MADANIYA
La malédiction de Sabra-Chatila, 35 ans
après
René Naba
Vendredi 15 septembre 2017 A Jean
Genet, chantre absolu des Palestiniens
L’auteur
dédie ce texte au journaliste Amnon
Kapeliouk et au Colonel de l’armée
israélienne Elie Gueva.
Commandant de l’assaut de Beyrouth, le
Colonel Elie Gueva a démissionné de son
poste sur le champ de bataille en guise
de protestation contre des ordres qu’il
jugeait contraires aux lois de la guerre
et de la morale. Elie Gueva a été depuis
lors ostracisé par la société militaire
israélienne, frappé du syndrome de
Sabra-Chatila, rejeté vers les
profondeurs de l’anonymat le plus
complet, alors que la mise en relief
d’un tel comportement aurait eu valeur
pédagogique et thérapeutique.
Samir Geagea, l’unique survivant de
cette tragédie, face à ses fantômes.
«A
Chatila, à Sabra, des non-juifs ont
massacré des non-juifs, en quoi cela
nous concerne-t-il ?» Intervention du
premier ministre israélien Menahem Begin
à la Knesset lors du débat sur les
responsabilités israéliennes dans le
massacre des camps palestiniens du sud
de Beyrouth, l’été 1982.
«Toute cette équipée aurait dû porter en
sous-titre «Songe d’une nuit d’été »
malgré les coups de gueule des
responsables de quarante ans. Tout cela
était possible à cause de la jeunesse,
du plaisir d’être sous les arbres, de
jouer avec des armes, d’être éloigné des
femmes, c’est-à-dire d’escamoter un
problème difficile, d’être le point le
plus lumineux parce que le plus aigu de
la révolution, d’avoir l’accord de la
population des camps, d’être
photogénique quoi qu’on fasse, et
peut-être de pressentir que cette féerie
à contenu révolutionnaire serait d’ici
peu saccagée: les Fedayine ne voulaient
pas le pouvoir, ils avaient la liberté.
Au retour de Beyrouth, à l’aéroport de
Damas, j’ai rencontré de jeunes
Fedayine, échappés de l’enfer israélien.
Ils avaient seize ou dix-sept ans: ils
riaient, ils étaient semblables à ceux
d’Ajloun. Ils mourront comme eux. Le
combat pour un pays peut remplir une vie
très riche, mais courte. C’est le choix,
on s’en souvient, d’Achille dans
l’lliade…. »
Jean Genêt «Quatre heures à
Sabra-Chatila», in Revue d’Etudes
Palestiniennes, N°6 Hiver 1983.
L’amnésie
Avec une
régularité de métronome, la malédiction
de Sabra-Chatila frappe ses promoteurs,
souvent de manière violente, n’épargnant
pratiquement aucun de ses protagonistes,
comme l’expression d’une sorte de
justice immanente, trente cinq ans après
ce massacre de sang froid de près de
trois mille civils des camps
palestiniens de Sabra-Chatila, dans la
banlieue sud-est de Beyrouth.
Hormis
le rapport Kahanna de la commission
d’enquête israélienne sur ce massacre et
le bouleversant témoignage de l’écrivain
français Jean Genêt «quatre heures à
Chatila » consigné à l’automne 1983 dans
la Revue d’Etudes Palestiniennes, et les
deux documentaires «Massaker» et «Valse
avec Bachir», aucune œuvre de l’esprit,
encore moins un «roman-enquête», -la
technique de narration préférée du
philosophe Bernard Henry Lévy pour
torturer la vérité et titiller
l’imagination et la curiosité de ses
zélateurs, n’est venu éclairer ne
serait-ce que d’un simple faisceau
lumineux cette effroyable boucherie
commise, sans discernement, par les
milices chrétiennes libanaises,
téléguidée par la soldatesque
israélienne, ivre de colère devant
l’échec de leur plan de mainmise sur le
Liban.
Depuis
35 ans, une chape de plomb s’est abattue
sur cet épisode peu glorieux de l’armée
israélienne au Liban, ternissant sa
réputation au point de mettre à mal le
mot d’ordre justificatif de ses excès,
la «pureté des armes» israéliennes, au
point de bouleverser la perception de
l’opinion internationale à l’égard
d’Israël. Près de trois mille civils
palestiniens seront massacrés pendant
deux jours, du 15 au 17 septembre 1982,
dans une opération ordonnée pour venger
l’assassinat de Bachir Gemayel, chef des
Forces Libanaises, fraîchement élu à la
présidence de la République Libanaise et
assassiné à la veille de son entrée en
fonction.
