MADANIYA
France-Monde arabe : 1967-2017
Un demi siècle d’infléchissements
successifs
René Naba
Jeudi 1er juin 2017
De la politique arabe à la politique
sunnite à la politique wahhabite.
«La
définition de la folie, c’est de refaire
toujours la même chose et d’attendre des
résultats différents ». Albert Einstein
«L’occupation ne peut aller sans
oppression, répression, expulsions et il
s’y manifeste contre lui une résistance,
qu’à son tour il qualifie de
terrorisme.» Conférence de presse du
Général De Gaulle Paris 27 Novembre
1967.
En un
demi siècle (1967-2017), la diplomatie
française en direction de la rive
méridionale de la Méditerranée a subi
des infléchissements successifs pour
déboucher sur une alliance contre nature
avec le pays le plus antinomique de son
héritage politique, passant ainsi par
dégradés successifs de la politique
arabe, à la politique sunnite à la
politique wahhabite.
Prologue
Sans
remonter aux Croisades, il est
généralement admis que la politique
française à l’égard du monde
arabo-musulman s’est articulée autour de
trois grandes dates fondatrices :
-
1536 : Le traité des Capitulations
entre François 1 er et Soliman Le
Magnifique.
-
1798-1801- Le recentrage Bonaparte
par déplacement du curseur de la
sublime porte vers l’axe Le Caire La
Mecque, autrement dit le monde
arabe, le noyau central et
historique de l’Islam.
-
1967- La «Grande politique arabe de
la France» du Général Charles de
Gaulle, soit en quatre siècles trois
infléchissements majeurs avec un
bilan mitigé.
Le
traité des capitulations entre François
1er et Soliman Le Magnifique
François
Ier (1494-1574) et Soliman Le
Magnifique, surmonteront leurs
récriminations réciproques sur le
contentieux des Croisades,
particulièrement la Bataille de Poitiers
(732), le sac de Jérusalem (1099) et de
Constantinople (1204), -«les pages
honteuses de l’Occident chrétien», selon
l’expression de l’historien Jacques Le
Goff-, pour sceller une audacieuse
alliance.
Pris en tenaille entre l’Allemagne et
l’Espagne, tous deux sous la couronne de
Charles Quint (1550-1558), François Ier
pactisera avec le chef de l’Empire
ottoman, un infidèle, au grand scandale
de la chrétienté d’alors, en vue de
contrebalancer la puissance du saint
Empire.
Dans la
même veine de son inspiration, il créera
le «Collège des lecteurs royaux»,
précurseur du Collège de France et
imposera l’enseignement de l’arabe, en
1537, qui connaîtra sa consécration
cinquante ans plus tard par la création
de la chaire d’arabe. Louis XIV
parachèvera son œuvre sur le plan
culturel. Sous l’impulsion de Colbert
désireux de mettre à la disposition des
négociants français des interlocuteurs
appropriés en Orient, le Roi Soleil
fonde la section des langues orientales
au Collège Louis le Grand.
Colbert,
l’auteur du si horrible «Code Noir de
l’esclavage» qui sera publié après sa
mort sous l’Édit de Mars 1695, décrétera
«le privilège de la terre de France» et
son pouvoir libératoire ; une clause de
sauvegarde qui permettait de satisfaire
un triple objectif : l’affranchissement
automatique des esclaves du seul fait de
fouler le sol français, la consécration
a priori de l’esclavage ans les
possessions d’outre-mer et la
préservation des intérêts fondamentaux
de la France par la mise en valeur de sa
tradition d’hospitalité et de son bon
renom dans le monde.
Sous la
Révolution, la section des langues
orientales du collège Louis le grand
deviendra une institution autonome
«l’École des langues orientales».
