MADANIYA
Les Fonds vautours et le bradage des
terres arables,
sur fond d’évasion de capitaux
René Naba
Lundi 25 avril 2016
L’Argentine a conclu
le 1er Mars 2016 un accord avec les
fonds vautours, qui bafoue les
résolutions de l’ONU sur les dettes
souveraines et ressemble fort à une
extorsion. Les vautours ont dicté leurs
conditions en contrepartie d’un rabais
de 25%
Argentine, Grèce, Afrique… Les Fonds
vautours fondent, tels des rapaces, sur
les proies offertes à eux par les lois
d’airain de l’hypercapitalisme, dans la
pure tradition du capitalisme sauvage
qui a marqué l’essor de la société
industrielle occidentale, lors de la
conquête de Far West américain et le
pillage coloniales des autres
continents.
Retour sur ce
phénomène particulièrement sur le rôle
perverse du fonds Elliott du
milliardaire Paul Singer.
L’argentine, 3e pays
d’Amérique du sud à subir les rigueurs
du formalisme juridique des États-Unis
et de son ordre ultra capitaliste
La décision de la Cour suprême des
États-Unis, en juin 2014, enjoignant à
l’Argentine de régler sa dette à ses
créanciers au taux nominal et non au
taux effectif remet en mémoire la nature
fondamentalement prédatrice des Fonds
vautours.
L’Argentine est le 3e pays
latino-américain, après le Pérou et le
Nicaragua, à subir les rigueurs du
formalisme juridique des États-Unis et
de son ordre ultra capitaliste. Le
continent sud-américain a été, en effet,
le premier terrain de chasse de ces
«fonds-charognards». En 1999, le Pérou a
été contraint par la Cour d’appel de New
York à payer 58 millions de dollars au
fonds vautour Elliott Associates pour
une dette rachetée seulement à 11
millions de dollars. La même année, une
juridiction étasunienne a condamné le
Nicaragua à payer 87 millions de dollars
pour une dette rachetée par le fonds
Leucadia à 1,14 million de dollars, soit
une plus-value de 7500%.
La crise de la dette a constitué une
aubaine pour les fonds vautours, qui
leur a donné la possibilité de racheter
pour une bouchée de pain des créances
impayées sur les pays en développement
et accroître leurs gains en les
attaquant en justice, une fois que ces
pays auront retrouvé un peu d’oxygène
financier.
Ce fut un véritable coup de tonnerre
dans le ciel argentin. Buenos Aires, qui
avait fondé tous ses espoirs sur la Cour
Suprême américaine, a vu sa condamnation
confirmée dans le procès qui l’oppose à
des fonds spéculatifs. La Cour a refusé
de s’impliquer dans cette affaire, qui a
pris des allures de psychodrame
planétaire. L’Argentine doit donc
rembourser 1,3 milliard de dollars à ces
fonds.
Le fonds Elliott du
milliardaire Paul Singer
Elliott est le plus célèbre d’entre
eux. Fondé par le milliardaire américain
Paul Singer, il a connu la notoriété par
un coup de maître: Mettre la main sur
des titres obligataires argentins
lorsque ceux-ci ne valaient quasiment
rien, du fait de la faillite du pays en
2001, et obtenu de la justice américaine
une décision favorable. Les juges de New
York ont ordonné à Buenos Aires de
rembourser le fonds à 100 %, et non à
hauteur du prix que celui-ci a
réellement payé.
Plus rocambolesque encore, les juges
ont déclaré que la seule façon légale
d’échapper à cette injonction était,
pour l’Argentine, de ne plus payer aucun
de ses autres créanciers. En somme, de
se déclarer en défaut de paiement.
Un comble pour un pays qui est passé par
deux accords de restructurations de
dette, en 2005 et 2010, et qui vient,
après des années de négociations de
conclure un accord pour apurer sa dette
envers le Club de Paris (qui réunit la
France, l’Allemagne, le Japon..).
L’Argentine, dont les réserves de
changes fondent, craint de devoir
rembourser beaucoup plus que 1,3
milliard de dollars si d’autres
investisseurs s’engouffrent dans la
brèche.
