Les 7 du Québec
Le Brexit n'aura pas lieu
Robert Bibeau

Mercredi 7 août 2019 Nouveau
rebondissement loufoque dans la saga
britannique du Brexit. Le
19 juillet, le Parti conservateur
s’est doté d’un nouveau chef de parade,
un bouffon opportuniste, chargé de
liquider, dans un baroud d’honneur,
l’arnaque du Brexit par lequel le
grand capital britannique de la City
croyait pouvoir rançonner ses alliés et
concurrents du continent.
Boris Johnson
a remporté le poste de chef des torys
avec 67% des voix, indice que ses
opposants entendent lui faire la vie
difficile s’il espère imposer un Brexit
sans accord. Johnson dirigera l’appareil
politique d’une bourgeoisie profondément
divisée qui a peine à comprendre à quel
point ses limites sont strictes et le
pari de se « séparer » risquer pour son
économie anémiée. Le plan de match de ce
baroud prévoit que dans un ultime
effort, le bouffon de la Chambre des
communes menace de scission l’Union
européenne d’Angela Merkel et de Macron
si la perfide Albion n’obtient pas
quelques concessions et de menues
compensations pour sa soumission au
tandem d’enfer qui s’est emparé de la
direction de l’Union.
Afin de
crédibiliser sa bravade, le pendu menace
d’ouvrir la trappe de la mort sous ses
pieds. Ce à quoi Angela, nullement
impressionnée, répond : « Tire sur le
levier Boris l’exalté ». Dans une
contorsion burlesque, Boris réplique :
« Mon ami Donald Trump et moi nous
sommes engagés lors d’un entretien
téléphonique à conclure un «accord de
libre-échange ambitieux» et à
entamer des discussions à ce sujet dès
que le Royaume-Uni aura quitté l’Union
européenne. » (1) Cependant, la
géographie atteste que le rafiot
britannique navigue à 33 kilomètres de
l’Europe, et à 5500 kilomètres de
l’Amérique en crise. L’économie confirme
que le Royaume en perdition effectue
65% de son commerce avec l’Europe
toute proche, et 14% avec
l’Amérique lointaine. L’histoire
témoigne que deux millénaires de guerres
et de paix enchainent l’ile au
continent.
En réponse à cet
ultime chantage commercial, les firmes
Honda et PSA-Peugeot
(comme bien d’autres) ont annoncé la
fermeture de leurs installations
britanniques. Sur le plan politique, la
réponse de l’Union a été l’élection à la
présidence de la commission de madame
Ursula von der Leyen,
ex-ministre allemande de la Défense et
bras droit d’Angela, ainsi que de
l’épouvantail Christine Lagarde
à la BCE. L’Europe a décidé de
s’éloigner des USA, dont elle craint les
humeurs guerrières et elle n’entend rien
céder aux Iles britanniques qui
l’entraineraient dans des guerres
risquées, comme cette guerre contre l’Iran
dans laquelle se laisse dévoyer le
royaume isolé.
La guerre contre
l’Iran
Tout a commencé
avec l’arrestation et l’enlèvement d’un
pétrolier iranien à Gibraltar
(stratagème identique à l’arrestation de
la directrice financière de l’empire
Huawei par les douanes canadiennes et
pour lequel les agriculteurs canadiens
peinent aujourd’hui) (2). Les
Britanniques ont consolidé le blocus
imposé par l’UE à la fourniture de
crédits à la Syrie. De toute évidence,
les agents boursiers l’ont interprété
comme un soutien au blocus américain
contre l’Iran. Entre autres choses, le
déploiement militaire à Gibraltar
entraine un éventuel conflit
diplomatique avec l’Espagne, qui
n’a même pas été informée d’une
telle opération militaire dans ses eaux
territoriales.
