Actualité
Emmanuel Macron : coup d’État phase II ?
Mathieu Morel
Samedi 5 janvier 2019
Je suis de ceux qui considèrent que
l’arrivée surprise à la présidence de la
république d’Emmanuel Macron est le
fruit d’un coup d’État.
Je le radote depuis maintenant près de
deux ans. La radicalisation de
Macron à l’occasion de la crise des
gilets jaunes n’est pas que l’expression
de l’absence de toute culture
démocratique chez ce personnage et ceux
qui le soutiennent. La violence
médiatique des petits valets, la
brutalité de la police et la servilité
de la justice sont les outils d’une
remise en cause majeure du
fonctionnement démocratique. Mathieu
Morel s’interroge sur la volonté du
petit roi de passer à l’étape suivante.
Régis de Castelnau
En cette période de
vœux et de bonnes résolutions, il faut
être un tout petit peu honnête : on ne
peut pas mettre sur le seul dos de la
bêtise ou de la cécité une aussi
soigneuse accumulation de bourdes et de
provocations. Il y a forcément autre
chose dans cette obstination à marcher à
rebours de l’Histoire tout en insultant
avec délectation tous ceux lui signalent
gentiment qu’il est à contresens.
Il n’a pas fallu
bien longtemps pour découvrir que le
« philosophe maître ès pendules » était
une blague, une escroquerie échafaudée
par quelques mécènes professionnels,
« spin-doctors » et « story-tellers »,
pour gaver jusqu’au dernier souffle une
machine ubuesque devenue infernale à
force d’acharnement. Que les Cassandre
d’il y a vingt ou trente ans aient eu
raison contre le « cercle des Minc et
Attali » importe peu aujourd’hui. Les
méthodes alors employées pour les
discréditer, les décourager ou les
diaboliser étaient déjà les mêmes
qu’aujourd’hui (« vous faites le jeu
de », « vous parlez comme », « vous êtes
pour le repli
rabougri/nationaliste/nazi » etc.).
Simplement, elles étaient un peu moins
éculées qu’aujourd’hui, donc plus
efficaces.
Exit, donc, le philosophe pourtant
douteux, le théâtreux pourtant hésitant,
le brillant bibliographe, le fougueux
Jupiter. Les mécènes, spin-doctors et
story-tellers semblent commencer
eux-mêmes à s’en apercevoir, qui
quittent un a un le navire et cherchent
la prochaine poule aux œufs d’or (après
le gros lot « jeune prodige », certaines
rumeurs laissent à penser qu’on pourrait
jouer la carte « femme », cette autre
case « progressiste » que ces peuples
rétrogrades se sont jusqu’ici obstinés à
retoquer dans le « monde libre »).
Mais si eux commencent peut-être à s’en
apercevoir, lui, en revanche, des nèfles
! Ce prodige-prince-enfant-roi, fils
improbable et chevelu de Juppé et de
Giscard, a hérité du premier la sagesse
et la certitude de son absolue
supériorité et du second la jeunesse et
une empathie certaine. Ou
réciproquement.
Tout un programme…
Il y a quelque
chose de délibéré chez cet homme – et/ou
ses conseillers/sponsors. Comme une part
de jeu (« jusqu’ici, on gagne, jusqu’où
pourrons-nous aller pour les soumettre
et les humilier ? »), une part de défi
(« qu’ils viennent me chercher » et
quelques autres brillants aphorismes de
la même saumure), une part de touchante
certitude (« le peuple, ce tas de
téléspectateurs confits et
ventripotents, serait choqué par trop de
violence, des allusions à la guillotine,
un tag, une quenelle, un vilain mot… ils
veulent un chef et ça tombe bien, je
suis là, vive Moi ! »), une part de
perfidie (« si je raconte n’importe quoi
assez vite et assez longtemps en casant
un maximum d’expressions et d’effets de
manche dans un minimum de temps,
personne n’osera dire qu’il n’a rien
compris ou que j’ai raconté n’importe
quoi » – il aurait vraiment dû lire
Andersen et les Habits neufs, lui qui
aime tant les sages Danois luthériens).
Il y a quelque chose de délibéré, une
envie d’en découdre, d’entrer dans
l’Histoire à tout prix pour qu’elle
puisse s’enorgueillir de compter un
homme de sa trempe dans ses pages,
forcément glorieuses. Tout à son rêve
éveillé, le prince-enfant-roi, que
personne n’a jamais osé corriger pour
lui apprendre à revenir sur Terre, se
voit déjà de Gaulle, Napoléon, Louis
XIV, Charlemagne, Néron, Empereur
d’Europe, triomphant sans gloire mais
triomphant quand même. Dans ce genre de
rêve, l’hostilité – surtout vécue sous
la haute protection zélée de chiourmes
qu’on méprise autant que les autres –
devient stimulation.
Une hypothèse : ce
type-là – et/ou ses conseillers/sponsors
– cherche à galvaniser sa base, ce petit
cinquième de France qui s’est toujours
accommodé de toutes les collusions,
toutes les fuites à Varennes, tous les
refuges à Coblence, toutes les
compromissions avec n’importe qui
(surtout vers le nord-est) contre les
quatre autres cinquièmes, pourvu qu’il
demeure, lui, à la barre. Ce n’est
qu’avec cette base chauffée à blanc et
le sésame des Institutions (non pas « la
cinquième République » mais ce qu’on en
a fait entre-temps, notamment pour
convenance eurobéate), qu’il peut encore
croire son omnipotence minoritaire
assurée.
Et encore… Pour quoi faire ?
A ce stade de discrédit, il ne lui reste
que l’entourloupe ou la force brutale.
Pour l’entourloupe, il a grillé à peu
près toutes les cartouches mais il lui
en reste au moins une : convoquer un
referendum institutionnel portant sur
quelques réformes qui – peut-être à
tort, d’ailleurs – feraient consensus
(par exemple, l’annihilation finale du
pouvoir législatif, jugé dispendieux,
après l’avoir inféodé à l’exécutif grâce
au « progressiste » quinquennat). Pour
la force brutale, on a bien une petite
idée : il ne lui manque plus que
l’imagination, l’événement opportunément
choquant ou le simple courage pour
lancer son propre coup d’Etat.
On a bien un vague
retour au « sacré », au mystique, au
grandiose. On a bien une
néo-pagano-trinité : une espèce
d’Agrippine vaguement de Médicis, une
espèce d’élève-Néron qui semble percer
sous petipatapon et même un Alexandre
qui évolue dans ce marigot vulgaire
jusqu’à y donner l’illusion d’une forme
de grandeur. Nous voici, en 2019, dans
un drôle de Cluedo bizarre et cruel où,
spectateurs, on se demande qui
poignardera qui à la fin, mais où l’on
nous invite doctement à croire mordicus
que le poignard – qui nous frappera
pourtant aussi, tôt ou tard, tant que
nous accepterons de le laisser aux mains
de ces dangereux dingues – est une
affaire de grandes personnes.
Tandis que la guillotine, fût-elle
évoquée en symbole par quelques gueux
fluorescents, serait une vaine barbarie
qu’il serait urgent d’oublier, sauf à
encourir quatre mois de prison avec
sursis.
« Pour le salut de la démocratie », nous
serinent ceux qui ont fait une OPA
dessus pour la noyer tranquillement,
entre gens bien.
Mathieu Morel
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