Algérie Résistance
Dr. Wayne Ross : « La peur créée
par l’existence précaire dans le monde
néolibéral décourage la pensée
critique »
Mohsen Abdelmoumen
Dr. Wayne
Ross. DR.
Vendredi 11 août 2017
English version here Mohsen
Abdelmoumen : Dans votre livre
« Néolibéralisme et réforme de
l’éducation », vous faites un constat
alarmant de l’ère du néolibéralisme.
Peut-on avoir une école du savoir sous
une politique néolibérale ? Tout
simplement, peut-on avoir une éducation
sous le joug néolibéral ? Le
néolibéralisme et l’éducation sont-ils
compatibles ?
Dr. Wayne Ross :
En bref, la réponse est non,
l’éducation et le néolibéralisme ne sont
pas compatibles. À l’origine, cette
incompatibilité résulte de la relation
contradictoire entre le capitalisme et
la démocratie, mais permettez-moi de
préciser ma pensée concernant
l’éducation et le néolibéralisme.Tout
d’abord, il est important de préciser ce
que nous entendons par le terme
éducation. Bien sûr, le fait de donner
et recevoir des instructions
systématiques dans les écoles et
ailleurs est un moyen essentiel par
lequel les politiques de la vérité sont
officiellement définies. Les écoles
publiques, c’est-à-dire les écoles
subventionnées par le gouvernement, ont
été et continuent à être profondément
contraires à la nature, des usines
d’illusion dont l’objectif principal est
la reproduction de l’ordre social
existant, où les idées dominantes
existent pour être mémorisées, répétées,
intériorisées et vécues.
Dans
l’enseignement, le néolibéralisme s’est
manifesté dans ce que l’éducateur
finlandais Pasi Sahlberg a baptisé le
Mouvement mondial pour la réforme de
l’éducation (GERM = Global Education
Reform Movement) qui comprend : une
concurrence accrue entre les étudiants
et les écoles ; la marchandisation de
l’éducation par le biais du «choix
scolaire» qui place les étudiants et les
parents comme des consommateurs dans un
marché de l’enseignement ; et des
systèmes puissants de responsabilisation
liés aux examens standardisés et à la
normalisation de ce qui peut être
enseigné et appris dans les écoles.
Cette réglementation de
l’entreprise/État et de l’administration
de la connaissance est un coup qui
permet aux «systèmes du pouvoir
irresponsable» (phrase de Chomsky) de
prendre des décisions intéressées en
apparence au nom du public, alors qu’en
fait, la plupart des membres du public
n’ont aucun mot à dire en ce qui
concerne les décisions qui sont prises
ou dans ce qui peut compter comme une
connaissance légitime. Ceci, bien sûr,
est déterminant et implique le contrôle
coordonné des processus pédagogiques
tels que l’établissement d’objectifs,
l’élaboration des programmes, les
examens, l’enseignement et l’évaluation
des enseignants, dont la gestion
fonctionne pour réduire non seulement ce
qui et qui peut revendiquer le statut de
connaissance «réelle» mais aussi qui y a
finalement accès.
Le GERM
commercialise (ou «dérégule») les
systèmes d’éducation publique, ouvrant
la voie à l’extraction de profits d’un
service public via l’administration de
l’école (organisations de gestion de
l’enseignement) ; des écoles offshore et
en vendant des sièges dans les écoles et
les universités sur le marché
international ; des régimes massifs
d’examens standardisés qui sont une
aubaine pour les éditeurs qui vendent
les examens et les manuels scolaires ;
en utilisant l’argent public pour
soutenir les écoles privées via des
bons, etc.
Alors que
l’éducation publique est imposée dans le
marché économique, le marché des idées
s’est éteint. Ce
qui existe ici est une connexion non
ambiguë
et puissante entre la régularisation de
la connaissance d’une part et la
(dé)régulation de l’économie de l’autre,
un effort conjoint des puissances
politiques, culturelles et économiques
(nommément pour le compte du public)
visant à étouffer la démocratie
populaire tout en augmentant
simultanément les bénéfices des sociétés
multinationales et les ultra-riches.
