MADANIYA
Sommet entre le G5 Sahel et la France
le
13 janvier 2020 à Pau
René Naba
Vendredi 10 janvier 2020 Interview de René
Naba au Relais du Bougouni (Mali),
partenaire du site
https://www.madaniya.info/ accordée
à l’occasion de la tenue du sommet entre
le G5 Sahel et la France le 13 janvier
2020 à Pau, la ville de garnison du
régiment qui a payé le prix du sang le
plus élevé dans l’opération meurtrière
du 28 Novembre 2019 : 13 officiers et
sous-officiers tués dans un télescopage
de deux hélicoptères de l’arméé
française.
Note de M.
Seydou Koné, Editeur du Relais du
Bougouni
L’opinion malienne
est divisée sur le statut des troupes
françaises au Mali dont une fraction de
l’opinion en réclame le départ.
En 2012, l’Armée
française a débarqué au Mali pour lutter
contre le terrorisme qui a submergé le
septentrion malien, particulièrement les
régions de Kidal, Gao et Tombouctou, du
fait de la subversion initiée par Ansar
Eddine, les pupilles du Qatar, à
l’époque le grand allié du président
post gaulliste Nicolas Sarkozy, désireux
de jouer en Afrique occidentale le
pacificateur à la suite de ses déboires
en Libye, à l’origine de la
déstabilisation du Mali, au-delà du
Sahel.
Dans un premier
temps, la France a été le seul
intervenant dans le cadre de l’opération
Serval qui deviendra par la suite
l’opération Barkhane. Dans la foulée,
l’ONU a déployé sur le territoire malien
les forces du Conseil de Sécurité
appelées la Minusma (Mission des Nations
Unies pour le Mali).
Afin de renforcer
sa couverture, l’Etat malien a signé un
accord de défense avec la France. Mais
en dépit de ces dispositifs, la
situation au Mali n’a cessé d’empirer.
- Le terrorisme
s’est déployé du nord au centre puis
au Sud du Mali
- Les
séparatistes le Mouvement National
de Libération de l’Azawad (MNLA)
gagne de plus en plus de terrain.
- Des milliers
de maliens militaires et civils sont
sommairement exécutés
- Le bilan des
dégâts matériels est extrêmement
lourd. A tel point que beaucoup de
Maliens jugent inutiles les
opérations françaises, de même que
les mécanismes onusiens. Toutefois,
l’opinion reste divisée sur le
départ des troupes étrangères avec
la France en 1ère ligne.
Le Président
Emmanuel Macron a invité les dirigeants
des cinq pays victimes du terrorisme
sahélien à s’expliquer sur le rejet de
leur présence dans ces pays : Mali,
Niger, Burkina Faso, Tchad.
Notre chroniqueur
géopolitique René Naba nous livre son
point de vue sur la problématique en
question. Les troupes doivent-elles
partir ou pas ?
Fin de la note
1 – Le G5, force
supplétive de la France.
Loin de me
substituer à la volonté du peuple malien
et des autres peuples africains, il me
parait plus respectueux à leur égard de
me livrer à une analyse concrète d’une
situation concrète afin de soumettre aux
opinions africaines les éléments de
réflexion qui leur permettront de faire
leur choix.
Près de huit ans
après sa constitution, le G5 apparaît
comme une force supplétive de la France
et pâtit d’un handicap majeur, l’absence
de l’Algérie, puissance militaire
majeure de la zone, qui occupe de
surcroît une position centrale de par
son positionnement limitrophe du Mali,
principal champ de la confrontation.
Faute d’une
coopération avec Alger, l’efficacité du
G5 paraît d’autant plus aléatoire que
l‘Algérie a une solide expérience de
lutte contre les terroristes acquises
lors de la «décennie noire» (1990-2000)
et que les premiers combattants
djihadistes du Sahel proviennent
d’Algérie.
Pour les
djihadistes, les troupes françaises en
Afrique font l’effet d’un chiffon rouge
sur un taureau.
Pas la peine de se
cacher derrière son petit doigt, n’en
déplaise aux nombreux algérophobes qui
prospèrent dans les médias à l’occasion
de la période transitoire algérienne,
faute d‘un débat national sur la
stratégie militaire française au Sahel,
qui fait cruellement défaut, tant que la
situation perdurera le «Mali demeurera
l’Afghanistan de proximité de la
France».
Pour aller plus
loin sur ce thème, ces liens
2 – 2019, un
bilan meurtrier avec à la clé le Burkina
Faso, menacé d’effondrement
En 2019, 1.500
civils ont été tués au Mali et au
Burkina Faso et plus d’un million de
personnes -deux fois plus que l’an
dernier- déplacées à l’intérieur des
frontières des cinq pays considérés.
