MADANIYA
Les (Néo) Frères Musulmans
et le Nouvel
esprit capitaliste
René Naba
Mardi 24 mars 2020 Les (Néo) Frères
Musulmans Et Le Nouvel Esprit
Capitaliste Entre Rigorisme Moral,
Cryptocapitalisme Et Anticapitalisme: Un
ouvrage de Haoues SENIGUER
1 – Un anti dote
au délire islamophiliste.
Tranchant, tel un
couperet s’abattant sur la nuque du
condamné. Tel est l’effet du constat
dressé par l’universitaire Haoues
Seniguer sur le parcours sinueux de la
confrérie des Frères Musulmans, dans un
ouvrage «Les (Néo) Frères Musulmans Et
Le Nouvel Esprit Capitaliste Entre
Rigorisme Moral, Cryptocapitalisme Et
Anticapitalisme».
Première étude
d’ensemble sur la confrérie après sa
déconfiture de la séquence dite du
«printemps arabe», cet ouvrage se
présente comme un anti dote au délire
islamophiliste de la caste académique
française, grandement responsable du
désastre de Syrie.
Le constat est
d’importance en ce que Haoues Seniguer
est un des rares universitaires de
France à n’avoir pas succombé au délire
de l’intelligentzia française sous
l’effet d’entrainement de leur chef de
meute François Burgat, le bachaga de
l’islamologie néocoloniale, l’homme qui
passera à la postérité pour avoir
parrainé deux thésards de choix, le
qatarophile Nabil Nasri et le
djihadologue Romain Caillet, alias
colonel Salafi, le fameux fiché S des
services français.
Fils d’une famille
d’authentiques patriotes algériens et
non un supplétif de la pensée
bureaucratique française, cet
universitaire franco-algérien, maître de
conférences à Sciences Po Lyon, est un
être parfaitement bilingue, qui puise sa
documentation à la source, dans le texte
arabe.
Non un hémiplégique
de la pensée, qui baragouine une «chouya
darja arabiya», le sabir caractéristique
des officiers des affaires indigènes de
l’époque coloniale, en usage au sein
d’une cohorte d’intellectoïdales dont
les informations sont souvent colportées
par ouïe dire au téléphone à la manière
d’un téléphone arabe, dont ils sont
tributaires pour leurs prébendes.
Haouess Seniguer
maîtrise aussi bien le français, que la
langue dialectale arabe «Ad Darija», que
la langue littéraire arabe (Al
Fousha’a), la langue de communication
trans arabe, symbole de l’unité du Monde
arabe, en dépit des menées répétitives
des pays occidentaux en vue de provoquer
sa balkanisation. C’est dire la
pertinence de son constat, nullement
déformé par le prisme d’une traduction.
Dans ce panorama,
le portrait consacré au qatarologue
auto-proclamé, Nabil Nasri vaut son
pesant de cacahuètes. «Ni droite, ni de
gauche, à droite toute…Nabil Nasri»,
résume bien le parcours du thésard de
François Burgat et son appétence pour la
richissime pétromonarchie du Qatar.
Ce marocain se
distinguera par un comportement
exemplaire d’objectivité: Nabil Nasri
abreuvera quotidiennement le régime
syrien de ses imprécations, l’accusant
de tous les maux de la terre, mais
demeurera étrangement mutique sur son
pays d’origine, le Maroc,
l’autoritarisme monarchique, son
népotisme, la corruption endémique de sa
bureaucratie, la «diplomatie de la
Mamouniya», qui tient en laisse la
classe politico-médiatique française,
victime de son tropisme immodéré pour
les galipettes à l’ombre des tropiques
dictatoriaux.
Ancien animateur
d’une meurtrière au sein du journal Le
Monde, ce médiactiviste, dont la grille
de lecture est soumise au filtre
religieux, a consacré sa thèse, comme de
juste, au mufti de l’OTAN, Youssef
Al-Qaradawi, celui-là même qui a imploré
la coalition atlantiste à bombarder la
Syrie. Beau sujet de méditation. Sa
besogne accomplie, l’homme s’est
reconverti dans l’enseignement,
prudemment replié sur l’Institut
islamique de Château Chinon, où il
officie désormais sur la
«dé-radicalisation» après avoir
abondamment soufflé sur les braises.