C’est un système reproductif et
circulaire, un régime
puissance-connaissance-économie dans
lequel les gains financiers de
quelques-uns sont renforcés par ce qui
peut compter comme connaissance scolaire
(et donc sociale), et dans lequel ce qui
peut être considéré comme savoir
est déterminé de manière à alimenter la
cupidité financière des entreprises.
Un exemple
remarquable est le programme d’histoire
où, comme l’affirme John Marciano dans
«Civic Illiteracy and Education»
(l’analphabétisme civique et
l’enseignement) «les étudiants sont mis
en quarantaine de la vérité de manière
éthique sur ce que les États-Unis ont
fait en leur nom». Cela est
particulièrement vrai en ce qui concerne
les agressions américaines perpétrées à
l’étranger et sponsorisées qui sont le
plus souvent présentées aux étudiants
comme des conséquences malheureuses ou
accidentelles de politiques
essentiellement humaines qui servent les
«intérêts nationaux», alors que ce qui
constitue ces derniers reste non
examiné.
Ceux qui
administrent l’économie dans leurs
propres intérêts sont ceux qui
réglementent la production et la
diffusion de la connaissance et vice
versa, tout en travaillant de manière
superficielle dans l’intérêt public,
mais excluant intentionnellement toute
implication publique authentique. Les
enseignants et les communautés scolaires
locales sont laissés sans l’autorisation
d’apporter leurs ressources collectives
pour intervenir sur une question aussi
importante que l’éducation de leurs
enfants. Les personnes qui connaissent
le mieux les enfants, soit les familles
et les enseignants, doivent céder la
place à un contrôle plus strict de ce
qui se passe dans les classes par des
personnes qui ne sont pas dans la salle
de classe ou même dans la communauté.
Malgré la rhétorique reliant le GERM aux
bénéfices pour tous dans la vaste
circonscription des écoles publiques, le
fait est que ceux qui réglementent à la
fois le savoir et l’économie travaillent
pour leurs propres agendas politiques et
économiques, agissant comme si le public
ne s’étendait pas plus loin que leurs
immeubles de bureaux sécurisés et leurs
communautés confortablement clôturées.
Votre constat
dans votre livre « Ecoles champs de
bataille » et vos propositions dans
votre ouvrage « Théories critiques,
pédagogies radicales, et éducation
sociale : nouvelles perspectives pour un
enseignement des sciences sociales »
sont éclairants. Pensez-vous que le
modèle de l’éducation aux États-Unis
soit réformable ?
Bien sûr, il existe
beaucoup de choses qui peuvent être
faites pour atténuer les effets
délétères que le néolibéralisme a sur
l’enseignement en Amérique du Nord et
au-delà, mais l’éducation en tant
qu’entreprise sociale, culturelle,
politique et économique ne peut être
réformée en dehors de l’hégémonie du
capitalisme néolibéral.
Devons-nous savoir
comment réformer l’éducation, les
écoles, l’enseignement, ou avons-nous
besoin d’une révolution éducative? Les
approches réformistes du changement
éducatif nous rapprochent-elles de la
révolution ou sont-elles une diversion?
Je ne crois pas que la réforme ou la
révolution soit une question de choisir
entre les deux, mais je ne crois pas que
le bricolage vers l’utopie soit une
stratégie réussie. Nous ne pouvons pas
découvrir ce qui devrait être la
recherche du cas, nous devons décider ce
qui devrait être le cas, comme l’a
précisé le philosophe Paul Taylor il y a
plusieurs décennies.
En effet, si nous
regardons la façon dont va le monde,
avec ses blessures de classe et les
misères aggravées des injustices et de
la discrimination comme la race, le
genre, la sexualité, la capacité, etc.,
nos décisions peuvent ne pas être
déterminées, mais quelle norme morale
nous permettrait de nous détourner de
l’examen critique des causes profondes
de l’exploitation, de la subordination,
de la dépendance et de l’insécurité qui
marquent la société capitaliste mondiale
et ses écoles? Le capitalisme et la
«logique du marché» ratifient,
reproduisent et approfondissent les
inégalités persistantes de richesse, de
revenu, de justice, de soins de santé et
d’éducation que nous trouvons en
Amérique du Nord et dans le monde
aujourd’hui. Par exemple, les Blancs
sont maintenant le groupe le plus séparé
dans les écoles publiques américaines,
fréquentant des institutions qui en
moyenne sont à 80 % blanches.