A ce bilan il
convient d’ajouter la double attaque
djihadiste de Noel 2019 contre le
Burkina Faso et le Niger. Au Burkina
Faso, l’attaque djihadiste du 24
décembre 2019, le jour du réveillon de
Noël, a fait trente-cinq civils, dont 31
femmes, ont été tués à Arbinda, dans le
nord du Burkina Faso, une des plus
meurtrières de l’histoire de ce pays
sahélien. Le tiers du Burkina Faso,
considéré comme un verrou stratégique
pour bloquer l’expansion du terrorisme,
est désormais contrôlé par des groupes
islamistes, sous la menace d’un
effondrement.
Au Niger, le 26
décembre, quatorze militaires ont été
tués mercredi dans une attaque menée par
des «terroristes lourdement armés» dans
la région de Tillabéri, dans l’ouest du
pays. C’est dans cette même région de
Tillabéri, proche du Mali, que 71
soldats nigériens ont été tués le 10
décembre, la pire attaque depuis le
regain des attaques djihadistes en 2015
dans ce pays sahélien pauvre. L’attaque
a été, revendiquée par l’Etat islamique.
Tout le Sahel – en particulier le Mali,
le Niger et le Burkina -, est désormais
visé par les assauts de plus en plus
audacieux de groupes islamistes, en
dépit du renforcement des armées locales
et de la présence de 4500 militaires
français.
3- Le
colonialisme une erreur ? Un enfumage
d’Emmanuel Macron avec la poudre de
perlimpinpin
Emmanuel Macron
pratique l’enfumage médiatique avec son
produit préféré, la poudre de
perlimpinpin.
Le colonialisme une
erreur ? Une erreur est par définition
vénielle. Mais lorsque cette erreur
perdure six siècles, qu’elle se traduit
par la dépossession de tout un continent
de son patrimoine culturel et le pillage
de ses richesses, qu’elle s’accompagne
d’une traite négrière matérialisée par
la déportation de quinze millions
d’Africains au-delà de l’Atlantique, de
la répression compulsive des combattants
africains accourus en Métropole, souvent
contre leur gré, pour sauver leur
colonisateur de ses pulsions
bellicistes, comme ce fut le cas à deux
reprises en un même siècle, lors des
deux Guerres mondiales, à Sétif et
Guelma (Algérie), à Thiaroye (Sénégal),
au Haut Sanaga (Cameroun) et à
Madagascar, l’erreur a pour nom crime
manifeste.
De surcroît, la
persistance d’une forme de colonialisme
monétaire matérialisée par le Franc CFA
en Afrique occidentale, –seul groupement
géopolitique au monde sous tutelle
financière de son ancien colonisateur,
70 ans après l’indépendance de
l’Afrique, dans une forme de nazisme
monétaire–, fait que le crime constitué
par le colonialisme est un crime hideux.
Un crime contre l’intelligence avant
d’être un crime contre l’humanité.
Trêve de fadaise:
La France a été le fardeau de l’Afrique
en ce que le continent noir, en dépit la
maltraitance dont il a été l’objet de la
part de «Patrie des Droits de l’Homme»,
a constitué le socle de la puissance
française, le justificatif de sa
présence au Conseil de sécurité et de sa
dotation du Droit de véto, en dépit de
sa piteuse capitulation lors de la II me
guerre Mondiale et sa collaboration avec
le nazisme, de surcroît la plateforme de
son rayonnement culturel: Cinquante pour
cent (50) des francophones vivent en
Afrique, avec une projection de 85 pour
cent en 2060. De quoi tenir la dragée
haute à leur ancienne puissance
coloniale ainsi qu’à ses alliés
occidentaux.
4- La gabegie,
la corruption, la kleptocratie, les
mamelles du terrorisme
Dix-neuf des 46
pays de l’Afrique subsaharienne
possèdent d’importantes réserves
d’hydrocarbures, de pétrole, de gaz, de
charbon ou de minéraux et 13 pays
explorent actuellement de nouvelles
réserves. Mais la Banque mondiale estime
pourtant que l’Afrique est le continent
le plus pauvre du monde. Carlos Lopes,
Secrétaire exécutif de la Commission
Economique pour l‘Afrique (CEA), estime
que «les ressources naturelles de
l’Afrique sont une bénédiction et non
une malédiction», mais à faible
rendement du fait des tares précitées.
5- Corrélation
entre présence militaire occidentale et
prolifération djihadiste.