L’arabe, le turc et le persan y seront
les premières langues enseignées. Le
général Bonaparte en Égypte décrétera la
politique des égards… à l’égard des
indigènes. Non pas par tropisme arabo
musulman, mais pour l’évidente raison
que le respect d’autrui constitue la
première forme de respect de soi. En un
mot par un réalisme enrobé d’idéalisme
qu’il considérera comme le meilleur gage
de la pérennisation de son action.
1798-
1801 : Le curseur rectificatif de
Bonaparte : La «Politique des égards»
Pour
rappel : L’expédition d’Égypte de
Bonaparte était autant une expédition
militaire que scientifique. Une
différence de taille avec l’aventurisme
français des siècles suivants
l’expédition «punitive» de Suez (1956),
la guerre de prédation économique de
Libye (2011) et de Syrie (2012).
François
Ier le précurseur, Bonaparte, le
successeur, percevront les dividendes de
cette politique d’ouverture vers
l’outre-mer, deux siècles plus tard avec
Jean François Champollion, l’un des plus
illustres élève des «Langues O»,
déchiffreur des hiéroglyphes
égyptiennes, une découverte qui fera de
l’Égypte, l’un des centres du
rayonnement culturel français en Orient,
un exemple de rentabilité
opérationnelle, le fameux «retour sur
investissement» du jargon moderne.
En
stratège, le général corse, sans doute
plus averti des subtilités
géostratégiques de la Méditerranée,
s’est borné à recentrer la politique de
son royal prédécesseur considérant que
La Mecque et non Constantinople
constituait le centre d’impulsion de la
politique française de la zone.
Se
gardant de tout messianisme, il
revendiquera pour la France la charge du
domaine régalien, laissant aux
autochtones la gestion de leurs propres
affaires locales, en application de «la
politique des égards», première
expression politique de l’autogestion
des territoires conquis.
Son
neveu, Napoléon III, caressera même le
projet de fonder un «Grand Royaume
Arabe» en Algérie. Cette évidence mettra
deux siècles à s’imposer. Mais,
entre-temps, que d’humiliations, que de
gâchis. Pour avoir méconnu ce principe,
pour avoir renié ces propres principes,
la France en paiera le prix.
Entre
temps, au XIXe siècle
Le Monde
arabe servira de cible compensatoire aux
désastres militaires français successifs
sur le théâtre européen, tout au long du
siècle depuis Waterloo, fait unique dans
les annales militaires internationales.
Waterloo (1815), Mexique (1862), Sedan
(1870) Fachoda (1898),
avec leur projection belligène sur le
théâtre arabe :
- Conquête de l’Algérie, en 1830,
quinze ans après le désastre de
Waterloo 1815)
- Conquête de la Tunisie, en 1881,
dix ans après la défaite de Sedan,
en superposition aux avatars de
l’expédition du Mexique (1862-1867).
- Enfin Fachoda (1898), qui
débouchera sur la conquête du Mali
(Gouraud-Al Many Touré) et le Maroc
en 1912.
La crise
de Fachoda (en anglaisthe Fashoda
incident) est un incident diplomatique
sérieux qui opposa la France au Royaume
Uni en 1898 dans le poste militaire
avancé de Fachoda au Soudan
(aujourd’hui, Sud Soudan). Son
retentissement a été d’autant plus
important que ces pays étaient alors
agités par de forts courants
nationalistes. Dans l’imaginaire
collectif français, la crise de Fachoda
reste comme une profonde humiliation
infligée par un Royaume-Uni triomphant,
hautain et forcément de mauvaise foi. En
somme, l’image même de la «perfide
Albion» abondamment reprise par la
presse et les caricaturistes de
l’époque. Cet épisode reste comme l’un
des événements fondateurs mais surtout
représentatif de la Troisième République
encore jeune et fragile, au même titre
d’ailleurs que les scandales politiques
et financiers ui ont émaillé le dernier
quart du xixe siècle en France.
