Algérie Résistance
Brandon Turbeville : « Les connexions
entre les États-Unis et Daesh sont sous
nos yeux »
Mohsen Abdelmoumen

Brandon
Turbeville. DR.
Mardi 16 février 2016
English version here:https://mohsenabdelmoumen.wordpress.com/2016/02/16/brandon-turbeville-the-connections-between-the-united-states-and-daesh-are-there-for-all-to-see/
Mohsen Abdelmoumen :
Ne pensez-vous pas que l’accord sur une
trêve en Syrie que les USA ont obtenu de
la Russie vise à donner un nouveau
souffle aux groupes terroristes pour
leur permettre de se réorganiser, mais
aussi d’effacer les traces de liens
entre les Etats-Unis et Daech ?
Certaines informations provenant de
diverses sources de renseignement
révèlent que des éléments de Daech ont
été exfiltrés suite aux bombardements
russes, qu’en pensez-vous ?
Brandon Turbeville :
Je pense que la raison principale
derrière le cessez-le-feu était une
tentative des puissances occidentales,
particulièrement des États-Unis, pour
faire gagner du temps aux terroristes en
Syrie, qui sont maintenant en fuite à
cause de l’aide russe fournie à l’Armée
Arabe Syrienne. Les connexions entre les
États-Unis et Daesh sont sous nos yeux –
depuis la campagne de bombardement
“inefficace”, les liens entre
pratiquement tous les autres groupes
luttant contre le gouvernement syrien
jusqu’à al-Qaïda et Daesh, et les
documents de la DIA divulgués qui ont
révélé que la création d’une
“principauté salafiste” était en fait le
désir des États-Unis et de leurs alliés.
Donc,
éliminer simplement des éléments
spécifiques des groupes terroristes
n’effacerait pas nécessairement les
connexions claires entre les États-Unis
et Daesh. Souvenez-vous que Daesh n’est
que la suite d’une série de changements
de noms opérés par al-Qaïda et al-Nosra,
pas une armée mystérieuse qui est
apparue au milieu du désert sans
avertissement.
Il est vrai que permettre
l’éradication des groupes désignés comme
ISIS pourrait satisfaire la curiosité de
certains, mais cela éliminerait
également la justification d’une
implication américaine directe en Syrie
et il est peu probable que les
puissances de l’OTAN veuillent que cela
se produise. Souvenez-vous aussi que
c’est un schéma que nous avons vu depuis
que les militaires syriens ont commencé
à lancer une série de contre-offensives
réussies il y a quelques années et
encore plus depuis la participation
russe. J’entends par là que chaque fois
que les terroristes – appelez-les comme
vous voulez : « ISIS », « Nosra » ou
« rebelles modérés » – commencent à
gagner du terrain, les puissances
occidentales crient pour qu’Assad
démissionne. Après, il n’y a pas de
négociations. Mais, lorsque l’armée
syrienne gagne du terrain, nous
entendons des appels incessants pour la
« paix » et des « cessez-le-feu ».
Comment expliquez-vous
l’engagement en Syrie de l’armée
saoudienne qui est en train de massacrer
en toute impunité au Yémen au vu et au
su de la planète. Ne pensez-vous pas que
l’Arabie saoudite envoie un renfort à
Daech ?
Bien sûr que l’Arabie Saoudite envoie
des renforts à Daech ! L’Arabie saoudite
a été l’un des principaux bailleurs de
fonds du groupe bien avant qu’il ne soit
nommé « ISIS » dans les médias
occidentaux. L’Arabie saoudite est
connue depuis longtemps comme un soutien
financier majeur, un défenseur, et un
chef du terrorisme. En ce qui concerne
leur engagement en Syrie, à mon avis,
qu’il soit directement saoudien ou
composé des forces qataries à
l’intérieur de la Syrie, ils ne sont
rien d’autre que des leurres et des
forces de dissuasion intermédiaires pour
les Russes et les Syriens. Le monde
entier a vu que l’Arabie saoudite et le
Qatar sont des tigres de papier
lorsqu’il s’agit de force militaire.
Aucun des deux pays n’aurait une chance
contre n’importe lequel des adversaires
sur le théâtre syrien. Mais ils peuvent
fonctionner comme États acteurs qui
justifieraient une plus grande
participation de L’OTAN s’ils étaient
bombardés par les Russes ou les Syriens.
