Vu du Droit
Macron est clair : « je réprime,
et dès
que c’est consolidé je réattaque »
Régis de Castelnau
Mercredi 20 mars 2019
Mes obsessions
ne me quittent pas et je vais encore
tonner contre les dérives liberticides
de ce pouvoir illégitime, et cette
volonté avérée de passer en force pour
appliquer la feuille de route donnée à
Emmanuel Macron par l’oligarchie qui l’a
choisi et installé frauduleusement à la
présidence de la république. Je crois que le
temps des circonlocutions est largement
passé et qu’il faut appeler un chat un
chat. Comme le disait Nelson Mandela : «
C’est toujours l’oppresseur, non
l’opprimé qui détermine la forme de
lutte. Si l’oppresseur utilise la
violence, l’opprimé n’aura pas d’autre
choix que de répondre par la violence.
Dans notre cas, ce n’était qu’une forme
de légitime défense. »
Cela ne veut pas
dire que destructions et pillages soient
des armes légitimes, mais que la
violence est bien du côté de ce pouvoir.
J’ai répondu aux
questions d’Atlantico à propos de cette
volonté clairement affirmée de durcir
encore une répression déjà très
violente.
On la trouvera
ci-dessous. Ainsi que le lien qui mène à
l’originale.
Régis de
Castelnau
TENSIONS SUR L’ETAT DE DROIT
Pourquoi les
pulsions de répression gouvernementales
menacent l’équilibre de la justice
française
Dernier épisode en
date : le ministre de l’intérieur
Christophe Castaner a déclaré vouloir
faire payer la casse aux gilets jaunes
Maxime Nicolle et Eric Drouet.
Atlantico : Dans
un article publié le 13 mars, vous
dénonciez la plainte déposée par l’Ecole
polytechnique sous la pression du
gouvernement envers un ancien étudiant
accusé d’avoir manifesté au côté des
Gilets jaunes en uniforme. Que traduit
cette plainte de la stratégie du
gouvernement dans la répression des
Gilets jaunes ?
Régis de
Castelnau : Effectivement, j’avais
relevé une petite histoire prise dans le
feuilleton « gilets jaunes » et qui me
semblait symboliser assez précisément
certains enjeux des événements qui se
produisent dans notre pays depuis quatre
mois. La révolte populaire qu’incarne ce
mouvement a fait venir au jour de façon
criante le considérable clivage social
qui divise aujourd’hui notre pays.
Personne ne peut le contester,
aujourd’hui c’est France d’en haut
contre France d’en bas. Un ancien élève
de polytechnique avait souhaité porter
un message, celui du refus d’une partie
des élites de pratiquer le mépris de
cette France populaire et lui manifester
sa solidarité. Inspiré du précédent du
fameux bicorne reproduit par Delacroix
dans son célébrissime tableau : « la
liberté guidant le peuple », il s’est
rendu à une des manifestations des
gilets jaunes revêtu du fameux uniforme
noir de cérémonie. Qui n’est pas un
uniforme militaire et dont l’usage
postérieur à la sortie de l’école n’est
pas réglementé. Minuscule événement,
sans aucune mention dans la presse, il
n’en fallait pas plus pour que la fibre
ultra répressive de Madame Belloubet
s’enflamme. Ordre fut donné à la
direction de l’école de déposer plainte
entre les mains du procureur pour une
incrimination inepte : « port illégal
d’uniforme ». Ce que cette anecdote
raconte c’est le choix fait par le
pouvoir depuis la fin du mois de
décembre de ne répondre au mouvement des
gilets jaunes que par une répression
violente. En dehors d’un débat national
transformé en campagne électorale
illégale et monologue narcissique,
aucune solution politique quelle qu’elle
soit n’a été envisagée ou proposée.
Seulement une répression, destinée à
punir et terroriser outils de la volonté
inébranlable du président de continuer
l’application de la feuille de route à
lui fixée par les grands intérêts qui
l’ont porté à la présidence. Dans la
fameuse interview à l’occasion de
laquelle il nous avait expliqué le
parler des boxeurs gitans, la présence
russe dans les manifestations, et
annoncé sa volonté d’installer des
commissaires politiques dans les
rédactions, il y avait une petite phrase
qui n’a pas été relevée : « Je
ressoude, et dès que c’est consolidé je
réattaque ». Pour ressouder, il faut
apeurer le bourgeois, puis terroriser le
mouvement par une répression judiciaire
et policière sans précédent. Cela
explique l’ahurissante attitude de
Nicole Belloubet qui revendique
triomphalement son bilan d’une
répression de masse dont le praticien
sait qu’elle ne peut être conforme à la
loi et aux principes. Les arguments de
ce pouvoir passent désormais par la
revendication de quotas d’emprisonnés
(!) ce qui n’est pas sans rappeler de
très mauvais souvenirs. Cette volonté
répressive se manifeste également par
des poursuites invraisemblables contre
des gens pour des motifs parfaitement
futiles mais qui garantissent garde à
vue et lourdes condamnations. Tel aura
crié « Castaner assassin » dans une
manifestation, tel autre aura partagé
une page Facebook, tel autre encore aura
tapé du tambour, et tous vont voir de
quel bois se chauffe un corps judiciaire
qui jusqu’à présent n’a vu aucun
inconvénient à prendre en charge le sale
boulot. Pour Emmanuel Macron, ressouder
c’est réprimer violemment, réattaquer
c’est reprendre l’entreprise de
démolition en commençant bien sûr par
les opérations open bar pour la finance
que sont les privatisations des fleurons
économiques de la nation.