Les examens
standardisés ne sont pas le meilleur
niveleur qui est souvent présenté dans
la méritocratie mythique des écoles
publiques américaines. Au contraire, les
examens standardisés désavantagent les
enfants de couleur et les enfants
pauvres. C’est un désavantage qui
commence tôt dans la scolarisation de
l’enfant et se répète encore et encore.
Les étudiants noirs et latinos sont plus
soumis à des examens à haut risque – des
évaluations qui ont de sérieuses
conséquences sur les résultats – que
leurs homologues blancs (35 % des
Afro-Américains et 27 % des Latinos de
la 8ème année feront des examens à haut
risque par rapport à 16 % des étudiants
blancs).
Organiser les gens
pour le changement est un élément-clé de
l’action révolutionnaire, et Carl
Oglesby a observé que les
révolutionnaires «ne devraient pas avoir
peur de faire des réformes». Construire
des organisations (comme
Le
Rouge Forum dans lequel je suis
impliqué depuis deux décennies), former
des alliances avec des alliés pour
atteindre des objectifs à court terme,
et généralement être efficaces dans
notre travail dans les institutions
sociales, éducatives et politiques
telles qu’elles existent actuellement,
sont des éléments essentiels de ce que
signifie s’engager dans une action
révolutionnaire. Mais notre travail au
sein des institutions du capital (qu’il
s’agisse d’écoles, d’universités ou
d’autres organisations sociales et
éducatives) doit se faire avec un regard
aigu sur la façon dont, grâce à nos
activités quotidiennes, nous
reproduisons nos situations sociales,
les relations sociales et les idées de
la société.
Pouvez-vous nous
expliquer votre concept de « citoyenneté
dangereuse » qui est très présent dans
vos divers travaux.
La notion de
citoyenneté dangereuse est quelque chose
que j’ai développé avec l’un de mes
co-auteurs fréquents, Kevin D. Vinson.
Au début, nous nous sommes inspirés du
travail des Situationnistes et des
événements de mai 1968 à Paris. Nous
nous sommes demandé comment nous
pourrions utiliser le travail de Guy
Debord et Raoul Vaneigem en particulier
pour comprendre et répondre aux
contextes éducatifs contemporains.
Mai 1968 en France
a été un moment révolutionnaire visant à
transformer les aspects sociaux et
moraux de la «vieille société» et s’est
concentré en particulier sur les
établissements d’enseignement. Des
centaines de milliers d’étudiants
universitaires et leurs alliés – y
compris les lycéens, mais pas les
syndicats et la gauche établie – ont
pris les universités et ont lutté contre
la police et les militaires en invoquant
des slogans d’inspiration situationniste
tels que : Soyez réalistes, demandez
l’impossible (“Be realistic, demand
the impossible”). 1968 a vu des
rébellions étudiantes dans le monde, au
Mexique, au Brésil, en Argentine, au
Japon, en Europe et aux États-Unis. Dans
de nombreux cas, l’État a réagi
violemment. Au Mexique, la police et
l’armée ont occupé l’UNAM, la plus
grande université d’Amérique latine, et
ont massacré des centaines (peut-être
des milliers) d’étudiants à Tlatelolco.
Deux ans plus tard, en mai 1970, la
garde nationale de l’Ohio a tué quatre
personnes et blessé neuf autres lors de
manifestations anti-guerre et la police
du Mississippi a tué deux personnes et
blessé 12 étudiants qui protestaient au
Jackson State Collège.