Les forces du Golfe seraient donc
beaucoup plus que de simples renforts
pour ISIS et les autres organisations
terroristes connexes. Ils seraient des
« intouchables » commettant des actes de
guerre contre la Syrie, soutenant des
terroristes, et défiant les Russes ou
les Syriens de les frapper avec, comme
répercussions possibles, une réponse
militaire américaine ou de l’OTAN.
Vous évoquez 36 raisons pour
lesquelles Hillary Clinton ne devrait
pas être présidente. N’y en a-t-il que
36 ? Comment expliquez-vous la
médiocrité du débat des présidentielles
?
Il y en avait beaucoup plus que 36
mais, à un certain moment, un livre doit
avoir une fin si l’on veut le publier
avant les élections primaires, ce qui
était le but. Hillary Clinton est de
loin le candidat présidentiel le plus
odieux dans la course. Ses liens avec
Wall Street, les fondations, les ONG,
les oligarques, et des groupes de
réflexion sournois sont trop nombreux
pour être cités. Son soutien à chaque
guerre depuis qu’elle était première
dame, son assaut sur les droits
constitutionnels et ses nombreux
scandales, devraient la disqualifier
d’être légitimement considérée comme une
candidate à la présidence.
Je crois que les candidats semblent
médiocres parce que chacun d’entre eux
représente la continuation du système
actuel. Par exemple, pouvez-vous citer
celui qui ne soutient pas la guerre sous
une forme ou une autre ? Pouvez-vous en
citer un qui a un minimum de respect
pour les droits constitutionnels ? Vous
ne pouvez pas. Même les candidats les
plus radicaux en apparence comme Sanders
et Trump sont en faveur de « zones de
sécurité » en Syrie, essentiellement une
invasion militaire directe. Les deux
sont sélectifs dans leur soutien aux
droits constitutionnels avec Trump
démontrant une volonté de serrer la vis
contre le Premier Amendement et Sanders
prêt à sévir contre le Deuxième.
Il est également important de noter
que l’establishment ici aux États-Unis
semble favoriser Hillary Clinton comme
figure de tête. Ainsi, nous voyons une
poussée importante des oligarques
américains pour l’installer comme
présidente. Dorénavant, nous voyons
l’expression d’inéluctabilité qui lui
est attribuée par les républicains et
les médias traditionnels, la faiblesse
de Sanders dans les débats et dans sa
campagne contre elle, et la possibilité
que les candidats républicains comme
Donald Trump travaillent en fait pour
elle dans le camp républicain.
Essentiellement, les candidats sont
médiocres parce que le discours
politique américain est médiocre. Les
oligarques aux États-Unis se sont
assurés que les idées vraiment
originales ou celles qui ne reflètent
pas la position de l’oligarchie ne
réussissent jamais dans un débat
politique.
On a assisté au spectacle de
la COP 21 où les grandes puissances ont
affirmé qu’il était une réussite et que
les accords seraient respectés.
Pensez-vous qu’avec un capitalisme
carnassier et un impérialisme criminel,
peut-on aboutir à un quelconque accord
pour l’environnement ?
Je ne vois pas la réunion de la COP21
comme positive en aucune façon.
Particulièrement parce que les solutions
à la dégradation de l’environnement
s’appuient sur l’idée de réchauffement
global basé sur le CO2 artificiel
anthropogénique et ne proposent rien
d’autre que des mesures d’austérité
génocidaires qui réduisent radicalement
le niveau de vie du Premier Monde et
condamnent le Tiers-monde à rester dans
ses conditions actuelles. Ce qui est
tragique, c’est que cela ne doit pas
être ainsi. Les gens de la planète sont
très capables d’avoir leur gâteau et de
le manger quand arrive le plus haut
niveau de vie, de développement et d’un
environnement propre. Cependant, une
obsession avec la « science du climat »
erronée qui reproche au CO2 tout ce
qu’il y a sous le soleil et un système
mondial corporatiste qui éliminerait
chaque arbre de la planète si cela
permettait d’augmenter les profits se
combine pour fournir le pire des deux
mondes – l’austérité et le féodalisme
d’entreprise.
Ma suggestion pour les personnes de
bonne volonté est d’abandonner
l’alarmisme du CO2 et de se concentrer
sur des solutions réelles aux problèmes
du monde réel comme la déforestation, la
fracturation, la contamination
radioactive, les cultures génétiquement
modifiées, et similaires. Mettre fin aux
guerres impérialistes permettrait aussi
de fournir l’opportunité d’aborder les
questions environnementales. Mettre
l’accent sur un véritable développement
respectueux de l’environnement et sur la
réparation des dégâts déjà infligés
devrait être au centre de l’attention de
la communauté mondiale. L’argent est
déjà disponible pour cela pour toute
nation qui a le courage de nationaliser
sa banque centrale et d’utiliser un
stimulus de crédit à des fins de
recherche et de mise en œuvre.