L’IREMAM-Marseille,
le laboratoire où officiait François
Burgat s’est d’ailleurs démarqué de ce
parrainage, donnant à savoir qu’il
n’avait pas cautionné la thèse de Nabil
Ensari, pointant du doigt la Faculté de
Sciences po Aix, «un véritable nid
d’espion» pour reprendre l’expression du
journaliste du journal «La Provence»
Florent Bonnefoy auteur d’une corrosive
enquête sur cet établissement
universitaire.
Ci-joint le
message de l’IREMAM
Florence
Bergeaud-Blackler (@FBBlackler) –
04/02/2020 22:17 – @MohamedLOUIZI :
« Pas exactement. L’IREMAM est bien le
labo CNRS dans lequel a travaillé
François Burgat qui a dirigé la thèse de
Nabil Ennasri. Mais ce n’est pas le labo
qui a « validé » sa thèse mais un jury
d’experts convié par Science Po Aix. »
Et l’article de
Florent Bonnefoy
https://www.laprovence.com/article/edition-aix-pays
daix/5452600/sciences-po-nid-despions.html
Le livre de Haoues
Seniguer aborde en outre les parcours
d’Abdel Aziz Chaambi, Yamine Makri,
Yanis Mahli, Réda Benkirane, Soufiane
Méziane et de l’Université Habib Chrifi.
De même le sujet hautement explosif du
Burklini, dont il pointe l’ambivalence
de la démarche et l’objectif sous-jacent
de son instrumentalisation: «Chapitre
13: Le burkini, un produit «religieux»
contradictoire de la modernité
capitalistique».
2 – Le tropisme
capitalistique
Le constat est
imparable: «L’islam et les musulmans,
même les plus résolument dogmatiques,
théoriciens, activistes ou simples
militants, n’échappent pas aux
impitoyables griffes du Capital…
… «Pis, ils sont
généralement les servants relais, sinon
serviles, conscients ou inconscients,
d’une doxa capitalistique qui ne dit pas
son nom. Souvent, les figures de l’islam
étudiées, connues (à l’instar de Tariq
Ramadan), militent pour une offre
religieuse «intégraliste», ouvertement
antimoderne. Rares alors sont ceux
qui, parmi elles, adoptent une vision et
un comportement radicalement
anticapitalistes au nom d’une foi
musulmane moins matérialiste que
spirituelle».
Le tropisme
permanent de Saïd Ramadan vers le grand
capital est de notoriété publique. De
mémoire d’homme, le père de Tariq
Ramadan et gendre d’Hassan Al Banna,
fondateur de la confrérie, n’a pas
laissé le souvenir impérissable d’un
guérillero révolutionnaire, menant
combat au maquis dans la jungle pour
abolir les inégalités et l’injustice.
Mais plutôt le
souvenir d’un agitateur professionnel à
la solde de ses commanditaires, la
dynastie wahhabite. Titulaire d‘un
passeport diplomatique jordanien, Saïd
Ramadan résidait dans des villes cossues
d’Europe occidentale, Munich
(Allemagne), puis Genève (Suisse). Les
exclus de la société d’abondance ont été
le cadet de ses soucis. La société
d’abondance, oui, son souci majeur, dans
laquelle il a baigné abondamment.
Saïd Ramadan
roulait en limousine, une Cadillac, -une
grosse cylindrée consommatrice de
carburants-, pour ses déplacements
quotidiens, quand Ernesto Che Guevara,
icône révolutionnaire de l’Amérique
latine, gisait son corps criblé de
balles dans la jungle de Bolivie et
qu’Ali La Pointe (Algérie) se sabordait
à la dynamite pour ne pas se livrer à
l’armée coloniale française.
