Syrie
ONU / Le royaume saoudien cherche des
complices
et des faux témoins
Bachar al-Jaafari
Mercredi 19 décembre 2018
Le 17 décembre 2018, l’Assemblée
générale a adopté 53 résolutions sur
recommandation de sa Troisième
Commission, dont le nouveau Pacte
mondial sur les réfugiés et la situation
des droits de l’homme en Corée, au
Soudan, en Iran, en Syrie… [*].
Le Dr Bachar
al-Jaafari a dû, une fois de plus,
réagir au discours de la délégation
saoudienne concernant les droits de
l’homme et la démocratie. Un discours
qu’il avait qualifié de « blague »
devant la même assemblée le 16 novembre
dernier. Une blague qui n’a pas fini de
mettre le monde à feu et à sang, avec la
complicité de ladite communauté
internationale menée par les États-Unis
[NdT].
Monsieur le
Président,
La délégation de
mon pays renouvelle son refus
catégorique du projet de résolution
intitulé « Situation des droits de
l’Homme en République arabe syrienne »,
tant du point de vue du fond que de la
forme.
Concernant le
contexte de la procédure, nous affirmons
que le principal sponsor du projet -je
parle de la délégation permanente de
l’Arabie saoudite- est naturellement
dépourvu des capacités juridique et
morale l’autorisant à présenter un tel
sujet où que ce soit en ce monde. Et
nous croyons, en toute confiance et
sincérité, qu’il est désormais urgent
pour les États membres de sérieusement
réfléchir à la situation désastreuse où
nous nous trouvons aujourd’hui, d’autant
plus que nous voyons des représentants
de la dictature religieuse la plus
dangereuse et la plus violente du monde
nous présenter des projets de résolution
portant sur les droits de l’homme en
Syrie ; laquelle Syrie est à des années
lumières de l’Arabie saoudite en matière
de consolidation et de protection de ces
droits.
Quant au contenu,
c’est non seulement par principe que mon
pays s’oppose à la politisation de
l’article [relatif aux droits humains]
et au recours de certains États Membres
permanents à de tels projets de
résolution visant d’autres États
Membres, pour des raisons strictement
politiques que nul n’ignore ; mais
aussi, parce que ce contenu est
déséquilibré et cherche à déformer les
faits, ainsi que l'image du gouvernement
syrien et de ses institutions légitimes.
En cela, il reflète
la position du royaume d’Arabie saoudite
et ses politiques destructrices à
l'égard de mon pays, lesquelles reposent
sur l’exploitation politique et
militaire du terrorisme extrémiste
wahhabite, pour y semer le chaos,
renverser le gouvernement, s’ingérer
dans le processus politique ; notamment
par violation des résolutions
pertinentes du Conseil de sécurité ayant
affirmé que ce processus appartient aux
seuls Syriens, sans aucune ingérence
étrangère.
Le résultat est que
la famille régnante qui gouverne
l’Arabie saoudite par le fil de l’épée,
laquelle apparaît clairement sur son
drapeau, et le pouvoir de la religion,
lequel la renie, veut aujourd'hui
utiliser les excédents monétaires du
pétrole pour imposer une pression
politique et une attraction financière
sur cette Organisation des Nations
Unies, afin de la pousser vers une voie
menant à l'effondrement des règles et
principes bien établis, et d’ébranler la
confiance en sa crédibilité, son sérieux
et son équilibre.
Plus clairement,
aujourd’hui, les représentants du
royaume d’Arabie saoudite veulent que
vous soyez les complices et les faux
témoins d’un projet de résolution
réclamant des procédures et des
traditions déjà enracinées en République
arabe syrienne depuis des décennies et
même des siècles -je parle d’élections,
de Parlement, du rôle effectif de la
femme, de la protection des journalistes
et de la liberté de la presse- alors que
leur pays n’a jamais connu, ni
Parlement, ni Constitution, ni élections
depuis sa création. En revanche, il
connaît bien la répression des citoyens,
l'oppression des femmes, des minorités
religieuses, ethniques et des
travailleurs étrangers. De plus, il a
récemment découvert une nouvelle façon
de jouir des droits humains :
l’utilisation de ses résidences
diplomatiques pour tuer et découper le
corps d'un journaliste saoudien qui
s’est opposé à la famille régnante.
D’où, une première
question qui devrait traverser l’esprit
de tout observateur de faits en rapport
avec les droits humains : « Quand est-ce
que l’Arabie saoudite aurait satisfait
les justes revendications de son peuple
écrasé sous le joug des « cheikheries »
qui n’ont jamais entendu parler de
Parlement ou de Constitution, tandis que
dans leur milieu existe encore la honte
venue des femmes, comme c’était le cas à
l’époque préislamique de la « Jahiliya »
où cette honte de leurs habitants les
poussait à enterrer vivantes les filles
nouveau-nées » ?
