Syrie
ONU / Le discours de l’Arabie
saoudite
sur les droits de l’homme en Syrie est
une blague…
Bachar al-Jaafari
Samedi 17 novembre 2018
Ce 16 Novembre, le projet de
résolution A/C.3/73/L.50 [1] portant sur
la situation des droits de l’homme en
Syrie a été adopté par 106 voix pour, 16
voix contre et 58 abstentions [2]. Il a
été présenté devant la Troisième
Commission de l’Assemblée générale de
l’ONU par l’Arabie saoudite, son
principal co-auteur.
À notre
humble avis, là, il ne s’agit plus d’une
blague, mais d’une tentative évidente de
blanchiment de la réputation du
gouvernement saoudien, suite au scandale
de l’Affaire Khachouggi, en noircissant
celle du gouvernement syrien. Ce qui
prouve que l’Arabie saoudite reste une
pièce maîtresse dans le jeu des États
ennemis de la Syrie, pour remporter par
la politique ce qu’ils n’ont pu obtenir
par la guerre. En effet, l’insistance
permanente sur la « mise en place d’une
autorité de transition inclusive dotée
des pleins pouvoirs exécutifs » ne
signifie rien d’autre.
Pour
mémoire, voici
l’intervention du délégué permanent de
la Syrie auprès des Nations Unies [NdT].
Monsieur le
Président,
Le niveau de
surréalisme atteint par ce que nous
venons d'entendre est vraiment
admirable. Je suis surpris que
l'ambassadeur saoudien n'ait pas soumis,
au nom de son pays, un projet de
résolution déclarant sa candidature au
« Prix de l’utopie politique », vu son
discours plagiant Platon dans sa « Cité
idéale », suivi des absolutions ou
châtiments distribués aux uns et aux
autres, à la manière d’un Père Noël
gratifiant des enfants assoupis.
L'ère des
prophéties est révolue, mon cher
collègue. Il est temps de vous réveiller
et de revenir à la réalité. Je vous
conseille de laisser Platon reposer en
paix et de témoigner d’un peu
d’humilité ; car l’humilité est la vertu
des sages, tandis que la surenchère,
l'irréalisme et le surréalisme mènent à
l’arrogance.
L’arrogance
qui fait que mon collègue, ambassadeur
de l’Arabie saoudite, parle au nom du
peuple syrien. Y’a-t-il une situation
plus surréaliste que celle-ci ? Il se
voit comme le représentant du peuple
syrien auprès des Nations Unies, lequel
peuple est représenté ici par un
ambassadeur syrien qui vous parle en ce
moment même. Si ce n’est pas du
surréalisme, c’est un cas de
dédoublement de la conscience.
Monsieur le
Président,
La délégation
de mon pays réaffirme l'attachement de
la République arabe syrienne à la
promotion et à la protection des droits
de l'homme et des libertés fondamentales
de tous les Syriens, conformément à la
Constitution syrienne ainsi qu’aux
dispositions de la Charte des Nations
Unies et du droit international.
À ce propos,
je tiens à rappeler que la Syrie a
collaboré activement à la création du
Conseil des droits de l'homme et
qu’aujourd’hui, plus que jamais, elle
refuse que ses mécanismes, ses rapports
et ses représentants spéciaux soient
exploités pour nuire à certains États en
particulier ; position partagée par
nombre d’autres États épris de paix et
gardant foi en ces mêmes dispositions.
Et c’est dans
ce même contexte que la délégation de
mon pays réaffirme son rejet total de
tout le contenu du projet de résolution
saoudien L.50, qu'il s'agisse des
paragraphes préliminaires ou des
paragraphes de travail, pour de
nombreuses raisons. En voici quelques
unes :
Premièrement : C’est un
projet de résolution politique par
excellence. D’une part, il traduit
l’hostilité profonde des autorités
saoudiennes à l'égard de mon pays et
révèle la politique flagrante du « deux
poids, deux mesures » de certains États
Membres cherchant à servir leurs propres
agendas politiques en ciblant l’État
syrien, calomniant ses institutions,
entravant les efforts consentis en vue
d’une solution politique à la crise, via
le dialogue entre Syriens et
certainement pas via le dialogue entre
Syriens et Saoudiens.
D’autre part,
il s'inscrit dans la continuité des
efforts visant à remonter le moral des
organisations terroristes et de leurs
partisans, suite aux succès de l'État
syrien et de ses alliés dans leur lutte
contre le terrorisme et leur
confrontation à ses sponsors ; parmi
lesquels, comme vous le savez tous,
l’Arabie saoudite, Israël, le Qatar, et
bien d’autres co-auteurs de ce projet de
résolution.
Deuxièmement : Nous ne
pouvons que regretter le niveau
désastreux atteint par l’Organisation
des Nations Unies, une réalité à
laquelle les pères fondateurs ne
s’attendaient certainement pas, même
dans leurs pires cauchemars, vu que le
gouvernement de l’État chargé par ses
employeurs de la présentation de ce
projet, i.e. l’Arabie saoudite, est le
dernier à pouvoir parler des droits de
l’homme.
En effet, le
discours de l’Arabie saoudite sur les
droits de l’Homme est une blague, parce
que comme vous le savez aussi, elle est
dépourvue des critères les plus
élémentaires du respect de ces droits.
Il nous suffit de rappeler qu’elle ne
fait pas partie du « Pacte international
relatif aux droits civils et
politiques », tandis que la Syrie en
fait partie depuis 1969.
Autrement
dit, en Syrie, nous sommes à des années
lumières de l’Arabie saoudite, comme en
témoignent les pratiques quotidiennes
des autorités saoudiennes et leurs
violations flagrantes des droits de
l'homme à l'intérieur ou à l'extérieur
de leur territoire. Des pratiques
rendues au point de transformer leurs
résidences diplomatiques en centres de
détention et de liquidation des
opposants, sauvagement et en plein jour.