Au XXe
siècle, la politique arabe de la France
Dans la
première partie du XXe siècle, la
politique arabe de la France que Nicolas
Sarkozy, pourtant issu de la famille
gaulliste, a cherché à déconstruire avec
le soutien actif des transfuges
atlantistes philo sionistes, notamment
Dominique Strauss Khan et Bernard
Kouchner, a surtout consisté pour les
pays arabes à voler au secours de la
France, à deux reprises, au cours du XXe
siècle, pour l’aider à vaincre ses
ennemis, notamment en 1939-1945, en
l’aidant à se débarrasser du joug nazi
dont une fraction importante de la
communauté nationale de confession juive
en avait lourdement pâti.
Avec en
contrepoint et pour prix de la
contribution arabe à la libération de
l’Alsace-Lorraine, l’amputation de la
Syrie du district d’Alexandrette et sa
cession à la Turquie, l’ennemi de la
France lors de la Première Guerre
Mondiale (1914-1918), et la
carbonisation au napalm des habitants de
Sétif, en Algérie, (1945), le jour même
de la victoire alliée dans la deuxième
Guerre Mondiale (1939-1945), ainsi que
la fourniture dans la foulée à Israël de
la technologie nucléaire au centre de
Dimona (Néguev).
1967-2017 La Grande politique arabe du
Général De Gaulle
Le
tournant de la «Grande politique arabe»
du Général de Gaulle est intervenu, en
1966, dans la foulée de l’indépendance
de l’Algérie, clôturant une rupture
quasi générale de la France avec le
Monde arabe de dix ans, consécutive à
l’expédition de Suez (1956), une
agression tripartite des deux anciennes
puissances coloniales de la zone
(France-Grande Bretagne) de concert avec
leur créature Israël.
Elle
impliquait une politique d’ouverture sur
l’ensemble de la rive sud de la
Méditerranée, le Monde arabe,
indépendamment de leurs systèmes
politique -monarchiques ou républicains,
progressistes ou conservateurs, aussi
bien le Maroc que l’Algérie, la Libye
que l’Arabie saoudite-, mais aussi les
autres puissances régionales musulmanes
du Moyen Orient : la Turquie (sunnite et
laïc) et l’Iran (chiite).
Signe de
la bonne entente Paris-Téhéran, le
premier ministre de l’époque Georges
Pompidou représentait la France aux
festivités de Persépolis célébrant les
fastes de l’Empire Pahlévi. La France,
l’un des plus importants pollueurs
nucléaires de la planète, équipementier
d’Israël (Dimona) et de l’Apartheid
d’Afrique du sud, nouait, parallèlement,
une coopération nucléaire avec l’Iran
impériale via le consortium EURODIF,
avant que les hiérarques français
-Nicolas Sarkozy, Bernard Kouchner et
Laurent Fabius- ne se drapent dans la
dignité d’une dinde effarouchée dans la
perspective d’un Iran nucléarisé.
A –
L’Irak (1968) et la Libye (1969), deux
percées majeures de la diplomatie
gaulliste dans d’anciennes chassées
gardées anglo saxonnes
En
treize ans (1966-1979), la diplomatie
gaulliste a permis deux percées majeures
de la France dans d’anciennes chasses
gardées anglo saxonnes :
En Libye
(1969) avec le «contrat du siècle» de
105 Mirage conclu par le gouvernement de
Jacques Chaban Delmas avec le colonel
Kadhafi. Et la préservation de la
quote-part de Total lors de la
nationalisation de l’IPC (Iraq Petroleum
Company), en Irak, par Saddam Hussein.
L’illustration la plus significative de
la solidarité franco-arabe s’est
manifestée lors de la guerre d’octobre
1973 avec la phrase de Michel Jobert, à
l’époque ministre des Affaires
étrangères : «Est ce que tenter de
rentrer chez soi constitue forcément une
agression ?», pour justifier le
franchissement du Canal de Suez et la
destruction de la Ligne Bar Lev par
l’armée égyptienne. Avec en retour, le
traitement de faveur réservé à la France
lors du boycott pétrolier des pays amis
d’Israël.