À propos du virus Zika, on
parle d’une grande manipulation qui sert
les intérêts de groupes industriels et
différents lobbies. Quelle est votre
opinion ?
Le virus Zika représente une urgence
potentielle de santé dans le monde, mais
il représente aussi la possibilité que
certains lobbies – médicaux,
pharmaceutiques, vaccins, et bien
d’autres – tentent de générer la panique
pour l’augmentation de leurs profits. Il
est aussi possible que certains éléments
dans l’élite au pouvoir sont en train de
contribuer à augmenter l’inquiétude sur
Zika dans un but de distraction ou même
l’éventualité où beaucoup de sociétés
peuvent voir une répression
gouvernementale sur leurs libertés
civiles sous couvert d’une urgence de
santé publique. Souvenez-vous, il y a
seulement quelques mois, Ebola était
présenté comme la maladie qui nous
tuerait tous. Nous avons vu des
préparations pour les vaccins, des
quarantaines et une loi martiale
virtuelle. En février 2016, peu
d’Américains se souviennent de la peur
d’Ebola.
Quel bilan faites-vous des
deux mandats d’Obama, et s’est-il
affranchi des thèses des néocons ?
Obama a couru pour le bureau en 2008
dans ce que l’on pourrait presque
appeler une révolution de couleur. Il y
avait certainement des éléments bien
financés d’un culte de la personnalité.
2012 semblait représenter plus une
crainte de Romney de la part de
l’électorat qu’un soutien à Obama, qui,
pour certains, conserve encore son culte
de personnalité superstar. J’hésiterais
d’appeler cela un mandat, cependant.
En ce qui concerne les néocons, Obama
n’est pas différent d’un néocon. Ses
politiques sont essentiellement les
mêmes que George W. Bush et on aurait de
la peine à les différencier. Il n’y a
que dans la mise en œuvre que l’on
trouve des différences visibles. Par
exemple, les années de Bush ont été
marquées par l’invasion militaire
directe tandis qu’Obama est impliqué
dans le « bombardement humanitaire » et
les forces par procuration, mais le
programme global de l’impérialisme a été
maintenu. La répression sur les libertés
civiles domestiques a continué à une
vitesse croissante. Les néocons
eux-mêmes sont toujours visibles dans le
cabinet d’Obama. Tout cela est une
démonstration du fait que le bureau du
Président est devenu un simple poste de
marionnettes, où une élite dominante
change les figures de tête tous les
quatre à huit ans. L’ordre du jour de
cette élite avance simplement sous une
marque différente. Retenez mes mots, peu
importe qui sera élu, 2016-2020 ne sera
pas différent.
Interview réalisée par Mohsen
Abdelmoumen
Qui est brandon Turbeville ?
Brandon Turbeville est un auteur et
écrivain qui réside à Florence en
Caroline du Sud. Il est l’auteur –
archives articles ici – de sept
ouvrages :
Codex Alimentarius — The End of Health
Freedom,
7 Real Conspiracies,
Five Sense Solutions and
Dispatches From a Dissident, volume 1
et
volume 2,The
Road to Damascus: The Anglo-American
Assault on Syria, et
The Difference it Makes: 36 Reasons Why
Hillary Clinton Should Never Be
President. Il a aussi écrit plus de
700 articles sur des sujets portant sur
la géopolitique, le Moyen-Orient, la
Syrie, l’économie, la santé, la
corruption du gouvernement, et les
libertés civiles. Brandon a rejoint
l’équipe d’Anti-Media en tant
que journaliste indépendant en Juillet
2014. Turbeville a été interviewé par un
certain nombre d’organes de presse dans
les medias alternatifs autant
indépendants que grand public. Il a été
interviewé par PRESS TV, al-Etejah,
FOX, ITAR-TASS, LPR, et Sputnik
International. Il anime une
émission de radio hebdomadaire, Truth on
the Tracks, qui peut être écoutée chaque
lundi soir à 21 heures sur UCYTV.
Son site est :
BrandonTurbeville.com.
Published in English in American
Herald Tribune, February 16, 2016:http://ahtribune.com/politics/519-brandon-turbeville-daesh.html
In Oximity:https://www.oximity.com/article/Brandon-Turbeville-Les-connexions-entr-1
Reçu de l'auteur pour
publication
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