Les 7 du Québec
Trump, l'imprévisible drone téléguidé
Robert Bibeau

Mercredi 6 juin 2018
Donald,
l’imprévisible drone télécommandé
L’année 2018 est
marquée par un réalignement de la
politique américaine suite à l’élection
de Donald Trump à la
Maison-Blanche. Ce rééquilibrage
politique fait suite aux changements des
conditions économiques d’exploitation de
la force de travail depuis 1968, et plus
particulièrement depuis 1989-1990
(chutes du Mur de Berlin et du
Rideau de fer), et surtout, depuis
la crise systémique de 2008 qui a
ébranlé Wall Street. L’élection
de Trump, et son imposition par une
faction du grand capital transnational
n’est pas « La » cause, mais bien « La »
conséquence directe du changement du
rapport de force interimpérialiste. Le
grand capital monopoliste américain a
décidé de changer d’attelage au milieu
du gué, ce qui ne laissait aucune chance
au tandem Clinton-Kayne, Poutine n’a
rien à voir dans ce montage électoral
qui ne fut surtout pas un coup d’État,
mais un coup d’éclat comme nous le
décrivons dans l’ouvrage : « La
démocratie aux États-Unis. Les
mascarades électorales ».
(1)
Du point de vue
économique l’URSS et le Comecon ne
firent jamais le poids face aux
États-Unis d’Amérique et à leurs vassaux
de l’OTAN. Ainsi, au moment de son
implosion en 1989, le PIB de l’URSS
équivalait à un peu près au tiers de
celui des États-Unis pour une population
comparable. (2) Encore aujourd’hui,
alors qu’aux États-Unis le PIB par
habitant est de 59 000 USD (20e),
il n’est que de 24 000 USD en Russie
capitaliste (71e). (3) Le PIB
des États-Unis compte pour 25% du PIB
mondial total (80 000 milliards USD)
tandis que celui de Russie fait à peine
2% du PIB global (4).
Il en va
différemment avec la Chine et ses 1,3
milliard d’habitants (producteurs
consommateurs) qui alignera d’ici 15 ans
850 millions de prolétaires à forte
productivité parce que mécaniser,
robotiser, numériser, et interrelié. Nul
n’imagine l’immense capacité de
capitalisation d’une telle force de
production. Pour comparaison, disons
qu’au plus fort de son expansion
industrielle hégémonique les États-Unis
d’Amérique comptaient 150 millions de
prolétaires salariés ce qui engendrait
des surplus de marchandises qui auraient
provoquer, aux dires des écologistes, le
« consumérisme », le gaspillage des
ressources, et les changements
climatiques, ce que les peuples du
tiers-monde affamés n’ont jamais
accrédité.
Deux choix
s’offrent aux prolétaires face aux
décisions intempestives de
l’administration américaine. Le premier
choix consiste à s’abreuver au
roman-feuilleton des scénaristes
hollywoodiens de la politique spectacle
avec comme résultat l’incompréhension
complète des évènements, accréditant le
jugement fallacieux que le showman
trumpiste est « imprévisible », ce qu’il
n’est pas. Le second choix consiste à
trouver la clé économique de l’évolution
des forces productives sociales, qui
permettra de « lire et de comprendre »
les rapports de production sociaux
(politique douanière, politique fiscale
et monétaire, commerciale, sociale,
diplomatique et militaire). Ainsi,
l’imprévisible Donald Trump,
ce drone téléguidé, deviendra
transparent malgré ses ambigüités.