Tel est le concept saoudien de la
diplomatie !
Sans oublier
que les crimes commis par les autorités
saoudiennes ne se limitent pas à leurs
ressortissants, mais sont une menace
pour la paix et la sécurité
internationales du fait de leur soutien
multiforme au terrorisme, notamment en
Syrie, et du fait de la propagation de
l’idéologie extrémiste wahhabite,
nuisible aux Arabes et à l’Islam et
principale inspiratrice du terrorisme,
de la haine et du rejet de l’autre,
notamment de la femme.
Ce n’est un
secret pour personne que les crimes de
guerre et les crimes contre l’humanité
commis par les autorités saoudiennes
contre les civils du Yémen, ont coûté la
vie à des milliers de femmes et
d’enfants et détruit les infrastructures
de ce pays frère que nous, Arabes,
considérons à l’origine de notre
arabité ; raison qui fait qu’il est
ciblé.
Par
conséquent, ce projet de résolution
révèle l’aggravation de la schizophrénie
au sein de la délégation présentatrice
saoudienne. En effet, il y est question
de l’organisation d’élections, de
Constitution, de Parlement, d’un rôle
accordé aux femmes de Syrie, etc. Autant
d’éléments profondément enracinés dans
la société syrienne depuis l'époque de
la reine Zénobie à Palmyre, il y a 2000
ans, mais, autant d’éléments que
l’Arabie saoudite n’a jamais accordés à
ses citoyens. Et le citoyen qui, en tant
qu’opposant, réclamerait ces choses à
partir de l’étranger, subirait le sort
de celui qui a été convoqué au consulat
d’Arabie saoudite à Istanbul…
Le comble de
l’ironie est que la délégation
saoudienne s’est opposée, ici-même, à
l'adoption d'articles inscrits dans des
projets de résolution concernant la
liberté de la presse et la protection
des journalistes, alors qu’elle a ajouté
tout un paragraphe sur la protection des
journalistes, en Syrie, dans son projet
de résolution L.50. L’important pour les
autorités saoudiennes est donc la
protection des journalistes en Syrie ;
partout ailleurs, ni la protection des
journalistes, ni la liberté d’opinion ou
d’expression ne posent problème.
Troisièmement :
L'hypocrisie flagrante de certains
auteurs de ce projet de résolution, des
auteurs citoyens d’États prétendument
soucieux de la démocratie, des droits de
l'homme, de l'État de droit et de la
lutte contre le terrorisme, mais qui
n'ont jamais rien fait pour mettre fin
au soutien des autorités saoudiennes au
terrorisme dans le monde, ni pour
présenter un quelconque projet de
résolution concernant les terribles
violations des droits de l'homme à
l'intérieur et à l'extérieur du royaume
saoudien.
Quatrièmement : Nombre
de pays ayant participé à l’élaboration
de ce projet de résolution, notamment
ceux impliqués dans la « Coalition
internationale » menée par les
États-Unis, violent les droits de
l'homme en Syrie.
Viols par
occupation, agressions, crimes de guerre
et crimes contre l'humanité. Crimes
commis directement, par ladite Coalition
internationale ayant entraîné la mort de
milliers de civils syriens,
principalement des femmes et des
enfants, et la destruction des
infrastructures. Ou crimes commis
indirectement, par le soutien accordé
aux organisations terroristes ; par le
recrutement, le financement et
l’acheminement de terroristes étrangers
vers le territoire syrien ; par le
silence adopté sur les pratiques des
gouvernements soutenant le terrorisme ;
par les mesures économiques coercitives
unilatérales et illégitimes, imposées à
la Syrie par les gouvernements de
certains pays membres de cette
organisation, mesures privant les
Syriens de certains de leurs besoins
essentiels, médicaments ou autres…
En
conclusion, Monsieur le Président,
La Syrie
endure depuis des années des pratiques
de certains gouvernements et a payé un
lourd tribut afin de préserver sa
souveraineté, son indépendance, son
unité et son intégrité territoriale.
Autant de raisons qui font que nous
appelons à voter contre ce projet de
résolution ou, du moins, à ne pas
participer au vote.
Pour nous,
voter en sa faveur est un acte hostile
envers la République arabe syrienne,
lequel dispense ses co-auteurs de
contribuer à la recherche d’une solution
politique et les autorise à empêcher la
reconstruction.
Par ailleurs,
tout en réaffirmant notre rejet total de
ce projet de résolution et sans négliger
les motivations de ses co-auteurs, nous
tenons à souligner qu’ils y ont inclus
des éléments qui ne relèvent pas du
mandat de cette commission, tels que les
éléments des paragraphes 9, 31, 32, en
rapport avec l’OIAC, organisation
indépendante, le mécanisme d’enquête et
son financement concernant tous les pays
membres, à partir de 2020.
C’est pour
toutes ces raisons que la délégation de
mon pays demande que ce projet soit
intégralement mis aux voix et invite les
États Membres à voter contre ou à ne pas
y participer.
Je demande
que cette déclaration soit considérée
comme un document officiel de la
présente séance.
Merci
Monsieur le Président.
Dr Bachar
al-Jaafari
Délégué permanent de la
Syrie auprès des Nations Unies
16/11/2018
Transcription et traduction par Mouna
Alno-Nakhal
Source : [The
Syrian Mission to the United Nations
]
Notes :
[1] [Le
projet de résolution A/C.3/73/L.50]
[2] [Les
résolutions de pays continuent de
polariser les débats au sein de la
Troisième Commission, qui adopte 13
projets de résolution]
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dossier Syrie
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