Sa mission ne
consistait pas à accompagner les
revendications des travailleurs
immigrés, ni à soulager la misère de ses
coreligionnaires. Loin de
là. Sous l’égide de l’Arabie saoudite,
instrumentalisant la religion musulmane
dans une stratégie anti soviétique, sa
mission était plus noble déstabiliser
l’Union soviétique, le principal
pourvoyeur en armes des huit pays arabes
du champ de bataille de la Palestine et
les pays de soutien (Egypte, Syrie,
Irak, OLP, Algérie, Libye, Soudan,
Somalie). Au diapason de l’objectif mené
trente ans plus tard par Oussama Ben
Laden en Afghanistan (1980-1989) pour le
compte de l’Arabie saoudite et des Etats
Unis, le principal protecteur d’Israël.
Un déraillement
identique à celui effectué cinquante ans
plus tard par Khaled Mecha’al, le chef
politique du Hamas, la branche
palestinienne de la confrérie, qui
empruntera le même chemin, désertant le
champ de bataille, et ses frères d’armes
–(Syrie, Iran, Hezbollah) à l’origine de
son armement et de l’entrainement de ses
combattants– pour une cage dorée à Doha,
à trente kms de la base d’Aydid, la plus
importante base militaire américaine
hors Otan. Une démarche à tous égards
suicidaires.
A-t-on jamais vu Ho
Chi Minh le chef du combat nationaliste
vietnamien, installé son quartier
général à Pearl Harbour, la grande base
américaine du pacifique? Ou le FLN
algérien son PC à Taverny, le poste de
commandement stratégique de l’arme
atomique française?
Indice patent de
l’asservissement total des Frères
Musulmans à la stratégie de l’Otan, la
supplique de leur prédicateur en chef
Youssef Qaradawi, réclamant à cor et à
cri l’intervention de l’Otan, c’est à
dire la coalition des anciens
colonisateurs du Monde arabe, contre la
Syrie, un pays qui a livré 4 guerres
contre Israël. Comble de courage, cette
supplique a été adressée depuis Doha, où
le mufti millionnaire s’était planqué à
l’abri de la grande base américaine de
la principauté. On aurait rêvé meilleur
exemple de militantisme de la part des
«frérots»… dont le parcours fut souvent
ceux de «planqués».
A la manière des
télévangélistes américains modernes,
Saïd Ramadan, lui, était en
fait un prédicateur médiatique dont la
tâche majeure, au plus fort de la guerre
froide soviéto américaine (1945-1990), a
été d’inciter à la dissidence les
soldats musulmans de l’armée Rouge. Et
non à dissuader les soldats afro
américains, ces descendants d’esclaves
africains, de s’engager dans la guerre
du Vietnam contre un peuple du tiers
monde colonisé luttant pour son
indépendance et sa dignité.
«Une constante
semble nettement se dégager: un ancrage
particulièrement marqué à droite, voire
à l’extrême droite, un attrait aiguisé
pour l’argent et les bénéfices, et un
rigorisme moral à toute épreuve», relève
Haoues Seniguer.
Dans le même ordre
idée, sans vouloir porter le moindre
jugement sur la vie libidineuse de son
fils, Tariq Ramadan, mais le fait que
les accusatrices soient des
coreligionnaires à lui, et non de
farouches partisans de laïcité, d’un
anarchiste voire même d’un islamophobe
d’extrême droite, a eu un impact
dévastateur sur ce prédicateur, jadis
objet d’un véritable engouement au sein
de la population musulmane de l’Union
européenne, désormais objet d’un
opprobre quasi général au sein de sa
communauté.
Mis en examen pour
viols et agressions sexuelles dans deux
affaires, Tariq Ramadan, 57 ans, a été
mis en examen, le 13 février 2020, dans
deux autres dossiers après son audition
par les juges instructeurs.