Quelques
hypothèses présentées par des analystes
déçus
Rien de mieux qu’un
contrexemple pour illustrer ce qu’il
faut éviter à moins de souhaiter
s’égarer. Un analyste écrit ceci : « Le
projet initial de l’administration Trump
était de procéder à une
reconstruction économique sur une base
protectionniste. Deux camps
s’affrontent, celui porteur d’un
renouveau économique des É.-U. et
celui en faveur d’une conflictualité
militaire de plus en plus ouverte,
option qui semble être principalement
portée par le parti démocrate. La lutte,
entre les Démocrates et la majorité des
Républicains, peut ainsi être lue comme
un conflit entre deux tendances du
capitalisme étasunien, entre
celle porteuse de la mondialisation du
capital et celle prônant une relance du
développement industriel d’un pays
économiquement déclinant. » (…)
« Ici, la décision apparaît comme une
tentative de rupture d’avec la norme de
la trans-nationalisation du capital,
comme un acte de rétablissement de la
souveraineté nationale US.»(5)
Nous proposons ce
galimatias afin de prendre la mesure de
la pente à surmonter pour un béotien
matraqué par une sommité. Pas de panique
nous serons systématique : A) il n’y a
aucune « reconstruction économique »
qui tienne, l’économie de l’Amérique est
en ruine, non par la faute d’un camp
capitaliste ou d’un autre, mais parce
que le développement capitaliste ne peut
s’égrener autrement que de cette façon :
divers concurrents désirant s’emparer
des marchés, afin de réaliser leur
plus-value, finissent par s’affronter
commercialement d’abord, politiquement –
juridiquement – diplomatiquement
ensuite, et finalement militairement.
B) L’auteur décrit un affrontement
capitaliste « entre le camp
porteur de la mondialisation du capital
et le clan prônant une relance du
développement industriel ».
Erreur, l’auteur présente des objectifs
irréalistes. La mondialisation du
capital est un fait inéluctable qu’aucun
camp capitaliste (si on excepte les
mystiques altermondialistes de la
« démondialisation ») ne songe même pas
à contester, et aucun camp de caciques
en Amérique ne songe sérieusement à « réindustrialiser »
cet État-policier. Les oligarques
financiers états-uniens empochent une
large partie de leurs profits à la
bourse, et non dans les usines. C)
La souveraineté nationale US est plus
marquée et agressive qu’elle ne l’a
jamais été. Voilà pour un premier expert
qui nous aura davantage embrouillés
qu’éclairer.
Jean-Maxime
Corneille propose ceci sur le
webmagazine
Les7duquebec.com. Il écrit : « L’imposition
de droits de douane (25 % sur l’acier,
10 % sur l’aluminium) par les États-Unis
à l’encontre de leurs partenaires de
l’Union européenne (UE) ou de l’ALENA
(Mexique et Canada), doit être comprise
dans le cadre d’une guerre économique
qui n’a jamais cessé à l’échelle du
monde. Cependant il ne faut pas oublier
que cette guerre économique est avant
tout voulue par les milieux financiers,
bien plus que par les États ou par les
peuples. Elle fait rage ici entre les
États-Unis et la Chine, mais ce sont les
Européens qui vont en être les premières
victimes collatérales, du fait de leur
docilité proverbiale vis-à-vis des
États-Unis hier, et vis-à-vis de l’OMC
aujourd’hui. » (6) Il y a du vrai et
du faux parmi ces assertions. En effet,
la guerre commerciale est permanente et
elle confronte davantage les É.-U. et la
Chine que les autres puissances –
victimes collatérales, mais parties
prenantes tout de même. L’économie
mondialisée englobe aussi bien les pays
de l’UE que ceux soumis à l’ALENA, au
CETA, ou à l’OMC, etc. Il est
superfétatoire cependant de tenter de
tracer une frontière entre les États,
les peuples et les financiers-banquiers
tous interreliés par ce mode de
production moribond. Si M. Corneille a
raison de souligner la « docilité
servile » des pays de l’UE, il a tort de
penser que cela ne peut changer. Sous le
mode de production capitaliste tant
qu’une puissance hégémonique permet à
ses vassaux de valoriser leurs capitaux
tous applaudissent le Capo dei capi.