Il est clair que
l’utilisation des droits démocratiques
populaires dans le but de transformer la
«vieille société» est une entreprise
dangereuse. Les écoles ont toujours visé
une certaine forme d’éducation sociale
ou citoyenne – aidant les étudiants à
devenir de bons et réels citoyens –
découlant principalement d’une vision
essentialiste du bon citoyen en tant que
connaisseur des faits traditionnels,
mais il y eu des tentatives de
développer une vision de reconstruction
sociale du bon citoyen comme agent de
changement social progressiste (et même
radical). Compte tenu de sa
préoccupation fondamentale à l’égard de
la nature de la société et du/des sens
de la démocratie, l’enseignement des
sciences sociales (c’est-à-dire
l’histoire, la géographie, l’éducation
civique) a toujours été un territoire
contesté dans la salle de classe et le
programme scolaire.
La citoyenneté
dangereuse consiste à élaborer un
programme consacré à la création d’un
enseignement qui lutte contre et
perturbe les inégalités et l’oppression.
La pratique de la classe qui est engagée
à explorer et à toucher les
potentialités de compréhension et
d’action et les possibilités d’éradiquer
l’exploitation, la marginalisation,
l’impuissance, l’impérialisme culturel
et la violence dans les écoles et la
société.
Essentiellement,
une citoyenneté dangereuse exige que des
personnes, en tant qu’individus et
collectivement, engagent des actions et
des comportements qui présentent
certains dangers nécessaires (comme les
étudiants en 1968, par exemple) ; elle
transcende les manœuvres traditionnelles
telles que le vote et la signature de
pétitions, etc. et s’efforce plutôt
d’adopter une mentalité d’opposition et
de résistance inspirée de la praxis, une
acceptation d’une certaine position
stratégique et tactique. Bien sûr, la
conséquence est que la citoyenneté
dangereuse est dangereuse pour un statu
quo oppressif et socialement injuste,
pour les structures hiérarchiques
existantes du pouvoir.
La citoyenneté
dangereuse incarne trois généralités
fondamentales, conjointes et cruciales :
la participation politique, la
conscience critique, et l’action
intentionnelle. Ses objectifs
sous-jacents reposent sur les impératifs
de résistance, de signification, de
perturbation et de désordre. En
substance, la citoyenneté dangereuse est
un conteneur conceptuel pour le
développement d’une critique radicale de
l’enseignement en tant que contrôle
social et une collection de stratégies
qui peuvent être utilisées pour
perturber et résister aux potentialités
conformes, antidémocratiques,
anti-collectives et oppressives de
l’enseignement et de la société.
Les postulats de la
citoyenneté dangereuse comprennent: (1)
la démocratie et le capitalisme sont
incompatibles ; (2) les enseignants et
les programmes ont été soumis à des
régimes politiques intensifs qui
attaquent la liberté académique et
découragent une analyse sociale
critique ; 3) les écoles capitalistes
sont destinées au contrôle social et à
convaincre les enfants d’être loyaux,
obéissants, respectueux et utiles aux
classes dirigeantes ; et (4)
l’obéissance civile, et non la
désobéissance, est le problème que nous
devons surmonter pour transformer
l’éducation et la société.
La citoyenneté
dangereuse conteste les hypothèses sur
l’état du monde et exige l’exploration
de questions qui rendent mal à l’aise :
compte tenu de ce que nous connaissons
sur le manque de démocratie aux
États-Unis et dans le monde
d’aujourd’hui, est-il même possible
d’enseigner pour une démocratie qui
n’est pas dominée par le capital ?
Avons-nous envie d’enseigner pour la
démocratie capitaliste ? Existe-t-il une
alternative ? Le concept de démocratie
est-il en faillite ? La démocratie
est-elle un concept et une pratique
récupérables ? Si la démocratie peut
être sauvée, alors il me semble que
l’enseignement sur la démocratie et pour
la démocratie dans les temps
contemporains ne peut pas être fait sans
engager les complexités et les
contradictions qui ont surgi pour
définir ce qu’est réellement l’existence
(ou la non existence) de la démocratie.
C’est une pratique qui doit être
comprise comme difficile, risquée, voire
dangereuse.
J’ai été longtemps
intrigué par la pédagogie publique du
comportement d’artistes politiquement
inspirés qui essaient de perturber la
vie quotidienne de manière créative
grâce à une résistance créative, tout
comme les Situationnistes, et je les
vois comme des imaginaires puissants
pour une pédagogie de la citoyenneté
dangereuse.