Par la
gratuité de sa violence aveugle, cet
acte fut comparé en son temps par le
Président François Mitterrand à Ouradour
sur Glane, du nom d’une opération
analogue commise par l‘armée allemande à
l’encontre des habitants de la bourgade
française en guise de représailles à
l’assassinat de soldats allemands en
France.
Trente cinq ans après que sont les
protagonistes de ce drame devenus ?
Le clan Gemayel, le grand perdant de
l’affaire malgré deux présidents.
Bachir
Gemayel, qui rêvait de raser les camps
palestiniens en une lointaine
anticipation des épurations ethniques
des guerres post-communistes de la
décennie 1990, pour faire de son pays un
paradis sur terre aseptisé des petites
misères des grandes fortunes, ce chef
militaire d’une communauté chrétienne
minoritaire d’un monde arabe
majoritairement musulman, qui s’est
allié au principal ennemi du Monde arabe
pour parvenir à la magistrature suprême,
l’homme qui soutenait pour ce faire
qu’il existait un «peuple de trop au
Moyen-Orient», ignorant que ce peuple de
trop pouvait être un jour le peuple des
chrétiens arabes, réalisa bien son rêve.
Il fut
élu à l’ombre des blindés israéliens,
président du Liban, sans toutefois
jamais savourer la jouissance du pouvoir
suprême, pas même un court instant: Il
sera pulvérisé par une explosion dans
son quartier général de Beyrouth-est, la
veille de la prestation de son serment
présidentiel. Depuis lors, la famille
Gemayel accumule malheur sur malheur.
De son
propre fait et de ses méfaits. Son
histoire n’est pas une saga à la Kennedy
comme se plaisent à la populariser des
gazettes occidentales complaisantes,
mais une longue complainte de larmes et
de sang, dont ils en sont les principaux
responsables.
Bachir a été assassiné à 35 ans, en
1982, son neveu, Pierre Amine Gemayel,
le sera à 34 ans, en 2006, dans son fief
électoral de Jdeiddeh, dans le Metn,
alors qu’une violente offensive
diplomatico-militaire israélo-américaine
était à nouveau lancée en direction du
Moyen orient en vue de mettre au pas les
contestataires de la «Pax Americana».
Amine
Gemayel, l’aîné du clan, qui succéda à
la tête de l’Etat à son frère cadet à la
suite de son assassinat, et qui
ambitionnait de succéder au poste de
député à son fils assassiné, a vécu une
sorte d’assassinat politique lors de sa
défaite électorale en 2007 dans son
propre fief du Metn, battu par un
inconnu, en dépit de la sympathie
villageoise suscitée par la tragédie
familiale. Sa mise en cause du
patriotisme des Libanais de souche
arménienne qui lui ont fait défaut
durant cette élection a démontré
l’ampleur de son dépit face à cette
cuisante défaite inattendue en même
temps qu’elle a révélé une xénophobie
primaire et rance dans les cercles
dirigeants libanais dès lors que leurs
intérêts claniques sont en cause.
Si la
famille Gemayel a réussi à placer deux
présidents à la tête de l’Etat libanais,
des membres d’une même fratrie qui plus
est, elle passe pour être le grand
perdant de la vie politique libanaise,
avec deux assassinats au sein de cette
famille, sans aucune visibilité
parlementaire ou ministérielle, son
traité de paix avec Israël pulvérisé par
ses contestataires, et, suprême
humiliation pour ce seigneur du terroir,
le chef du clan présidentiel, Amine,
contraint à l’exil en France, pendant
neuf ans (1991-2000), au terme d’une
mandature peu glorieuse. Le leadership
chrétien âprement contesté désormais
entre deux dirigeants, -le général
Michel Aoun, chef du Courant Patriotique
Libanais (CPL) et Samir Geagea,
d’anciens subordonnés de la famille
Gemayel du temps de la présidence
familiale.