L’Afrique, proie de
choix des Fonds vautours et sa parade
«La facilité africaine de soutien
juridique»
L’Afrique est, elle aussi, depuis des
années la proie préférée des fonds
vautours: ces fonds d’investissement
privés qui extorquent en toute légalité
des ressources financières vitales pour
le développement des pays du Sud. Leur
méthode consiste à racheter à très bas
prix, sur le marché secondaire de la
dette, des dettes de pays en
développement à leur insu pour ensuite
les contraindre par voie judiciaire à
les rembourser au prix fort, c’est à
dire le montant initial des dettes,
augmentées d’intérêts, de pénalités et
de divers frais de justice.
Ces prédateurs de la finance, basés
majoritairement dans les paradis
fiscaux, auraient déjà engrangé au
minimum 2 milliards de dollars. Leur
funeste entreprise pointe en justice une
dizaine de pays africains dans une
cinquantaine de procès. Pour y parer,
une structure de soutien a été mise sur
pied œuvre sinon pour neutraliser les
raids des fonds vautours, à tout le
moins en réduire les effets: La
«Facilité africaine de soutien
juridique» (en anglais ALSF: African
Legal Support Facility) désigne le Fonds
international initié par la BAD pour
fournir l’assistance juridique aux États
attaqués par les fonds vautours.
Constitué le 29 juin 2009 à Tunis, ce
Fonds n’est pas exclusivement destiné
aux pays africains puisqu’il sera mis à
la disposition de tous les États membres
de la BAD (77 au total dont 53
africains) mais aussi aux pays
non-membres qui en feraient la demande
comme ceux d’Amérique latine, victimes
également des fonds vautours.
L’évasion fiscale:
une hémorragie substantielle
Aux fonds vautours se superpose
l’évasion fiscale. L’hémorragie est
substantielle, infiniment supérieure au
budget affecté aux dépenses
d’infrastructure en Afrique. 90
milliards de dollars quittent, en
fraude, chaque année l’Afrique pour
enrichir les riches pays occidentaux ou
se nicher dans les paradis fiscaux,
appauvrissant d’autant le continent,
dont le déficit annuel de financement de
l’infrastructure s’élève à 31 milliards
de dollars par an.
En surcroît aux nombreux maux dont
pâtit l’Afrique, un mal est plus que
tout autre corrosif et ravageur:
l’incivisme en ce que l’Afrique, plus
que tout autre contient, a subi de plein
fouet les effets pervers de la
colonisation, la dépossession et
l’exploitation. La situation est si
alarmante que l’Union Africaine a invité
les états membres de l’organisation
continentale africaine pour prendre les
mesures appropriées pour freiner la
fuite des capitaux qui prennent la
dimension d’une hémorragie. La somme
exportée au titre de flux financiers non
déclarés par les pays en développement,
chaque année, est «près de dix fois les
flux d’aide internationale annuelle et
deux fois le montant de la dette
annuelle des pays en développement»,
indique un rapport du Consortium pour la
recherche économique en Afrique (CREA),
publie par la revue «Afrique Asie», en
date de Mai 2014.
Les milliardaires
d’Afrique
Autre incongruités: l’Afrique compte
55 milliardaires, un nombre supérieur
aux prévisions encore qu’il s’agit d’une
«estimation basse», estime le fondateur
de Ventures, Chi-Chi Okonjo dans son
édition en date du 7 octobre 2013.
Le Nigeria est le pays qui en compte
le plus, avec 20 milliardaires ayant
généralement fait fortune dans le
pétrole. Viennent ensuite l’Afrique du
Sud et l’Égypte, avec respectivement
neuf et huit milliardaires parmi leurs
concitoyens.
Si l’Afrique compte de plus en plus
d’hommes très riches, la crise mondiale
et la pauvreté ne reculent pas pour
autant. L’Afrique sub-saharienne, qui
comptait 205 millions d’habitants vivant
dans un état d’extrême pauvreté (avec
moins de 1,25 dollar par jour) en 1981,
en comptait 414 millions en 2010, soit
plus du double, selon la Banque
mondiale. Selon Ventures, certaines
grandes fortunes du continent refusent
d’évoquer leur richesse parce qu’elles
souhaitent rester discrètes sur leurs
affaires et que leurs relations avec le
pouvoir ne sont pas toujours claires.
Cela explique peut-être pourquoi le
classement 2012 de Forbes, qui retrace
en quelques lignes le parcours des plus
grands millionnaires d’Afrique, ne donne
pas exactement les mêmes résultats.