B – Le
choc pétrolier de 1973 : «Des idées mais
pas du pétrole»
En 1973,
La France est officiellement le
partenaire privilégié du Monde arabe,
officiellement épargnée par le
boycottage pétrolier anti-occidental, le
principal bénéficiaire du boom
pétrolier, le principal bénéficiaire des
contrats pétro monarchiques, mais les
Français se cramponnent à une xénophobie
lancinante, crispés sur un comportement
guidé par une psychorigidité nourrie
d’une nostalgie de grandeur.
Tout le
monde garde présent à l’esprit les
traits d’humour d’une époque où les
Français exultaient de compenser leur
absence de ressources naturelles par une
prétendue supériorité intellectuelle,
affichant leur fierté de ne «pas avoir
de pétrole mais des idées», formule qui
peut se décrypter de la façon suivante :
«pas d’essence, mais la quintessence de
l’esprit», humour qui sous-tendait une
arabophobie ambiante dans une période où
les arabo-musulmans étaient cloués au
pilori pour avoir osé frigorifier les
Français avec leur crise de l’énergie.
Le
renchérissement du coût du pétrole était
vécu comme un crime de lèse-majesté,
alors qu’il s’agissait d’un problème de
rajustement des prix du brut, longtemps
outrageusement favorables aux économies
occidentales.
La
contradiction entre l’ouverture
pan-arabe de la diplomatie française et
la crispation identitaire de l’opinion
française posait déjà à l’époque le
problème de la mise en cohérence de la
politique française à l’égard du fait
arabo-musulman.
1979 :
Valéry Giscard d’Estaing, les prémisses
d’une politique sunnite en substitution
à la politique arabe
Le
premier infléchissement à la politique
gaullienne a été, naturellement, le fait
de Valéry Giscard d’Estaing, un
«gaulliste sous toute réserve («Oui
Mais»), en 1979, sous l’influence du
complexe militaro industriel français
qui conduira la France à perdre
délibérément le bénéfice de
l’hospitalité qu’elle avait accordée à
l’Ayatollah Ruhollah Khomeiny
(Neauphle-le-château).
Initiée
par le néo gaulliste Jacques Chirac
(1974), le partenariat stratégique avec
l’Irak fera de la France un
«cobelligérant de l’Irak» dans sa guerre
contre l’Iran Khomeiniste chiite
(1979-1989), par ricochet l’alliée du
bloc des pays sunnites arabes qu’ils
soient Républicains (Irak, Égypte) ou
monarchistes (les pétromonarchies du
Golfe).
Curieux
retournement que celui de la France et
de l’Irak, les deux pays qui avaient
accordé l’asile politique à l’Imam
Khomeiny du temps de son exil, dont 14
ans à Najaf (sud de l’Irak), qui se
retournent contre lui à son arrivée au
pouvoir pour lui mener une guerre de
près de dix ans… dont les
rebondissements ultimes déboucheront sur
la fin de Saddam Hussein, la perte de
l’Irak par la France et son passage sous
influence iranienne.
Drôle de résultat pour un pays qui se
targue de la rationalité cartésienne.
La
France, fer de lance du combat contre le
Monde chiite
Sous le
tandem Chirac-Giscard et son
prolongement socialiste animé par
François Mitterrand (1979-1995), la
France se positionnera en fer de lance
du combat contre le Monde chiite.
D’abord en tant que cobelligérant de
l’Irak contre l’Iran (1979-1989), deux
décennies plus tard, dans la guerre
contre la Syrie (2011-2016), le maillon
intermédiaire de «l’Axe de la
Résistance» à l’hégémonie
israélo-occidentale ; puis dans son rôle
dans la mise sur pied d’un Tribunal
Spécial International sur le Liban,
chargé de juger les assassins de Rafic
Hariri, un crime interne
instrumentaliser pour criminaliser tant
la Syrie que le Hezbollah libanais,
enfin dans son rôle d’obstruction dans
les négociations internationales sur le
nucléaire iranien.