Dans votre
dernier livre « Repenser les sciences
sociales: pédagogie critique dans la
poursuite de la citoyenneté
dangereuse », vous avez affirmé que les
sciences sociales sont les plus
dangereuses de toutes les matières
scolaires. Pouvez-vous nous expliquer
pourquoi ?
Comme l’école, le
sujet des sciences sociales est plein de
contradictions séduisantes. Il recèle
des possibilités de questionnement et de
critique sociale, de libération et
d’émancipation. Les sciences sociales
pourraient être un domaine qui permet
aux jeunes gens d’analyser et de
comprendre les problèmes sociaux d’une
manière holistique – trouver et tracer
les relations et les interconnexions à
la fois présentes et passées dans le but
de construire une compréhension
significative d’un problème, de son
contexte et de son histoire ; pour
concevoir un avenir où les problèmes
sociaux spécifiques sont résolus ; et
prendre des mesures pour amener cette
vision dans l’existence.
Les sciences
sociales pourraient être un lieu où les
élèves apprennent à parler pour
eux-mêmes afin d’atteindre, ou du moins
s’efforcer d’atteindre, un degré égal de
participation et un meilleur avenir. Les
sciences sociales pourraient être comme
ça, mais ce n’est pas le cas.
Malheureusement, le plus souvent,
l’étude de l’histoire, de la géographie
et de la politique dans les écoles est
plus proche de la propagande pour le
statu quo.
Notre défi, en
particulier en ces temps du programme
normalisé et de la surveillance accrue
du travail des enseignants, est d’avoir
le courage de ré-imaginer nos rôles en
tant qu’enseignants et de trouver des
moyens de créer des opportunités pour
les étudiants afin de bâtir des
compréhensions personnelles
significatives du monde. Ce que nous
comprenons du monde est déterminé par ce
que le monde est, ce que nous sommes et
comment nous menons nos recherches.
L’enseignement ne consiste pas à montrer
la vie aux gens, mais à les lancer dans
la vie. L’objectif n’est pas de faire en
sorte que les étudiants écoutent des
conférences convaincantes d’experts,
mais de les faire parler pour eux-mêmes
afin d’atteindre ou du moins s’efforcer
d’atteindre un degré égal de
participation et un avenir plus
démocratique, plus équitable et plus
juste. Cette approche des sciences
sociales est potentiellement libératrice
et révolutionnaire.
En plus de vos
livres très instructifs, vous faites des
conférences à travers le monde pour
sensibiliser sur la thématique de
l’éducation. Comment évaluez-vous
l’impact de ces conférences ?
Les conférences à
elles seules ne changeront pas le monde,
c’est clair. Mais créer des liens avec
d’autres universitaires, enseignants et
étudiants est un élément-clé du travail
pour le changement. S’engager dans le
dialogue, les défis intellectuels
critiques, fait partie des processus
dialectiques du changement social.
L’enseignement transformateur ou
révolutionnaire est une construction qui
n’est jamais terminée.
Le dialogue avec
les collègues et les camarades
éducateurs est essentiel à la création
d’une communauté inclusive bienveillante
qui comprend qu’un préjudice fait à l’un
est un préjudice fait à tous. Cela fait
partie du credo du Forum Rouge, un
groupe d’éducateurs, d’étudiants et de
parents avec lesquels j’ai travaillé
pendant des années. Nous recherchons
tous une société démocratique et nous
nous rendons compte que, pour construire
un mode de vie plus démocratique, nous
devons unir les gens par de nouvelles
manières, à travers les divisions
sociales, raciales, sexuelles/de genre
et nationales, tout en faisant face à
une opposition qui est souvent
impitoyable. Les amitiés et la
solidarité sont aussi importantes que la
clarté théorique dans le projet de
transformation éducative et sociale, et
les organisations et conférences, de
cette manière, sont nécessaires mais pas
suffisantes.