Par la dérive du
chef politique du Hamas Khaled Mecha’al,
le parrainage des Frères Musulmans de
Syrie par Bernard Henry Lévy, la
déviance de Tareq Ramadan, la séquence
dite du «printemps arabe» aura été
fatale à la crédibilité de la confrérie,
mettant brutalement un terme au
magistère cinquantenaire de la dynastie
Ramadan (Said, Tareq, Hani) au sein de
l’Islam politique européen à laquelle
l’Europe en a grandement contribué par
son laxisme, en vendant son âme pour une
poignée de dollars.
Soixante dirigeants
islamistes résidaient en Europe
occidentale depuis la guerre anti
soviétique d’Afghanistan, dans la
décennie 1980, où les djihadistes
étaient gratifiés du titre de
«combattants de la liberté» par le
fourbe du Panshir, Bernard Henry Lévy,
l’interlocuteur virtuel du Lion du
Panshir, le commandant Massoud Shah.
Quinze d’entre eux disposaient du statut
de «réfugié politique», dans la plupart
des pays européens, Royaume Uni,
Allemagne, Suisse, Norvège, Danemark,
Parmi eux figuraient notamment Ayman Al
Zawahiri, actuel N0 1 d’Al Qaida et Abou
Moussa’b As Soury (Syrie), alias
Moustapha Abdel Kader Sitt Mariam),
théoricien des «loups solitaires»
3 – L’Arabie
saoudite, «carrefour archétypal de
toutes les contradictions», ou la
théorie de la sacralité monarchique. Et
de la «Carbon Democracy».
..… «Carrefour
archétypal de toutes les contradictions
et excès observables chez de nombreux
musulmans politiquement engagés, ce
royaume des ténèbres, est le «temple du
despotisme dynastique, du littéralisme
religieux, du consumérisme, du
capitalisme et… de la piété !».
Equarisseur du journaliste Jamal
Khashoggi, chef de file de l’agression
pétro monarchique contre le Yémen,
auteur du piratage de la messagerie du
milliardaire américain Jeff Bezos,
patron d’Amazon et du Washington Post,
le royaume fait l’objet d’une
prosternation quasi générale des
«grandes démocraties occidentales» en
application de la théorie de la «Carbon
Democracy».
Face à l’effet
dominos du printemps arabe, les
dictatures arabes ont développé un
discours de propagande basé sur le
concept de spécificité locale. L’Arabie
saoudite, gardienne des lieux Saints,
n’est pas l’Égypte. Le Roi du Maroc,
commandeur des croyants, n’est pas la
Tunisie de «l’époux de la coiffeuse».
Avec une variante dictature kamikaze, au
Bahreïn et au Yémen, se posant en
dépassement du dilemme: Moi ou le chaos.
L’argument majeur
de la propagande des dictatures
monarchiques a reposé sur la sacralité
du mandat du souverain, élu» par Dieu et
gratifié de ses bienfaits, le pétrole,
s’appuyant sur une culture politique
religieuse de soumission critique au
Gouverneur, même «injuste», par logique
de stabilité de Dar Al islam (La maison
de l’islam), face à Dar Al Kofr (le
territoire des impies) ou Dar Al Harb
(La maison de la guerre).
Arguant de la
«légitimité religieuse» de son Roi, le
Grand Mufti d’Arabie saoudite, Cheikh
Abdel Aziz al-Cheikh, a été le premier,
en février 2011, à condamner les
soulèvements dans les pays arabes,
dénonçant le «chaos» programmé par les
ennemis de l’islam en vue de diviser la
Oumma.
Les Frères
musulmans ont été le bras armé de ce
Royaume. Son vecteur déstabilisateur.
Nombreux sont les exemples des dérives
de la confrérie et de son rôle
subversif. Ainsi, la révolte des Frères
Musulmans de Hama (Syrie) en Février
1982 est intervenue cinq mois avant
l’invasion israélienne du Liban, en juin
1982, visant à propulser à la tête de la
magistrature libanaise le chef
phalangiste Bachir Gemayel, le
massacreur des Palestiniens et des
Musulmans. Dans une opération de
diversion, son objectif était de
détourner la Syrie des préparatifs
guerriers israéliens.