Par ricochet, la France, pendant une
décennie (1980-1990), se trouvera en
butte avec le «noyau dur du Monde
arabo-musulman», au Tchad face à la
Libye, au Liban face à la Syrie, avec
les attentats du Drakkar, l’assassinat
de l’ambassadeur de France Louis
Delamarre, la spirale des otages, dont
le plus illustre dommage collatéral sera
le chercheur Michel Seurat.
Face à l’Iran, enfin, en France même, où
les attentats de Paris (1986-1987),
salueront le retour au pouvoir de
Jacques Chirac à la faveur de la 1 ère
cohabitation socialo-gaulliste.
Le
«printemps arabe» (2011-2016), le
saccage des atlantistes philo sionistes,
Nicolas Sarkozy et François Hollande
A- La
Libye, le deuxième infléchissement de la
politique arabe du Général de Gaulle
Percée
de la diplomatie gaulliste dans la
décennie 1070, la Libye sera détruite et
le pré carré français en Afrique
durablement déstabilisé, 40 ans plus
tard, par Nicolas Sarkozy un post
gaulliste, « le premier président de
sang mêlé » de France, tel qu’il s’est
défini avec ce terme de grande
ambiguïté, sans préciser la nature de ce
métissage : Franco hongrois ? Ou Judeo
chrétien ?
Menée contre un pays sunnite à structure
républicaine en coalition avec les
pétro-monarchies wahhabites, la guerre
contre la Libye a marqué un nouvel
infléchissement de la « politique arabe
du Général de Gaulle », réduite
désormais à une solidarité avec les pays
musulmans sunnites d’obédience
exclusivement wahhabite, à structure
monarchique.
La
diplomatie française au XXIe siècle :
Une diplomatie atlantiste par un
couplage du wahhabisme avec la droite
israélienne
De
solidarité avec les pays sunnites
(Guerre contre de l’Iran 1979-1989), la
diplomatie française en direction du
Moyen orient s’est ainsi réduite à une
solidarité avec les pétromonarchies et
les pays se réclamant du néo-islamisme
(Turquie).
La Libye
a en effet scellé la nouvelle politique
arabe du pouvoir français dans ses deux
versions -post gaulliste et
socialo-motoriste. Une politique de
substitution.
Une
politique d’alliance avec le wahhabisme
(Arabie saoudite, Qatar et le néo
islamiste Erdogan) en substitution à la
politique sunnite, prolongée par une
solidarité avec la droite israélienne.
François Hollande a même été jusqu’à
assurer Benyamin Nethanyahu dans sa
cuisine qu’il dénichera toujours une
chanson d’amour pour Israël».
La
guerre de Syrie accentuera cette
tendance, particulièrement amplifiée
avec l’entrée en scène de Laurent
Fabius, le petit télégraphiste des
Israéliens dans les négociations
internationales sur l’accord sur le
nucléaire iranien.
61 ans
après l’agression tripartite
(anglo-franco-israélienne) de Suez
(1956), les socialistes s’inspirant de
leur modèle Guy Mollet, laisseront libre
cours à leur prurit belligène à l’égard
des Arabes. Au nom du combat contre la
démocratie.
Nasser
en son temps avait été qualifié de
Bickbachi et comparé à Hitler, le clan
Assad de dictature sanguinaire, dans une
alliance contre-nature avec les
gérontocrates édentés, lubriques et
libidineux du Golfe.
Que l’on
ne s’y méprenne pas : L’alliance franco
turque du XXIe siècle ne constitue en
aucun cas une réédition du traité des
Capitulations, mais une alliance, là
aussi, contre nature entre la France et
un pays présidé par un néo islamiste,
Reccep Tayyib Erdogan, qui fait office
de plaque tournante du djihadisme
planétaire, le gestionnaire du flux
migratoire des sinistrés de la politique
occidentale vers l’hémisphère sud à
destination d’une Europe en crise
systémique.