Menahem Begin et son «cheval fou»
Ariel Sharon
Sur le
plan israélien, l’opération «Paix en
Galilée» a précipité la réclusion
politique de Menahem Begin, chef
historique de la droite messianique
israélienne et premier ministre au
moment de l’invasion du Liban, victime
direct des embardées incontrôlées de son
«cheval fou», le général Ariel Sharon,
ministre de la défense, et des visions
bibliques propres à la droite radicale
israélienne qu’il a encouragées dans
cette voie pendant le demi siècle qu’il
a présidé ce mouvement.
Ariel
Sharon: plus qu’un long discours, une
simple séquence du film «Valse avec
Bachir» résume mieux que tout le
personnage, ses ambitions et ses
contradictions. Par une fiction
narrative, le cinéaste israélien,
réalisateur du film, Ari Folman,
projette une conversation téléphonique
entre Menahem Begin et Ariel Sharon, au
lendemain des massacres de
Sabra-Chatila.
Nullement incommodé par cette effroyable
boucherie, tenant d’une main son
combiné, opinant régulièrement du chef
en direction de son supérieur
hiérarchique, l’homme à l’embonpoint
légendaire, gardait les yeux rivés sur
dix œufs aux plats qu’il s’était
commandé pour son petit déjeuner.
Comme
indifférent aux malheurs des autres, se
préoccupant surtout durant cette
conversation de satisfaire, au propre
comme au figuré, son appétit du pouvoir
en même temps que sa boulimie
alimentaire.
Sa voracité, il la satisfera en devenant
premier ministre 18 ans après Sabra
Chatila; sa boulimie alimentaire, elle
le terrassera ainsi que sa carrière
politique, en le plongeant dans un coma
cinq ans plus tard….en état de
contiguïté passive avec ses anciennes
victimes. Une séquence qui passera dans
l’histoire comme un morceau d’anthologie
politique et illustre plus que tout
l’autisme de la classe politique
israélienne à son environnement arabe,
particulièrement palestinien.
Le rêve d’un Liban fort havre des
Chrétiens d’Orient est tombé en
lambeaux. L’équipée de Bachir,
particulièrement son alliance avec
l’ennemi officiel du monde arabe, a
entraîné un déclassement des
prérogatives constitutionnelles des
Chrétiens libanais, principalement les
Maronites, dans le nouvel arrangement
interlibanais conclu à Taëf, sous
l’égide de l’Arabie saoudite, pour
mettre fin à la guerre en 1989.
Les
camps palestiniens sont demeurés à la
périphérie de Beyrouth, avec une
population plus nombreuse et rajeunie,
comme un pied de nez à la famille
Gemayel, désormais comme marginalisée
dans l’échiquier politique par
l’avènement de l’ancien lieutenant de
Bachir, Samir Geagea, un ambitieux à la
férocité redoutable, au premier plan de
la scène chrétienne.
Beyrouth qui fut la respiration du monde
arabe et sa conscience critique pendant
un demi siècle, assume désormais de
surcroît une fonction traumatique dans
la conscience collective israélienne
puisqu’elle revendique le privilège
unique au Monde d’avoir symbolisé, à
deux reprises dans l’histoire
contemporaine, la résistance arabe à
l’hégémonie israélo-américaine:
La première fois, en 1982, lors du siège
de la capitale libanaise par le général
Ariel Sharon, du temps où le sunnisme
s’identifiait au combat nationaliste,
depuis le fief du sunnisme libanais à
Beyrouth-Ouest; La deuxième fois, en
2006, depuis Beyrouth-sud, cette fois,
(ad dahyah), littéralement la banlieue
sud de la capitale, le fief chiite de la
capitale, du temps du coma du général
Ariel Sharon, où le chiisme libanais
suppléant la vassalisation du sunnisme
arabe à l’axe israélo-américain prenait
sa relève en vue de pérenniser le combat
nationaliste arabe.
Le
soutien des commandants en chef
successifs de l’armée libanaise –le
Général Emile Lahoud, le général Michel
Aoun et la sympathie manifestée par le
nouveau Président de la République, le
général Michel Sleimane, ancien
commandant en chef de l’armée, à la
Résistance nationale Libanaise
agglomérée autour de son noyau dur, le
Hezbollah chiite, témoigne, par
contrecoup, du souci de la hiérarchie
militaire chrétienne de brider les
pulsions mortifères des «têtes brûlées»
de l’ordre milicien, si préjudiciables
au camp chrétien.
Elie Hobeika et Samir Geagea, les
deux lieutenants de Bachir, des
prédateurs insatiables.