De même le
soulèvement populaire syrien a pris son
envol à la suite d’un congrès tenu à
Paris, en juillet 2011, sous le
parrainage conjoint des Frères Musulmans
de Syrie et Bernard Henry Lévy, le fer
de lance médiatique de la propagande
israélienne sur le théâtre européen.
Quelle indigence
mentale que cette connivence entre les
Frères Musulmans de Syrie et le
plagiaire philosophe du botulisme qui a
frappé d’emblée de discrédit
l’opposition offshore pétro monarchique.
Enfin, Le Hamas,
rompant sa solidarité militante avec
l’axe de la résistance à l’hégémonie
israélo-américaine dans la zone, se
retournera contre la Syrie, son refuge
pendant 14 ans, pour opérer un
alignement sectaire sur les
pétromonarchies sunnites, un geste qui a
marqué un grand dévoiement de la pensée
de la branche palestinienne de la
confrérie.
La rupture entre la
dynastie wahhabite et les Frères
Musulmans interviendra dans la foulée du
raid terroriste du 11 septembre 2001
contre les symboles de l’hyperpuissance
américaine. Pour se dédouaner aux yeux
des Américains alors que 15 membres du
commando terroriste étaient de
nationalité saoudienne, les Wahhabites
se débarrasseront, tels des laquais, de
leurs sous-traitants, désormais
encombrants. En quatre temps.
1 er temps :
Incubateur absolu du djihadisme
erratique takfiriste, le royaume prendra
ses distances avec la Confrérie en les
privant de subsides, conduisant les
Frères musulmans à basculer son
allégeance vers le petit wahhabiste le
Qatar. Les FM constituait l‘ossature
politique et militaire d’Al Qaida:
L’aile politique d’Al Qaida était
constituée par la branche égyptienne des
«Frérots» autour d’Ayman Al Zawahiri et
l’aile militaire par la branche syrienne
autour de Mohamad Joulani.
La 2eme étape a été
l’inscription de la confrérie sur la
liste noire du terrorisme :
La 3eme, la mise en
faillite du conglomérat Ben Laden, à
l’origine des grands projets
d’infrastructures du royaume au prétexte
d’un accident d’une grue à la Mecque.
Enfin, la 4eme
étape aura été la liquidation du
journaliste Jamal Khashoogi, ancien
porteur de valises de l’Arabie saoudite
pour Al Qaida en Afghanistan, sous la
supervision du chef des services de
renseignements saoudiens, le prince
Turki Ben Faysal, éliminant ainsi les
témoins gênants de cette séquence. Pour
rappel, le prince Turki est celui-là
même qui, son forfait accompli, prône
désormais une coopération entre le
royaume wahhabite et Israël en
conformité avec la stratégie américaine.
Indice de la
duplicité de l’Arabie saoudite, si les
Frères Musulmans font l’objet d’une
criminalisation absolue et totale,
exception est faite pour la branche
yéménite de la confrérie, le Parti Al
Islah, qui sert de chair à canon pour
les wahhabites dans leur guerre contre
les Houthistes
4 – Hassan Al
Banna, un clonage idéologique du
pakistanais Abou Al Al‘a Al Maududi.
L’erreur majeure du
plus ancien parti trans-arabe a été la
confusion mentale dans laquelle il a
baigné. Le fait notamment de n’avoir pas
établi une claire démarcation entre la
prophétie, qui est d’essence divine, et
son interprétation, qui est une œuvre
humaine, susceptible d’erreurs et
d’interprétations diverses. Entre
croyance, qui implique un acte de foi
d’un fidèle envers son créateur en un
rapport direct sans intermédiation, et
la religion, qui constitue
l’organisation politique de la
communauté des croyants.