Bilan
1er postulat : Le privilège de
la terre de France a volé en éclat,
dommage collatéral de la cécité
politique des gouvernants. Il n’est pas
indifférent de noter à ce propos que les
plus célèbres réfugiés politiques du
Moyen Orient en France de l’époque
contemporaine, l’ayatollah Ruhollah
Khomeiny, guide de la révolution
islamique iranienne, et l’ancien chef du
gouvernement intérimaire libanais, le
général Michel Aoun, chef du Courant
Patriotique Libanais (CPL), se soient
retournés contre leur pays hôte à leur
retour au pays natal. Du fait de la
France.
En
application du primat sunnite, tendance
wahhabite, Jacques Chirac, -incarnation
non du gaullisme mais du gaullisme
d’entreprise-, privilégiera, au Liban,
l’alliance avec le milliardaire
libano-saoudien Rafic Hariri.
Il
mettra à l’index des forces
représentatives libanaises, tel le
Général Michel Aoun, chef du plus
important parti politique chrétien, de
même que le Hezbollah, dont le président
français souhaitait qu’il soit passible
de «mesures coercitives» alors que la
formation paramilitaire chiite faisait
face à une guerre de destruction du
Liban de la part d’Israël, en juillet
2006.
Dans ce
contexte, la «déconcertante alliance» du
Hezbollah et du général Michel Aoun,
pour reprendre l’expression des
analystes occidentaux, apparaît comme la
résultante et la réplique de la
«déconcertante attitude» des Occidentaux
à l’égard des aspirations du monde
arabe, particulièrement en ce qui
concerne la Palestine et les Chrétiens
d’orient.
Une
alliance d’autant plus impérieuse pour
«préserver le caractère arabe» qu’elle a
brisée stratégiquement le clivage
confessionnel islamo chrétien de
l’équation libanaise. L’adhésion à cette
alliance du parti Tachnag, le plus
important parti arménien de la diaspora,
rejoint ces préoccupations, de même que
les réticences du nouveau patriarche
maronite à opter pour un alignement
inconditionnel à la stratégie
occidentale en terre arabe.
2e postulat : la France protectrice des
Chrétiens d’orient. Voyons voir.
Terre d’asile, La France, fille aînée de
l’église, accueillera les Arméniens
rescapés du génocide turc, en 1915,
mais, paradoxalement, gratifiera de son
forfait la Turquie, leur éradicateur et
ennemi de la France lors de la première
guerre mondiale, en lui offrant sur un
plateau, Hatay, par amputation du
District d’Alexandrette de la Syrie.
Une
opération qui s’est révélée être une
aberration de l’esprit vraisemblablement
unique dans l’histoire du monde,
pathétique illustration d’une confusion
mentale au nom de la préservation de
prétendus intérêts supérieurs de la
nation au détriment de la victime.
Protectrice des chrétiens d’Orient, elle
a facilité l’accès de son territoire aux
Libanais fuyant les ravages de la guerre
civile (1975-1990), mais elle a, dans le
temps institutionnalisé et
instrumentalisé le confessionnalisme
politique, au mépris du principe de la
laïcité et de la séparation de l’église
et de l’état, un des principes
fondateurs de la République française.
En
guise de conclusion
Comment
expliquer l’alliance de la France avec
les forces les plus rétrogrades et les
plus répressives du Monde arabe, sous
couvert de combat pour la démocratie,
son prédécesseur gaulliste avec le
Qatar, le parrain des destructeurs des
sites islamiques de Tombouctou, et le
successeur socialiste, avec le Royaume
wahhabite.
L’empressement à faire intervenir le
GIGN lors de la prise de la Mecque, en
novembre 1979, et la passivité face au
saccage des stèles de Tombouctou par les
Wahhabites d’Ansar Eddine ?