Monsieur le
Président, Mesdames et Messieurs,
Nous ne sommes pas
naïfs. Nous savons parfaitement que la
délégation permanente du royaume
d’Arabie saoudite fut et restera une
simple façade et un instrument aux mains
de ceux qui ont soutenu et continuent de
soutenir le terrorisme en Syrie. Il
n’empêche que celui qui l’a poussée à
présenter ce projet est menteur et
hypocrite, car après avoir fait de
l’Arabie saoudite la façade de
l’agression contre la stabilité et la
sécurité de mon pays pendant les huit
dernières années, il lui a demandé de
jouer ce même rôle au sein des Nations
Unies, via la présentation de ce projet
de résolution sur la situation
humanitaire et la démocratie en Syrie.
Par conséquent,
nous redoutons toujours que la majorité
des États membres de cette Organisation
ne s’engage dans cette farce que
l’Histoire inscrira parmi les erreurs et
les faux pas des Nations Unies.
Comment pourrait-il
en être autrement, alors que nous voyons
les représentants d’un État qui coupe
les têtes dans ses propres rues sous
prétexte d’appliquer des directives
religieuses et, en même temps, réclament
la démocratie chez un autre État comme
la Syrie, profondément enracinée dans
l’Histoire inverse depuis des milliers
d’années ?
Parlant de mensonge
et d’hypocrisie, nombre d’États ayant
participé à la présentation de ce projet
de résolution, et je parle des
gouvernements engagés dans les rangs de
ladite Coalition internationale, ont
également participé aux crimes les plus
odieux, violant les droits humains en
Syrie lorsqu’ils se sont associés aux
opérations militaires illégitimes
dirigées par les États-Unis, détruisant
la ville de Raqqa et tuant des milliers
de ses habitants dont les corps sont
toujours sous les décombres, détruisant
les ponts, les infrastructures, les
centres pétroliers, les centrales
électriques, les terres agricoles, les
usines, les propriétés privées et
publiques, allant jusqu’à voler les
trésors archéologiques du patrimoine
culturel des Syriens et à en faire
commerce. Le tout, sous le prétexte
fallacieux de la lutte contre le
terrorisme !
Monsieur le
Président,
L’adoption du
projet de résolution saoudien
constituera un précédent dangereux qui
pourra être exploité contre n’importe
quel État Membre à partir du moment où
des gouvernements nantis d’une influence
politique et d’un attrait financier
décideront de s’en prendre à celui qui
s’oppose à leur politique, leur
hégémonie ou leur domination.
Mesdames et
Messieurs,
Encore une fois,
j’en appelle à votre méfiance et à votre
prudence face aux pratiques anormales de
certains États cherchant, via d’autres
États, à politiser les mécanismes de
protection des droits de l'homme et à
les exploiter comme moyens de pression
sur certains pays.
Prenant en compte
ce qui précède, la République arabe
syrienne considère le vote favorable à
ce projet, présenté en tant que « projet
saoudien », comme un acte hostile à son
encontre. Elle n’hésitera pas à exercer
ses droits souverains et à prendre ses
dispositions contre les présentateurs et
les partenaires de ce projet, de telle
sorte qu’ils soient écartés de toute
contribution ou rôle dans le processus
politique réservé aux Syriens et toute
participation aux efforts de
reconstruction.
Nous sommes
conscients, Mesdames et Messieurs, que
certains gouvernements sont obligés de
ménager le royaume d’Arabie saoudite
pour des raisons politiques ou des
considérations économiques. Ils peuvent
continuer à le ménager en se taisant sur
son registre débordant d’exactions
contre les droits de l’homme pour ce qui
les concerne ou le concerne, mais ils
n’ont pas à le faire aux dépens de mon
pays, de l’avenir de son peuple et de
ses attentes de liberté et
d’indépendance.
Par conséquent, la
délégation de mon pays demande à nouveau
de procéder à un vote enregistré et
j’encourage les États Membres à voter
contre ce projet.
Pour conclure,
Monsieur le Président, je félicite
l’Arabie saoudite et les États arabes,
ayant parrainé ce projet de résolution,
de l’intégration d’Israël sur leur
liste. Un fait qui confirme les attendus
de l’Arabie saoudite. Une alliance
israélo-saoudienne qui révèle la nature
et l’identité du projet.
Merci Monsieur le
Président
Dr Bachar
al-Jaafari
17/12/2018
Transcription et
traduction par Mouna Alno-Nakhal
Source :
Vidéo /
The Syrian Mission to the United Nations
https://www.youtube.com/watch?v=TPbqsSYogAA
[*] Sur
recommandation de sa Troisième
Commission, l’Assemblée générale adopte
53 résolutions, dont le nouveau Pacte
mondial sur les réfugiés
https://www.un.org/press/fr/2018/ag12107.doc.htm
NB : Nous
regrettons de ne pas avoir réussi à
trouver en quoi ce projet de résolution
adopté le 17 décembre (par 111 voix
pour, 15 voix contre et 55 abstentions,
selon la source ci-dessus) diffère de
celui adopté le 16 novembre 2018 (106
voix pour, 16 voix contre et 58
abstentions). Mais les deux projets sont
de la même veine.
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