Mais aujourd’hui tout a changé et les
États-Unis n’assurent plus si bien que
la fronde gronde sur les places
financières du monde et Angela
Merkel pourrait bien préparer la
nuit de la St-Barthélemy lors de sa 12e
visite officielle en Chine. Vous croyez
réellement que le vieux capital allemand
qui a affronté le monde entier à deux
reprises va se laisser dépouiller
docilement ? (7)
L’état du
capital financier américain
Venons-en aux faits
concrets. Marc Rousset
nous fournit une première volée de bois
verts. Il écrit ceci : « Le taux
des bons du Trésor américain à 10 ans
s’est envolé de 2,25 %, le 25 mai 2017,
à 2,93 %, le 25 mai 2018 (et
ce n’est qu’un début). Le géant des
marchés obligataires PIMCO estime
que le rendement
des « treasuries » pourrait atteindre
3,5 % d’ici la fin de l’année, certains
gérants pensant même qu’il pourrait
approcher les 4 %. Le Dow Jones est,
aujourd’hui, deux fois supérieures à
celui de l’avant-crise de 2008, tandis
que l’endettement est au plus haut
partout dans le monde, que la masse
monétaire américaine est passée de 250
milliards de dollars, en 1985, à 3.750
milliards de dollars, en 2018, et
que Trump, pour couronner le tout,
assouplit la loi Dodd-Frank votée
en 2010 sous Barack Obama pour
mieux contrôler les risques pris par les
banques. » (8)
Pour qui souhaite
comprendre ce qui se trame, il est très
important de noter l’accroissement
exponentiel des dollars sur les marchés
et donc leur fragilité, et de comprendre
l’effet de l’assouplissement de la loi
Dood-Frank. Cet
assouplissement signifie que les banques
américaines, qui n’ont jamais vraiment
cessé d’émettre de l’argent de Monopoly
sous l’appellation de produits boursiers
dérivés, pourront recommencer à émettre
sans vergogne provoquant à terme un
défaut de paiement. Dans ce type de
pyramide de Ponzi seuls les
promoteurs tout en haut de l’échelle
spéculative peuvent espérer s’en tirer.
En 2008, la titrisation des actifs
bancaires avait mené à la liquidation de
la banque Lehman Brothers,
la récidive sera bien pire et pourrait
entrainer tout le système monétaire
mondial de ces mégabanques dont on dit
qu’elles sont « trop grosses pour
faire faillite et trop grandes pour être
secourues ». (9)
Au cœur de cette
nouvelle crise « permanente » du capital
mondial, le déficit commercial global
des États-Unis s’est encore creusé de
12,1 % en 2017 et s’établit désormais à
566 milliards de dollars. En soustrayant
l’excédent que le pays dégage dans les
services, pour se concentrer sur les
échanges de biens uniquement, le solde
négatif atteint même 796,1 milliards de
dollars. C’est évidemment avec la Chine
que le déficit est le plus massif : il a
atteint, en 2017, le niveau record de
375,2 milliards de dollars pour les
seuls biens. (10)
La nouvelle
tactique étatsunienne – les cinq
mouvements de la relance (sic)
Il faut comprendre
que Donald Trump n’est pas
un génie de l’économie. Il est tout au
plus un saltimbanque soigneusement
sélectionné, puis nominé par une faction
des milieux d’affaires américains pour
déployer une politique que ni
Barak Obama ni Hilary
Clinton n’était capable
d’administrer. Pensez à un remède
d’éléphant visant à guérir un bourricot
mort-vivant.
L’histoire commence
par le Yuan vis-à-vis duquel
Donald Trump a établi une ligne
rouge: il doit monter par rapport au
dollar. Toute tentative de manipulation
à la baisse sera suivie, critiquée et
sanctionnée. Le dollar est encore la
première monnaie du monde. La
sous-évaluation du Yuan, entre 20 et
30%, doit se résorber. Un duopole
mondial (dollar-yuan) sera établi, les
autres pays largués. Qui osera critiquer
Trump pour réduire la manipulation de la
monnaie chinoise, demande Jean-Paul
Betbeze. (11)
Pour y parvenir, le
premier mouvement de cette bacchanale
des banques vise à provoquer la hausse
des prix et à stimuler l’inflation. Ce
fut d’abord l’annulation des traités et
accords commerciaux, et leurs
renégociations à la pièce. Ce fut
ensuite la répudiation des accords sur
le nucléaire iranien, qui provoqua la
hausse du prix du baril de pétrole sans
qu’un seul coup de feu ne soit tiré.