Les deux magazines s’accordent
néanmoins sur l’homme le plus riche
d’Afrique. Il s’agirait de
l’entrepreneur nigérian Aliko Dangote.
Ce dernier serait à la tête d’une
fortune de 20,2 milliards de dollars.
Son empire industriel comprend des
usines de farine, de sucre, d’autres
denrées alimentaires et du ciment.
Le Maroc compte, à lui seul,
6 milliardaires dans le Top 50: Othman
Benjelloun, Miloud Chaabi, Anas Sefrioui,
Moulay Hafid El Alami et Alamy Lazraq,
ainsi que le surprenant Aziz Akhannouch.
Le ministre de l’Agriculture et
propriétaire du groupe Akwa détient une
fortune estimée à 1,4 milliards de
dollars.
Ce conglomérat marocain de plusieurs
milliards de dollars a des intérêts dans
le secteur pétrolier, le gaz et les
produits chimique, ainsi que les médias,
l’immobilier et l’hôtellerie. Othman
Benjelloun reste, toutefois, une
nouvelle fois en tête au niveau du
royaume avec 2,8 milliards de dollars.
Sur le plan africain, il est classé en
10e position alors qu’il était 7e en
2012. Le président de la BMCE et
propriétaire de l’assureur RMA Watanya
est suivi de Miloud Chaabi qui détient
une fortune estimée à 1,9 milliard de
dollars. Le numéro 2 au Maroc arrive en
17e position sur le continent contre une
12e place un an auparavant.
La première femme en
24e position du classement
Selon Ventures, Folorunsho Alakija,
également nigériane, serait la femme la
plus riche d’Afrique. Cette dernière
n’apparaît cependant qu’en 24e position
dans le classement de Forbes. Sa
compagnie pétrolière, Famfa Oil,
exploiterait un des blocs pétroliers
offshore les plus prolifiques du
Nigeria. Styliste de formation, elle
aurait obtenu ce dernier à un prix
relativement bas en 1993 grâce à son
amie Maryam Babangida, épouse de
l’ancien dirigeant militaire Ibrahim
Babangida.
Du côté de l’Afrique du Sud, les cinq
plus gros milliardaires sont des Blancs
âgés de plus de 60 ans. Ils ont fait
fortune dans la finance et la
distribution et tirent une large partie
de leurs revenus de leurs
investissements à l’étranger (Londres,
New York, Zurich). Classé 5e dans
Ventures et 2e dans Forbes, Nicky
Oppenheimer doit sa fortune, estimée à
6,5 milliards de dollars, aux mines de
diamants dont il a hérité et dont il
s’est séparé récemment.
Le capitalisme: Un
grand avenir en Afrique, sous réserve de
la globalisation des entreprises
africaines
L’Afrique dispose d’un immense
potentiel, propulsé par la démographie,
la productivité et le capitaux: 6 des
10 pays du monde ayant la plus forte
croissance sont africains et, en 2012,
cinq ont dépassé la Chine et vingt et un
l’Inde, alors que l’Afrique contribue
encore pour moins de 2% aux échanges
mondiaux.
En dépit de ces handicaps, le
capitalisme a un grand avenir en
Afrique, sous réserve que les
entreprises africaines deviennent
«globales». Le constat, catégorique,
émane du très sérieux «Boston
Consulting» dans un rapport de 2010
intitulé «The African Challengers».
Masquant mal sa vision ultra libérale
de l’Afrique, la prestigieuse
institution nous ressert la rengaine du
consensus de Washington et son
prolongement le consensus de Bruxelles,
si désastreux en coûts humains pour
l’économie occidentale avec ses quatre
prescriptions (privatisation,
déréglementation, dérégulation,
fléxibilisation). Le développement,
l’éducation et le niveau de vie suivront
si les pays «suppriment les barrières
des investissements étrangers», estime
le rapport sans trop se préoccuper de
l’intérêt des populations ou de la
concordance de leur intérêt et celui des
entreprises.
Le credo est rodé: L’avenir de
l’Afrique repose sur la globalisation de
ses entreprises. Pour le Boston
Consulting Group (BCG) cela ne fait
aucun doute. «Le capitalisme produit des
gagnants et des perdants, et il y aura
certainement des moments difficiles en
chemin pour les compagnies africaines»
mais peu importe finalement puisque «le
futur est radieux pour un continent qui
commence à peine à contracter ses
muscles capitalistes», prédit le
rapport.