Comment
expliquer une alliance avec le parrain
des preneurs d’otages des prélats de
Syrie, de quatre journalistes français,
des destructeurs des sites religieux,
notamment de Maaloula, dans la banlieue
de Damas, l’un des plus anciens sites
antiques de l’humanité, dont les
habitants parlent l’araméen, la langue
du Christ, dont les religieuses ont fait
office de bouclier humain.
Une
alliance avec le maître de l’intolérance
et de la xénophobie, celui dont l’un des
dignitaires religieux a décrété la
destruction des églises de la péninsule
arabique, prioritairement aux nombreuses
bases militaires occidentales qui
paralysent la souveraineté de ces
émirats mirages, ne se doutant nullement
des inconséquences de ses propos qui
pourraient entraîner, en représailles,
une réplique de la xénophobie européenne
sur les quatre mille mosquées qu’abrite
la rive nord de la Méditerranée.
Comment
expliquer enfin la nouvelle alliance
avec la Turquie contre la Syrie, qui
abrite le mémorial du génocide arménien
à Deir Ez-Zor. Contre la Syrie, le siège
des patriarcats d’orient depuis la chute
de Constantinople. Contre la Syrie, que
la France a amputé du district
d’Alexandrette, cédée à la Turquie en
guise de bonus à son génocide.
Chrétiens de Syrie et d’ailleurs doivent
se pénétrer d’une réalité première à
savoir que l’Occident, particulièrement
la France, protectrice des chrétiens
d’Orient, a été leur fossoyeur.
La
création d’Israël a entraîné l’exode des
chrétiens palestiniens, l’agression anti
nasserienne de Suez, en 1956, l’exode
des chrétiens d’Égypte, l’invasion
américaine de l’Irak, l’exode des
chrétiens d’Irak; et la bataille de
Syrie, l’exode des chrétiens de Syrie,
alors que la guerre civile libanaise a
provoqué un exode massif des chrétiens
libanais, dans une tentative occidentale
de fixer sur place les Palestiniens et
de faire du Liban leur patrie de
rechange.
Que
reste-t-il de la politique d’amitié
affairiste du tandem Chirac-Hariri à
l’origine de la mise à l’index du
Général Aoun ?
L’ancien premier ministre Rafic Hariri a
été pulvérisé par un attentat, en 2005,
de même que le responsable de son
service de sécurité, Wissam Hassan, la
dague sécuritaire du clan
saoudo-américain au Liban, ainsi que les
vecteurs médiatiques de la diplomatie
atlantiste, Gébrane Tuéni et Samir
Kassir (Groupe An Nahar).
Son fils
et successeur Saad a été caramélisé, dix
ans plus tard, par sa déconfiture
financière et sa faillite politique, au
terme d’un long exil en Arabie saoudite,
en plein «printemps arabe», qui lui a
valu le sobriquet infamant de «planqué
de Beyrouth».
Du côté
français, Jacques Chirac, pensionnaire
posthume de son ami libanais Rafic
Hariri assassiné du fait du retournement
de la politique française au Liban,
sera, lui, le premier président français
depuis Pétain à faire l’objet d’une
condamnation de Justice et son
successeur, Nicolas Sarkozy, qui voulait
confiner l’Iran et sanctuariser Israël
avec son projet d’ «Union Pour la
Méditerranée», est en maille avec la
justice pour des affaires en rapport
avec l’argent illicite… de Bygmalion au
financement libyen de sa campagne
présidentielle.
Le
retour sur investissement de la
politique arabe de Bonaparte a eu pour
nom Lesseps, Canal de Suez, Champollion,
hiéroglyphe… un rayonnement qui perdure
encore de nos jours.