En sa
qualité de responsable du service de
renseignement de la formation
paramilitaire libanaise, Elie Hobeika,
un des deux lieutenants de Bachir
Gemayel, est considéré comme l’un des
principaux responsables des massacres de
Sabra-Chatila, au même titre que Samir
Geagea, responsable opérationnel des
«Forces Libanaises», qu’une impitoyable
guerre de succession va épuiser au point
de marginaliser la principale formation
paramilitaire du camp chrétien du temps
de la guerre.
Le
premier qui va dégainer et déclencher
les hostilités sera Elie Hobeika: Par
dévotion à l’égard de Bachir, il
fomentera 24 mois après son assassinat
un coup de force contre le président
Amine Gemayel pour s’emparer du parti et
de son trésor de guerre. Allié d’Israël,
il tournera casaque en 1985 pour rallier
la Syrie avant d’être évincé à son tour
par Samir Geagea. Piètre performance
pour un homme en charge du
renseignement.
Exilé du
Liban, il reviendra par la grande porte
à la fin de la guerre inter factionnelle
et l’instauration d’une «pax syriana».
Suprême consécration, il siègera même au
sein des gouvernements libanais
successifs y compris, en 1992, celui de
Rafic Hariri, le milliardaire
libano-saoudien et principal bailleur de
fonds des milices libanaises, assassiné
en 2005.
Peu
avant sa mort violente, il s’était
retourné contre Israël et se proposait
de témoigner contre Ariel Sharon dans le
procès intenté contre lui en Belgique
pour «crime contre l’humanité». Il
aurait voulu mettre en cause des unités
commando de l’armée israélienne (les
Sayeret Matkal) qui auraient œuvré sans
uniforme dans le déroulement du
massacre. Comme auparavant Bachir et
ultérieurement le neveu du chef
phalangiste, Pierre Amine Gemayel, Elie
Hobeika est mort par suite d’un attentat
à la voiture piégée devant son domicile
le 24 janvier 2002, à l’âge de 46 ans.
Son
élimination n’a suscité aucune demande
d’enquête de la communauté
internationale. Les préparatifs de
l’invasion américaine de l’Irak, il est
vrai, allaient bon train, de même que la
mise à l‘index de la Syrie, via la
«Syria Accountability Act », adoptée en
2003.
Il
importait de ne pas se laisser dévier de
cet objectif majeur de la stratégie
israélo-américaine par la mort d’une
personne, dont l’élimination arrangeait
beaucoup de monde: le premier ministre
israélien Ariel Sharon, directement visé
par son possible témoignage à Bruxelles,
Samir Geagea, son rival permanent, Amine
Gemayel, son ancien chef à qui il a ravi
le parti phalangiste, des époux
contrariés et irascibles à en juger par
les conquêtes féminines qui lui sont
attribuées, enfin pour être complet, la
Syrie, tant l’implication de ce pays
dans toutes les affaires du Moyen orient
est un exercice de style obligé pour
tous les chroniqueurs occidentaux.
Samir Geagea, personnage funeste
sans progéniture, sans remords, seul
face à ses méfaits, entravé de ses
forfaits, tâches indélébiles.
Son
pseudonyme ne doit pas faire illusion:
il emprunte à l’amphibologie, tout comme
son personnage à l’ambivalence. «Al
Hakim», son non de guerre, qui signifie
le sage ou le médecin, n’a jamais été
sage dans son comportement belliqueux,
au delà de toute mesure et démesure, ni
docte, ni médecin, dont il ne détient
pas non plus le grade universitaire.
C’est là sa première usurpation.
Celui
que sa formation universitaire aurait dû
destiner à un comportement d’humanité,
s’est révélé être l’un des plus
inhumains chefs de guerre, l’implacable
fossoyeur du camp chrétien, responsable
de la décapitation de la famille
Frangieh, en 1978, n’épargnant rien ni
personne de cette grande famille du nord
du Liban, pourtant ses voisins, pas plus
une petite fillette de trois ans que le
chien de garde devant la maison.