Les Lions, plus
forts que les Tigres ou le BRIC.
Les auteurs expliquent que la vision
d’une Afrique qui a été «au plus bas
tellement longtemps qu’il sera difficile
de remonter un jour» est aujourd’hui
dépassée. Le continent a connu une
croissance économique de 5,3% en moyenne
entre 2000 et 2008. En 2009, au moment
où les économies occidentales et, dans
une moindre mesure asiatiques et
sud-américaines, reculaient, l’Afrique
voyait son PIB augmenter de 2%. Entre
2000 et 2010, les exportations ont
progressé de manière constante. «En
termes d’espérance de vie,
d’alphabétisation, et de niveau de vie,
les Lions Africains sont comparables aux
pays du BRIC ou aux Tigres Asiatiques»
et «la facilité pour faire des affaires
est approximativement similaire», est-il
écrit. Parmi les «lions africains»,
sélectionnés sur la base de facteurs
socio-économiques dont le PIB, figurent
l’Algérie, l’Égypte, la Libye, la
Mauritanie, le Maroc, la Tunisie,
l’Afrique du Sud et le Botswana.
Corruption
Deux cas illustrent cette forme
lancinante de la gangrène africaine: Le
Sénégal en ce que son président
d’Abdoulaye Wade, fut un universitaire
brillant, professant un enseignement
marxiste en contradiction avec son
comportement à son passage au pouvoir.
La Guinée Équatoriale en ce que le
président de ce pays parvenu un
tardivement à la richesse pétrolière a
développé un comportement de «parvenu».
Sénégal: Les fonds acquis de manière
illicite par Karim Wade sont estimés à
700 milliards FCFA. Une fortune amassée
au moyen de prises illégales d’intérêt
dans plusieurs sociétés s’activant au
Sénégal dans les secteurs des transports
aérien et maritime.
La justice a par ailleurs saisi 47
milliards d’une ex-sénatrice du PDS Aida
Ndiongue, 47 milliards 675 millions FCfa,
découverts par des enquêteurs dans sept
coffres, des comptes bancaires et des
sociétés appartenant à la femme
d’affaires proche de l’ancien président
Abdoulaye Wade, dont «des bijoux d’une
valeur estimative de 15 milliards de
FCfa.
Guinée équatoriale: La justice
française a saisi, en septembre 2011,
une quinzaine de voitures de luxe :
Ferrari, Maserati, Porsche, Bentley…
appartenant toutes à Teodoro Nguema
Obiang (TNO), dit Teodorin, fils du
Président de Guinée Équatoriale. En
février 2012, ce sont 3 pleins camions
de biens de luxe, dont du mobilier
d’époque, des œuvres d’art, des
bouteilles de vin millésimé.
Les transferts de
fonds
Les émigrés africains transfèrent
chaque année 40 milliards de dollars
dans leurs pays d’origine, mais le
manque d’information, de concurrence et
de régulation empêche cet argent d’agir
pleinement sur le développement. Selon
l’ONG Overseas Development Institute,
L’Afrique perd entre 1,4 et 2,3
milliards de dollars par an en frais de
transferts excessifs, selon Overseas
Development Institute.
«L’Afrique subsaharienne est la
région la plus pauvre au monde mais elle
essuie les frais de transfert les plus
élevés. Les frais sont en moyenne de 12%
sur les transferts de 200 dollars US, ce
qui équivaut quasiment au double de la
moyenne mondiale», précise cette ONG
basée à Londres. L’ODI cite le «manque
de concurrence» pour expliquer ces coûts
élevés, puisque seules deux sociétés de
transfert de fonds -Western Union et
MoneyGram- contrôlent le marché des
virements à l’étranger. «Cette surtaxe
sur les transferts détourne les
ressources dont les familles ont besoin
pour pouvoir investir dans l’éducation,
la santé et la construction d’un avenir
meilleur. Elle fragilise un lien vital
pour des centaines de milliers de
familles africaines», estime Kevin
Watkins, le directeur de l’ODI.