Le
retour sur investissement de la
politique arabe du tandem philo sioniste
atlantiste Sarkozy-Hollande a eu pour
nom Mohammed Merah, les Frères Kouachi,
Hédi Nemmouche, Si Ahmed Glam, Salah
Abdel Salam, Charlie Hebdo, Paris
Bataclan, Nice etc.. Un bain de sang qui
déshonore les stratèges en chambre du
nouveau cours de la diplomatie
française.
Si la
France se range de nos jours dans le
camp de la démocratie, elle le doit
certes aux « Croix Blanches » des
cimetières américains de Normandie, mais
aussi au sacrifice des quelques cinq
cent mille combattants du Monde arabe et
africain qui ont aidé la France à se
libérer du joug nazi, alors qu’une large
fraction de la population française
pratiquait la collaboration avec
l’ennemi. Cinq cent mille combattants
pour la Première Guerre mondiale
(1914-1918), autant sinon plus pour la
Deuxième Guerre mondiale (1939-1945).
Au terme
d’un centenaire calamiteux généré par
une gestion aberrante des accords
Sykes-Picot, la politique française en
direction du Monde arabe porte la marque
de stigmates de sa diplomatie erratique
dont la scarification morale aura été,
symboliquement, la Légion d’Honneur
épinglée sur la poitrine du prince
héritier d’un Royaume détenteur du
record mondial des décapitations, la
marque de fabrique de son pupille Daech,
la terreur de la France et du Monde
occidental.
Pays
européen disposant de la plus importante
façade maritime face la rive musulmane
de la Méditerranée, abritant de surcroît
la plus importante communauté arabo
musulmane de l’Union Européenne, ces
deux paramètres commandent à la France
de définir une stratégie à long terme en
direction de son environnement
méditerranéen et non de réduire sa
«politique arabe» à une variable
d’ajustement conjoncturel de la
compétitivité de son complexe
militaro-industriel et du train de vie
des dirigeants français,
particulièrement des béquilles
financières dont ils escomptent se doter
du fait de leur mansuétude à l’égard de
leurs mécènes : Valéry Giscard D’Estaing
du diamantaire Bokassa, Jacques Chirac
de son hébergeur posthume Rafic Hariri,
le sang mêlé Nicolas Sarkozy du crésus
du Qatar et le socialo motoriste
François Hollande de la dynastie
wahhabite dont il décernera la Légion
d’Honneur à son prince héritier.
L’honneur de la France lui commande de
rompre avec la politique de la punition
et de l’humiliation, si préjudiciable à
son renom.
- De favoriser, non la
balkanisation du Monde arabe, mais
son unité afin de doter cet ensemble
d’un seuil critique à l’effet de
fonder un véritable partenariat avec
l’ensemble européen, sur un pied
d’égalité.
- De contribuer à la renaissance
non du chauvinisme bureaucratique,
mais une forme rénovée du
nationalisme arabe sur de bases
démocratiques, meilleur garde fou à
l’expansionnisme néo-islamiste
confrérique de sensibilité
wahabbiste, si destructeur de
civilisations, si destructeur de nos
valeurs communes.
- Dernier, mais non le moindre,
Restaurer le peuple palestinien,
victime par excellence des
turpitudes occidentales, dans ses
droits nationaux légitimes, tant il
est vrai qu’il ne saurait y avoir de
sérénité trans-méditerranéenne sans
le recouvrement du peuple
palestinien de sa dignité.
Pour
aller plus loin
Centenaire Sykes-Picot: un siècle
calamiteux pour la France…. et pour les
Arabes
http://www.madaniya.info/2016/05/16/sykes-picot-un-siecle-calamiteux-pour-la-france/
(Intervention à l’Académie
Géopolitique Internationale de Paris –
Amphithéâtre Cauchy, La Sorbonne – 23
juin 2016)
Audio: http://www.madaniya.info/2016/07/25/intervention-de-rene-naba-colloque-nouvelle-diplomatie-francaise-moyen-orient/
Reçu de René Naba pour publication
Le sommaire de René Naba
Le
dossier politique étrangère
Les dernières mises à jour
|