L’exemple le plus
criant aura été son inclination au
totalitarisme en ce que ce penchant
totalitariste au sein des mouvements
relevant de l’Islam politique est
revenu, en premier lieu à un
pakistanais, Abu Al Ala’ Al Maududi,
premier islamiste du XX me siècle à
prôner le retour au Jihad. Fondateur du
parti pakistanais Jamaat-e-islami, ce
théoricien fondamentaliste a envisagé la
création d’un État Islamique Uni, fondé
sur l’application rigoureuse de la loi
religieuse (Charia).
Dans sa conception,
un tel état devait être hégémonique,
totalitaire sur les divers aspects de la
vie. La Gouvernance d’Allah (Al
Hakimiya) au Pakistan relevait de Dieu,
le gouvernement se devant d’être fidèle
à la Charia.
S’inspirant du
modèle stalinien en vigueur en Union
Soviétique, Maududi a substitué
l’idéologie islamique à l’idéologie
marxiste, érigeant, le premier, un
«parti de Dieu» (Hezbollah) équivalent
au parti communiste, de même que le
Califat en guise de substitut au
Secrétaire général du PC.
Les Frères
Musulmans lui emboiteront le pas,
adoptant la conception totalitaire du
stalinisme pour l’appliquer à la
religion musulmane. Hassan Al Banna,
fondateur de la confrérie, répétait, tel
un perroquet, les prescriptions de
Maududi, affirmant que l’Islam est une
soumission à Dieu, une obéissance au
gouverneur, un livre saint, une épée.
(CF. Hassan al Banna, «Mémoires de la
prédication et du prédicateur», page
173.
«Les (Néo) Frères
Musulmans Et Le Nouvel Esprit
Capitaliste Entre Rigorisme Moral,
Cryptocapitalisme Et Anticapitalisme».
Si le titre de l’ouvrage peut paraitre
laborieux pour un lecteur adepte d’une
lecture sommaire, son décryptage est
lumineux:
…. «Le capitalisme
ou le nouvel esprit capitaliste (qu’il
soit d’orientation néo-libérale ou
libérale) est incontestablement un
rouleau compresseur. Rien ne semble
pouvoir l’arrêter ni même lui résister,
y compris depuis les lieux saints de la
religion musulmane en Arabie saoudite»,
assure Haoues Seniguer.
«L’Arabie saoudite
est le carrefour archétypal de
toutes les contradictions et excès
observables chez de nombreux musulmans
politiquement engagés: temple du
despotisme dynastique, du littéralisme
religieux, du consumérisme, du
capitalisme et… de la piété ! L’islam et
les musulmans, même les plus résolument
dogmatiques, théoriciens, activistes ou
simples militants, n’échappent pas aux
impitoyables griffes du Capital. Pis,
ils sont généralement les servants
relais, sinon serviles, conscients ou
inconscients, d’une doxa capitalistique
qui ne dit pas son nom.
«Souvent, les
figures de l’islam étudiées, connues (à
l’instar de Tareq Ramadan) ou moins
connues, militent pour une offre
religieuse «intégraliste», ouvertement
antimoderne ou, de manière plus nuancée,
critique de la modernité, au travers de
certains effets jugés pervers du point
de vue de la Loi religieuse.
«Mais tout en
développant et entretenant en parallèle
des attitudes et un imaginaire
capitalistiques. Rares alors sont
ceux qui, parmi elles, adoptent une
vision et un comportement radicalement
anticapitalistes au nom d’une foi
musulmane moins matérialiste que
spirituelle.
«Des résistances
s’organisent bon gré mal gré. Toutefois,
de manière plus significative,
l’adoption d’un ethos capitaliste, avoué
ou non, ne signe en rien la fin de la
critique politique, et encore moins la
dissolution de l’idéologie islamiste et
le triomphe d’un individualisme
supposément émancipateur. «C’est sur la
base d’un examen théorique et empirique
de quelques personnalités du champ
islamique national et arabe que cette
réflexion se fonde en grande partie.
«Une constante semble nettement se
dégager: un ancrage particulièrement
marqué à droite, voire à l’extrême
droite, un attrait aiguisé pour l’argent
et les bénéfices, et un rigorisme moral
à toute épreuve!»