Pourtant, ce n’est
pas l’Espagne, mais l’Iran qui est en
colère et qui menace de rendre œil pour
œil dans les eaux du Golfe persique. La
situation a été sauvée par la présence à
proximité d’un navire militaire
britannique et les Britanniques, après
ce geste de soumission envers les
États-Unis, ont immédiatement tenté de
désamorcer le conflit en proposant des
solutions honorables aux Iraniens. Mais
l’enlèvement d’un pétrolier en haute mer
a mis en place des mécanismes de
politique interne inattendus en Iran :
les Gardiens de la révolution,
« bunker » du régime, ne pouvaient avoir
meilleure opportunité de prouver qu’ils
sont indispensables à l’État islamique
et que la voie de guerre qu’ils mènent
est la seule viable pour une capitale
nationale iranienne assaillie par les
puissances anglo-saxonnes. Résultat : la
capture d’un pétrolier britannique.
La facilité de
l’assaut iranien, la pénible incapacité
de courir au secours du seul navire de
guerre britannique dans la région, sa
solitude pathétique et voici que
l’ancien chef de l’état-major de la
marine britannique en rajoute et publie
un rapport catastrophique dans « The
Observer« . Tout ceci ne passe
pas inaperçu chez les amis et les
ennemis de Boris l’agité, que le capital
britannique semble vouloir sacrifié.
Aujourd’hui, la
Grande-Bretagne ne parvient pas à
défendre ses intérêts historiques
impérialistes. Oui, bien sûr, le pays a
un record d’emploi concomitant à un
record de sous-emploi, de salaires de
misère et de pauvreté endémique (c’est
le nouveau paradoxe du capitalisme en
perdition), mais le capital britannique
n’a pas la capacité de maintenir la
structure militaire nécessaire à la
défense de ses intérêts impérialistes
dispersés sur les sept mers. Et le grand
capital britannique (de la City
notamment) sait parfaitement bien que
son ami américain ne le courtise que
pour gober ce qui reste de son empire.
L’Europe n’a pas
une telle armée étendue, et de ce point
de vue ce n’est pas un allié comparable
aux États-Unis d’Amérique… et peut-être
est-ce mieux ainsi, car la bataille
principale ne confronte plus le
Royaume-Uni, la France, L’Allemagne,
l’Italie, la Russie et le Japon à
l’Oncle Sam. La guerre qui se prépare
confronte le camp chinois (2 milliards
d’habitants) au camp américain mal en
point (moins de 500 millions
d’individus). La question sous-jacente
au Brexit est celle de
l’alignement du Royaume-Uni et de
l’Europe. Une chose parait certaine
l’Europe ne souhaite pas devenir le
parterre de la prochaine guerre
nucléaire.
De toute évidence,
il sera plus difficile pour Johnson
de transformer le Brexit en victoire, ce
qui signifie que les approvisionnements
en pétrole sont en péril et que le prix
du baril demeure élevé au grand dam des
industriels du monde entier. La Chine,
qui suit le jeu de très près et semble
légèrement en retrait, prévoit des
difficultés entre la Grande-Bretagne du
Brexit et les États-Unis de
Trump, sur ce point du moins. Quoi qu’il
en soit, nous constatons que, dans un
environnement impérialiste de plus en
plus agressif, une réponse en entraine
une autre et que, sans intérêt direct
apparent, toute l’Europe finit par être
impliquée dans une situation qui est à
un pas de la guerre.
La leçon pour
les prolétaires?
Il n’y a pas de
pays « sûr ». L’approfondissement des
rivalités impérialistes qu’affichent les
journaux télévisés et qu’ils présentent
comme des anecdotes devient de plus en
plus sinistre. Le capital est
constamment entrainé dans la guerre et
le Brexit est un miroir aux alouettes
que les ouvriers britanniques devraient
répudier.
NOTES
- Des
économistes prétendent que : « Johnson
a l’intention de consolider un bloc
politique et commercial avec les
États-Unis aux dépens de l’UE,
c’est-à-dire résoudre la fracture
qui a fait l’objet de la bataille du
Brexit depuis le début ».
Regrouper deux rafiots en perdition
ne constitue pas une armada
commerciale. Statistiques
commerciales:
http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEchangesPays?codePays=GBR
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/brexit-lecheance-du-roman-savon-britannique-approche/http://www.les7duquebec.com/7-au-front/le-centre-des-tensions-mondiales-se-deplace-brexit-route-de-la-soie-vendetta-italienne-guerre-commerciale/
-
http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs-2-2/la-chine-est-reorganisee-pour-une-guerre-commerciale-permanente/
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