Sous couvert de
lutte contre le terrorisme, les
États-Unis ont multiplié les opérations
spéciales en Afrique. Leur présence sur
le continent est discrète, mais
tentaculaire. L’Amérique a établi son
unique base permanente à Djibouti,
« hub » de ses activités militaires dans
la Corne de l’Afrique où sont stationnés
environ 4.000 soldats. C’est de là que
décollent les drones qui visent Al-Qaïda
dans la péninsule arabique au Yémen et
contre les Shebab en Somalie.
Les États-Unis
disposent également de 13 bases
« secondaires », selon la dernière
communication du Commandement américain
pour l’Afrique (Africacom) devant le
Congrès américain, ainsi que d’une
trentaine de bases plus modestes, et
surtout plus discrètes, qui peuvent se
matérialiser par un simple hangar.
Depuis le début des
opérations du Commandement des
États-Unis pour l’Afrique en 2008, le
nombre de militaires américains sur le
continent africain a fait un bond de 170
%, passant de 2.600 à 7.000. Le nombre
de missions a augmenté de 1 900 %,
passant de 172 à 3 500.
Les frappes de
drones ont explosé et le nombre de
commandos déployés a augmenté de façon
exponentielle, de même que la taille et
la portée de la constellation des bases
de l’Africom.
En 2018, l’armée
des Etats Unis a mené 36 opérations en
Afrique, plus que dans toute autre
région du monde, y compris le Grand
Moyen-Orient. Mais depuis la création de
l’Africom, les principaux indicateurs de
sécurité et de stabilité en Afrique se
sont effondrés, selon le Centre africain
d’études stratégiques du ministère de la
Défense US, une institution de recherche
du Pentagone. «Dans l’ensemble,
l’activité des groupes islamistes
militants en Afrique a doublé depuis
2012», selon cette analyse.
De surcroît, La
présence des firmes étrangères en
Afrique augmente la violence des
territoires miniers. Souvent implantées
en Afrique, là où les sous-sols
regorgent de matières premières, elles
contribuent à alimenter un terrain déjà
très conflictuel.
Contrairement à
l’Asie où la subversion djihadiste est
endogène, en Afrique, elle est exogène.
Un produit d’exportation. En Asie
(Afghanistan, Pakistan, Irak, Syrie),
l’instrumentalisation de l’islam comme
arme de combat d’abord contre l’athéisme
soviétique durant la guerre
d’Afghanistan, (1980-1989), puis lors du
mal nommé «printemps arabe» (2011-2015)
contre les régimes républicains arabes,
a été le fait des pétromonarchies
discréditées, en coopération avec le
bloc atlantiste, en vue de la survie de
leurs régimes décriés.
Le centre estime 24
le nombre de «groupes islamistes
militants actifs» qui opèrent sur le
continent, contre seulement cinq en
2010, selon l’analyse. Aujourd’hui, 13
pays africains font face à des attaques
de ces groupes – une augmentation de 160
pour cent sur la même période. En fait,
le nombre d’«événements violents» sur le
continent a bondi de 960 %, passant de
288 en 2009 à 3 050 en 2018, selon
l’analyse du Centre africain.
Bien que divers
facteurs aient probablement contribué à
l’augmentation de la violence, certains
experts affirment que le chevauchement
entre l’existence du commandement et les
troubles croissants n’est pas une
coïncidence.
«La forte
augmentation des incidents terroristes
en Afrique souligne le fait que
l’approche trop militarisée du Pentagone
face à ce problème a été un échec
lamentable», a déclaré William Hartung,
directeur du projet Armes et sécurité au
Centre pour la politique internationale.
«Au contraire, tenter d’éradiquer le
terrorisme par la force risque
d’exacerber le problème, de provoquer
une réaction terroriste et de servir
d’outil de recrutement pour les groupes
extrémistes».
Cette augmentation
de la présence américaine va de pair
avec la multiplication de groupes
terroristes et milices armées
répertoriées par les États-Unis en
Afrique s’est accompagnée d’un
accroissement de la présence militaire
américaine. L’on dénombre une
cinquantaine aujourd’hui, contre
seulement cinq « groupes terroristes
majeurs » en 2010.
6- L’Afrique
entre logique de vassalité et de
servitude ou logique de la dignité.
Loin de moi de
dicter leur conduite aux Africains, mais
au vu de ce panorama, le choix qui
s’impose à eux est simple: soit se
fourvoyer dans une logique de vassalité
vis à vis de leurs anciens
colonisateurs, le choix de la servitude
éternelle;
soit reprendre le
flambeau de la dignité admirablement
brandi par Patrice Lumumba, (République
Démocratique du Congo), Thomas Sankara
(Burkina Faso) et magnifiquement
concrétisé par Nelson Mandela (Afrique
du sud).
Pour aller plus
loin sur ces thèmes :
Illustration
Arte – 28′
Le sommaire de René Naba
Le
dossier Afrique noire
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