Récidiviste en 1980, il donnera l’assaut
contre le fief de l’autre allié des
phalangistes, les milices du PNL (Parti
National libéral) du président Camille
Chamoun, à Faqra, dans la région
montagneuse du Liban, noyant dans le
sang des forces chrétiennes pourtant
alliées au sein d’une même coalition. En
juillet 1983, il engagera le combat de
la montagne du Chouf contre la milice
druze conduite par Walid, le fils et
successeur de Kamal Joumblatt, le chef
du parti socialiste progressiste et chef
de la communauté druze. Son offensive
s’était soldée par la destruction de 60
villages et de l’exode d’une population
chrétienne de plus de 250.000 habitants
du Chouf, mettant un terme à un siècle
de convivialité druzo-chrétienne dans le
Chouf. Il en sera de même avec des
résultats identiques à Saida, chef lieu
du sud-Liban et à Zahlé, dans le centre
du Liban, en 1985, Piètre bilan pour le
défenseur des minorités chrétiennes
opprimées, que son bellicisme opprimera
plus durablement que l’hostilité de
leurs adversaires.
La liste
n’est pas limitative. En 1988, à la fin
du mandat du président Amine Gemayel,
Samir Geagea se trouvait à la tête d’une
entreprise prospère soutenue par une
machine de guerre bien rodée.
L’épreuve de force qu’il engagera contre
le général Michel Aoun, commandant en
chef et premier ministre intérimaire,
achèvera d’épuiser le camp chrétien, le
général Aoun prenant le chemin de l’exil
vers Paris où il demeurera quinze ans et
Samir Geagea, le chemin de la prison où
il croupira pendant près de dix ans.
L’assassinat de l’ancien premier
ministre Rafic Hariri, en février 2005,
donnera lieu à un invraisemblable
retournement d’alliance coalisant les
anciens chefs de guerre antagonistes et
leur bailleur de fonds: Walid Joumblatt,
Samir Geagea, Amine Gemayel et Saad
Hariri. Si elle débouche sur la
libération de Samir Geagea à la faveur
du vote d’une loi d’amnistie amnésiante,
cette coalition hétéroclite et sans
crédit constituera le point faible du
dispositif occidental en vue de
préserver le pouvoir libanais dans son
giron.
Samir
Geagea est l’unique rescapé de
principaux protagonistes de l’affaire de
Sabra-Chatila, dont le grand vainqueur
moral pourrait être, a posteriori et
paradoxalement, Soleimane Frangieh, le
rescapé du massacre fondateur de son
autorité.
Dans un
pays transformé depuis longtemps en un
gigantesque cimetière, Soleimane
Frangieh, dont la famille a servi de
banc d’essai à la boucherie de Sabra-Chatila,
bridera ses instincts guerriers pour
accorder le pardon des offenses, seul
dirigeant libanais à avoir accompli ce
geste de grandeur morale, renvoyant à sa
vilenie le bourreau de sa propre
famille.
Des
analystes de la scène libanaise
soutiennent qu’une percée politique de
Nadim Gemayel, fils du Président
assassiné Bachir et son véritable
héritier politique, à tout le moins de
son cousin germain Sami, fils d’Amine,
tournerait au cauchemar pour Samir
Geagea, en le privant de toute
légitimité populaire et politique, le
renvoyant du même coup à ses fantasmes.
«Al-Hakim», coutumier de telles
manœuvres de contournement, a anticipé
cet événement en un mouvement de
confinement en vue de museler les
héritiers. Une mesure d’autant plus
impérative que l’absence d’héritiers
biologiques le fragilise en même temps
qu’elle frappe de précarité la
pérennisation de son projet politique,
le mettant à la merci d‘un mauvais coup
du sort.
Dans une
fuite en avant dont il est coutumier,
Samir Geagea a ainsi scellé sa
réconciliation avec le général Michel
Aoun pour barrer la route présidentielle
à Soleimane Frangieh, son concurrent du
Nord-Liban et unique survivant de la
boucherie d’Ehden (1978) que le
sanguinaire insatiable avait
commanditée.
Samir
Geagea a ainsi donc provisoirement
échappé à la justice des hommes.
Personnage funeste sans progéniture,
sans remords, seul face à ses méfaits,
seul face à ses fantômes, entravé de ses
forfaits, tâches indélébiles, il
pourrait difficilement se soustraire au
châtiment de l’Histoire…. . A n’en pas
douter, l’œil sera dans la tombe et
regardera Caïn.
Paix à
l’âme des victimes des camps
palestiniens de Sabra-Chatila et que la
terre des hommes leur soit légère.
Reçu de René Naba pour publication
Le sommaire de René Naba
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