Pour toutes ces
raisons, –la conclusion est l’œuvre du
signataire de ce texte et non de
l’auteur de l’ouvrage–, le plus ancien
parti transnational du Monde arabe qui
fut à son zénith au début du «printemps
arabe», avec un président néo-islamiste
en Egypte (Mohamad Morsi), un co
pilotage de la Tunisie dans une alliance
contre nature entre An Nahda, la branche
tunisienne de la confrérie et une figure
de proue à de l’opposition à la
dictature Ben Ali, Mouncef Marzouki, se
retrouve au nadir de sa popularité au
terme de cette séquence, criminalisé par
son ancien parrain saoudien…objet d’une
détestation inexpiable d’une large
fraction de la population de l’ensemble
arabe, pour son rôle ravageur dans le
naufrage du Monde arabe.
Haoues Seniguer est
maître de conférences en science
politique à Sciences Po Lyon et
chercheur au laboratoire Triangle, UMR
5206, Lyon. Il est spécialiste de
l’islamisme et mène des travaux sur les
rapports entre islam et politique en
contexte arabe et français.
http://www.editionsbdl.com/fr/books/les-no-frres-musulmans...
Table des
matières
Partie I:
L‘islamisme est-il capitalistophile?
Chapitre I:
Une définition difficile
Chapitre 2: Se départir d’une
disqualification a priori des acteurs
musulmans politisés
Chapitre 3: La rencontre inattendue
entre esprit islamiste et esprit
capitaliste protestant
Partie II: Des
profils diversifiés. Un anticapitalisme
affirmé
Chapitre 4: Entre
Islamisme, néo-islamisme,
altermondialisme
Chapitre 5: Un rapport ambivalent à
l’esprit capitaliste
Chapitre 6 : Un néo Frère musulman
critique radical de l’économie moderne
en général, le cas de Yamin Makri
Partie III: Un
anticapitalisme sélectif: Entre chasse
au vice de «marché» et promotion du
bien-être/ bien-vivre.
Chapitre 7: Ni de
droite, ni de gauche, à droite
toute…Nabil Nasri
Chapitre 8: La touche philosophique à
l’anticapitalisme ou le «crypto
capitalisme» de Soufiane Meziani
Chapitre 9: le triomphe malgré tout du
«nouvel esprit» capitaliste
Partie IV : Entre
Anticapitalisme militant et pragmatisme
critique.
Chapitre 10: De
l’extrême gauche à un islam politisé:
Abdel Aziz Chaambi.
Chapitre 11: Des études islamiques chez
les Frères musulmans aux études en
économie à l’Université Habibn Chfiri.
Partie V:
Déconstruire le paradigme capitalistique
musulman intégraliste
Chapitre 12:
Critique sans concession de l’éthos
musulman contemporain et des effets
capitalistiques au cœur des mondes de
l’Islam. Reda Benkirane
Chapitre 13: Le burkini, un produit
«religieux» contradictoire de la
modernité capitalistique.
Chapitre 14: Accuser le capitalisme de
tous les maux, sauf en certains endroits
du monde. Le cas de Yanis Mahil.
Chapitre 15: La Malaisie, un exemple ce
capitalisme moral.
Conclusion.
Les (Néo) Frères
Musulmans Et Le Nouvel Esprit
Capitaliste Entre Rigorisme Moral,
Cryptocapitalisme Et Anticapitalisme: Un
ouvrage de Haoues SENIGUER – Editions Le
Bord de l’Eau. Collection Documents
dirigée Par Jean Luc Veyssy. ISBN
978 235 687 6836 Prix 18 euros
Pour aller plus
loin sur ce thème
Les Frères
Musulmans, un vestige de la guerre
froide- un papier en trois
volets.https://www.madaniya.info/2014/12/17/la-confrerie-des-freres-musulmans-un-vestige-de-la-guerre-froide1/
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islamophilistes français
Le sommaire de René Naba
Le
dossier invitation à lire
Les dernières mises à jour
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