Atlantico : Après les
violences survenues lors de l’acte 18
des Gilets jaunes, Christophe Castaner a
annoncé vouloir poursuivre Eric Drouet
et Maxime Nicolle. Le ministre de
l’intérieur a notamment souhaité qu’ils
assument « financièrement » le coût des
dégâts. Juridiquement, cette volonté
est-elle fondée ?
Régis de Castelnau : En
général, plus personne n’écoute
Christophe Castaner, ridiculisé depuis
déjà longtemps et qui chaque jour ajoute
un épisode à un feuilleton
particulièrement accablant. Ministre de
l’intérieur, « sept jours sur quatre
(!) » comme il l’a affirmé sur LCI,
il va s’exhiber faisant la bringue en
galante compagnie, les soirs de
manifestation. Qui peut le prendre au
sérieux ? Le problème est qu’il n’est
pas le seul à avancer ce genre de
proposition que l’on entend souvent
reprises par les préposés habituels de
la macronie.
Sur le plan
juridique par application de l’article
433–10 du Code pénal les poursuites
sont possibles contre ceux qui auront
provoqué à la rébellion. Avec cette
particularité que si cette provocation a
été réalisée par voie de presse (écrite
ou audiovisuelle), c’est l’article
24 de la loi de 1881 qui s’applique.
Cet article est beaucoup plus répressif
que celui du code pénal, il sanctionne
tous les appels à la commission des
crimes et délits prévus par
le Livre IV du Code pénal intitulé :
des crimes et délits contre la nation,
l’Etat et la paix publique. Ces outils
répressifs remaniés récemment, ne sont
pas à la gloire de notre pays où l’on
n’aime pas beaucoup la liberté
d’expression. Et leur rédaction permet
en général d’incriminer ce qui en relève
normalement. Mais il s’agit là
d’infractions en elles-même et qui
peuvent être réprimé comme telles.
En revanche
l’utilisation à tort et à travers du
terme « complicité », par exemple très
récemment par Aurore Bergé est très
inquiétant. En droit pénal la complicité
implique des actes positifs contribuant
à la commission de l’infraction. Le fait
de justifier les violences, d’appeler à
les commettre, ou de les approuver a
posteriori ne relève en aucun cas du
concept juridique de « complicité ». Or
c’est sur celui-ci que Christophe
Castaner et d’autres s’appuient pour
menacer de faire supporter à des gens
qui n’ont en rien participé directement
à la commission des délits eux même, la
charge financière des préjudices subis.
Rappelons un principe fondamental, la
responsabilité collective en matière
pénale est absolument prohibée. Par
conséquent, on ne peut être condamné à
réparer un dommage que si on l’a commis
directement ou participé à sa
commission. Je dis que l’utilisation du
terme complicité est inquiétante dans la
mesure où on ferait d’un propos, un
élément constitutif du délit commis par
les manifestants violents avec lesquels
on n’a aucun rapport. Aurore Bergé parle
elle « d’armement intellectuel »
! Et comme ce pouvoir nous en a donné
l’habitude avec une Assemblée nationale
complètement caporalisée, le moment de
doit pas être loin où elle sera saisie
d’un texte établissant une
responsabilité collective permettant de
condamner pénalement et financièrement
toute personne exprimant soutien ou
compréhension à un mouvement populaire
quelconque, pour peu que les
manifestations de celui-ci aient donné
lieu à des débordements. Et allez savoir
pourquoi, je n’ai pas une confiance
excessive dans un Conseil
constitutionnel présidé par Laurent
Fabius et que vient d’intégrer Alain
Juppé…
Atlantico : Emmanuel Macron a
limogé le préfet de police de Paris et
l’éxécutif a annoncé vouloir interdire
certaines manifestations. Alors que 39%
des Français pensent que seule une
révolution pourrait changer la situation
(sondage IFOP du 20 mars), la stratégie
de fermeté d’Emmanuel Macron peut-elle
désamorcer les tensions ou au contraire
marque-t-elle une dérive autoritariste
pouvant provoquer une escalade ?
Régis de Castelnau :
Toujours la même stratégie, refus
d’écouter, d’entendre, de changer quoi
que ce soit, de renoncer à des
comportements insupportables aux couches
populaires et n’opposer à des
revendications légitimes qu’une
répression, violente si nécessaire.
L’interdiction des manifestations sera
la prochaine marche, mais Emmanuel
Macron soyons en sûr en montera
d’autres. Le préfet Delpuech a été
limogé parce que les forces de police
auraient utilisé modérément cette
fois-ci les fameux LBD dont l’usage a
provoqué tant de blessures graves et
scandalisé l’opinion publique
internationale. Le préfet n’a pas été
assez violent, donc dehors, voilà le
prétexte avancé, et il en dit long.
La dérive
autoritaire, et la violence des
répressions policières et judiciaires
relèvent du constat d’évidence. Les nier
relève soit d’un soutien politique sans
faille au système Macron, celui que l’on
retrouve chez tant d’éditorialistes,
soit d’un aveuglement incompréhensible.
Surenchère dans la répression judiciaire
de masse avec un bilan inconnu depuis la
guerre d’Algérie, adoption de textes
liberticides par une Assemblée nationale
aux ordres, au plan des libertés
publiques, la France du locataire de
l’Élysée a vraiment très mauvaise mine.
Je suis de ceux qui
ont considéré qu’en raison du
financement de sa campagne et des
manœuvres judiciaires qui l’ont
émaillée, la légitimité juridique de
l’élection d’Emmanuel Macron était
particulièrement faible.
Force est de
constater, et toutes les études en
rendent compte, que sa légitimité
politique est-elle aussi désormais très
faible. Refuser toute réponse politique
et ressouder par une répression de masse
pour réattaquer ?
Ce Président nous
emmène sur des chemins dangereux.
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