Le rapport calcule que l’alignement
des frais pour les Africains sur la
moyenne mondiale produirait suffisamment
de revenus pour financer la
scolarisation de quelques 14 millions
d’enfants, soit presque la moitié des
enfants non scolarisés en Afrique
subsaharienne, et pour fournir de l’eau
potable à 21 millions de personnes.
Résultat, le marché des transferts est
détenu à 64 % par deux acteurs
seulement, Western Union et MoneyGram.
Faute de concurrence, le taux des
commissions est d’environ 10 % en
moyenne en Afrique, où il peut même
atteindre 25 %, contre 5,6 % en moyenne
dans le monde.
L’agence des Nations unies propose de
transformer les bureaux de poste en
points de retrait, alors qu’ils n’en ont
aujourd’hui pour la plupart ni le droit
ni les moyens. L’IFAD vient de signer un
accord avec l’Universal Postal Union
pour travailler en ce sens.
D’autres solutions existent. Au Kenya,
le téléphone mobile devient un des
moyens les plus économiques d’effectuer
des transferts d’argent. Le Kenya est
aussi un des rares pays à autoriser les
institutions de micro-finance à opérer
ces envois de fonds.
Dans toute l’Afrique, ces organismes ne
forment que 3 % des points de retrait.
Leur ouvrir le marché des transferts
suffirait à doubler le nombre de
guichets, selon l’IFAD. Surtout au lieu
d’un simple mécanisme de consommation,
« cela créerait une dynamique locale
d’épargne et de microcrédit, qui
donnerait une tout autre dimension à
l’économie », estime l’institution.
À la lumière de la jurisprudence
concernant l’Argentine, il y a fort à
parier que de nouveaux fonds vautours
vont faire surface, tant est lucratif ce
«business de la dette». La Facilité
africaine de soutien juridique ne sera
certainement pas en mesure de secourir
tous les pays tombés dans l’escarcelle
des fonds vautours. D’autres mesures
devront être prises pour stopper
l’hémorragie et enfin éradiquer ces
prédateurs.
La lutte contre les fonds vautours
doit se mener partout, au Sud comme au
Nord. Pour être efficace, les États ont
intérêt d’adopter immédiatement des lois
visant à enrayer leurs actions
mortifères. Une gangrène que ne saurait
compenser l’important flot de transfert
opéré par les migrants africains à
destination de leur natal, de l’ordre de
40 milliards de dollars par an, soit la
somme équivalente aux intérêts de la
dette payés annuellement par l’Afrique à
ses créanciers.
Autre plaie de
l’économie africaine: le bradage des
terres arables
Depuis 2006, près de 20 millions
d’hectares de terres arables ont fait
l’objet de négociations dans le monde
car d’ici à 2050, la production agricole
devrait croître de 70 % pour répondre à
l’augmentation de la population, selon
l’Organisation des Nations unies pour
l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Mais cette offensive sur les terres ne
se fait pas sans dérapages. Le recadrage
des investissements s’impose, faute de
quoi ils risquent de déséquilibrer le
pays cible, à l’image des visées du
coréen Daewoo à Madagascar.
Aux fonds souverains d’états soucieux
d’assurer leur stratégie
d’approvisionnement, parmi lesquels les
pays du Golfe ou la Chine, se sont
ajoutés des investisseurs privés, locaux
ou étrangers. Les acquisitions de terres
se sont accélérées avec la crise
alimentaire de 2008. L’Arabie saoudite a
mis sur pied une société publique pour
financer les entreprises privées du
royaume qui achètent des terres à
l’étranger.
Au Mali, les nouvelles mises en
culture bénéficient surtout aux
investisseurs libyens. L’octroi de 100
000 hectares à la société Malibya, liée
à l’ancien dirigeant libyen, le colonel
Mouammar Kadhafi, a fait grand bruit.
« Les hectares des Libyens sont au début
des canaux d’irrigation, ils seront
servis en eau avant nous ». Les
producteurs redoutent aussi les
intentions des Chinois de développer la
canne à sucre, gourmande en eau. Ils en
cultivent déjà 6 000 hectares et
contrôlent la sucrerie Sukala, résume
Mamadou Goïta, de l’ONG malienne Afrique
verte.
Fonds vautours, évaporation de recettes,
corruption, gabegie des transferts des
fonds des migrants, bradage des terres
arables. L’Afrique est-elle condamnée à
demeurer un tonneau des danaïdes?
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