de la société terroriser et
totalitariser, autant d’embuches que le
prolétariat devra surmonter quand il se
sera résigné à se révolter pour
s’émanciper.
Des couches
entières de petits-bourgeois
déclassifiés, paupérisés, prolétarisés
crient leur frustration sur les pavés
des cités et remplissent les phalanges
des groupes de droite – comme de gauche,
insoumis, revendicateurs, appelant de
leurs pleurs le retour des « beaux
jours », du temps de la croissance
trépassée. Tout ceci démontre de la part
des uns et des autres (gauche, droite,
centre) une grande désespérance face à
leur situation sociale inconvenante –
dégradante et où chacun pense que l’on
peut arrêter le processus d’effondrement
social global en bloquant les migrants
dans les Alpes, en Méditerranée, à la
frontière mexicaine, ou indienne, ou que
l’on peut enrayer la violence sociale et
la prolétarisation en cassant des
vitres, ou en brulant des voitures à
Paris – à Montréal – à Berlin – à Rome –
à Calcutta. Oublions les policiers
infiltrés et les majordomes stipendiés,
la majorité croit faire ce que doit,
mais elle se fourvoie.
Le faux-drapeau
« djihadiste »
Pour les
mercenaires des pays du Moyen-Orient et
d’Afrique, c’est autre chose. Là-bas les
petits bourgeois deviennent mercenaires
terroristes, de soi-disant « djihadistes »
(faux-drapeau n’ayant rien à voir avec
l’Islam) et ils sont rejoints par les
paysans affamés et par le prolétariat
désoeuvré. Tous ont trouvé un nouveau
métier, un nouvel emploi, dangereux,
mais lucratif, – et pour la plupart –
(si on excepte les agents stipendiés par
le grand capital qui jouent les sultans
ou les imams) – ils n’ont que faire d’un
nouveau sultanat. Oubliez les ONG de la
« paix et des droits de l’homme »
charger de colporter ces fadaises à
propos de zélotes exterminateurs de
mécréants à convertir, couper la solde
et vous verrez l’armée du « djihad »
s’évaporer dans les fumées du narguilé.
Aucune solution
à l’intérieur du système
Il n’y a pas de
solutions à cette série de crises
économiques – sociales – politiques –
idéologiques – militaires à l’intérieur
du système contrairement à ce que pense
les Blacks Blocs et les
néonazis et compagnies. Il est
impossible de stopper la décadence – ou
la prolétarisation de la
petite-bourgeoisie – en brisant des
vitres et en matraquant des flics. Tout
ce que cela rapportera c’est de nous
mener collectivement à la troisième
guerre mondiale, comme lors des
affrontements précédents, communistes
contre fascistes dans les années trente,
qui préparèrent la Seconde Guerre
mondiale. La chair à canon est toute
trouvée, ce seront les manifestants des
dernières rangées.
Les militants
authentiquement anticapitalistes doivent
reprendre confiance dans la classe
prolétarienne, l’écouter et se mettre à
son service – pas au service de
Mélenchon – du PCF, du NPA, des
anarchistes, des marxistes-léninistes,
des maoïstes, des Blacks Blocs et autres
groupuscules d’enragés, et comprendre
que ce n’est que le jour où des dizaines
de millions d’ouvriers cesseront la
production et « paupériseront » le grand
capital transnational que le capitalisme
sera durement frappé et terrasser.
Alors s’il en est
qui souhaite casser du mercenaire de
riches, aller renforcer les lignes de
piquetage des travailleurs grévistes et
si des briseurs de grève s’amènent alors
casser du casseur de grèves.
Reçu de Robert Bibeau pour
publication
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