(12) Enfin, l’imposition de tarifs
douaniers spéciaux sur l’acier et
l’aluminium, mesure à laquelle les pays
touchés ont répliqué en annonçant des
mesures de rétorsion contre de nombreux
produits des États-Unis ce qui
provoquera davantage d’inflation, ce qui
est l’effet escompté.
Le deuxième
mouvement de cette valse des suppliciés,
le prix des marchandises augmentant, le
prix de la marchandise fétiche augmente
lui aussi. Le loyer de l’argent a
commencé à grimper et les taux d’intérêt
ont adopté un cours haussier pour le
reste de l’année.
Le troisième
mouvement ramènera les profits
financiers et boursiers aux États-Unis
où le rendement sur investissement
grimpe lentement (taux d’intérêt à la
hausse). Des investissements faut-il le
préciser qui ne se feront pas
nécessairement au pays de l’Oncle Sam,
mais pourvu que le capital transite via
les É.-U. la balance des paiements
s’équilibre. Voilà pour ceux qui
espéraient une relance de l’industrie
manufacturière et la création d’emplois
productifs. Le développement de
l’économie capitaliste n’a pas confié
cette mission aux banquiers de Wall
Street.
Le quatrième
mouvement amènera les économies
concurrentes et ex-alliées des
États-Unis à chercher à se défiler de
cette arnaque, à ne pas appliquer les
sanctions, à ne pas laisser échapper
leurs marchés, et pour cela à s’échapper
du piège de la monnaie unique sinon pour
retourner à l’or, étalon de référence
comme il en était avant 1971 au moment
de la répudiation des accords de
Bretton Woods.
Le cinquième acte
de cette tragédie où il n’y aura que des
perdants, pas un seul gagnant, marquera
la dévaluation du dollar américain
entrainant un krach boursier
gigantesque, ou l’inverse. L’effet sera
gargantuesque sur les prolétaires du
monde entier qui seront appelés à
solutionner cette crise apocalyptique
mondialisée… Le feront-ils ?
NOTES
- Robert Bibeau
(2018)
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/la-democratie-aux-etats-unis-les-mascarades-electorales/
L’Harmattan.
-
https://fr.wikipedia.org/wiki/Portail:URSS
-
https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_PIB_par_habitant
-
https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_PIB_nominal
-
https://www.mondialisation.ca/guerre-economique-ou-guerre-absolue/5625924
-
http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs/les-droits-de-douanes-de-trump-contre-lalena-et-lue/
-
http://www.les7duquebec.com/actualites-des-7/la-riposte-des-puissances-concurrentes-sorganise-face-aux-usa/
-
http://www.les7duquebec.com/actualites-des-7/lexplosion-economique-a-venir-dans-le-monde-et-dans-la-zone-euro/
-
https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_financière_mondiale_de_2007-2008
- Marie de
Vergès, « Les États-Unis de
Donald Trump enregistrent leur plus
gros déficit commercial depuis 2008».
Le Monde économie,
le 7/2/2018,
http://www.lemonde.fr/economie/article/2018/02/07/les-etats-unis-de-donald-trump-enregistrent-leur-plus-gros-deficit-commercial-depuis-2008_5253328_3234.html#VAxBxVsvaLj5sDB9.99
-
https://www.linkedin.com/pulse/trump-agent-chinois-jean-paul-betbeze/?trk=eml-email_feed_ecosystem_digest_01-recommended_articles-3-Unknown&midToken=AQEcxYupnndvmA&fromEmail=fromEmail&ut=3dOupgLipOFog1
-
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/wall-street-se-retire-de-laccord-sur-le-nucleaire-iranien/
Reçu de Robert Bibeau pour
publication
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