Plus précisément,
les conférences du Forum Rouge
rassemblent un large éventail de
personnes à gauche du spectre politique,
y compris les libéraux, les verts, les
socialistes démocratiques, les marxistes
révolutionnaires et les anarchistes. On
peut en dire autant de la plus récente
Conférence internationale sur
l’éducation critique à Athènes, en
Grèce, qui comprenait des centaines de
participants d’Europe, d’Amérique du
Nord, d’Asie et d’Australie avec une
large représentation d’engagements
politiques à l’extrême gauche. Les
marques de ces conférences sont qu’elles
sont à la fois politiques et
pédagogiques, tout en prenant soin de
construire une communauté critique qui
englobe une diversité de points de vue
et en partageant certains objectifs
importants, par exemple, une plus grande
égalité, des relations plus
démocratiques au sein de l’humanité et
l’élimination du capitalisme.
Vous travaillez
en profondeur depuis des années sur les
questions de l’éducation et de la
pédagogie. Si vous aviez des
recommandations à faire à des pays du
Tiers Monde, comme l’Algérie par
exemple, mon pays d’origine qui a du mal
avec l’actuel modèle d’éducation et qui
peine à le réformer, même si vous ne
connaissez pas le cas spécifique de ce
pays, quelles seraient selon vous les
priorités ?
J’apprécie votre
question et je n’oserais pas suggérer
que j’ai une pleine compréhension des
problèmes politiques et éducatifs de
l’Algérie, mais je crois fermement en
certains principes fondamentaux de
l’éducation sur lesquels
j’ai écrit, y compris les objectifs
de l’enseignement, ce que les écoles
devraient viser, le sujet, la façon dont
nous apprenons, et le lien entre
l’instruction et le progrès social. Nous
n’avons pas le temps de couvrir tous ces
domaines mais je dirais que la plus
grande priorité de l’enseignement
devrait être la création d’une société
où les gens ont le pouvoir et la
capacité de faire leurs propres choix et
d’agir indépendamment en fonction de la
raison, et non de l’autorité, de la
tradition ou du dogme.
Peut-être le
facteur le plus important dans la
réalisation de cet objectif est le sujet
de l’enseignement, en gardant ceci à
l’esprit, ce sont mes croyances en
matière de connaissances et de programme
:
- La
connaissance provient et est
maintenue par les interactions
sociales et est développée à travers
le langage.
- La réalité est
conditionnée par les pratiques
humaines, elle est construite par
les individus dans l’interaction
dialectique avec les autres et avec
leur monde (c’est-à-dire à travers
l’expérience).
- Les vérités
sont relatives aux contextes.
- Le sens est
construit intérieurement et
socialement.
- Le savoir est
un processus d’interprétation
continu et dynamique.
- Les individus
ont le pouvoir et le choix mais ils
sont également contraints par des
interactions récursives entre
soi-même et le milieu/système
social.
- Il ne devrait
pas y avoir de restrictions sur le
sujet ou les thèmes inclus dans le
programme scolaire.
- La
connaissance approfondie du
programme prend la forme de
significations personnelles qui
expriment à la fois la vérité et
l’utilité (l’intelligence et une
position morale).
- Réduite à ses
éléments les plus fondamentaux, les
écoles devraient chercher à créer
des conditions dans lesquelles les
étudiants peuvent développer des
compréhensions personnellement
significatives du monde et
reconnaître qu’ils ont un pouvoir
pour agir sur le monde, pour faire
des changements.
- L’enseignement
ne consiste pas à montrer la vie aux
gens, mais à les lancer dans la vie.
L’objectif n’est pas de faire en
sorte que les étudiants écoutent des
conférences convaincantes d’experts,
mais de les faire parler eux-mêmes
afin d’atteindre, ou du moins
s’efforcer d’atteindre, un même
degré de participation et un
meilleur avenir.
Avec le travail
gigantesque que vous accomplissez au
niveau de l’éduction, les gouvernements
n’ont-ils pas intérêt à vous écouter ou,
au contraire, vos travaux dérangent-ils
l’establishment ?
Lorsque quelqu’un
au gouvernement examine mon travail, il
est fort probable qu’ils pensent qu’il
s’agit d’une perturbation des procédures
normales de fonctionnement. J’adopte
presque toujours une attitude critique
vis-à-vis des initiatives
gouvernementales, en particulier dans ma
province natale, la
Colombie-Britannique, qui est menée ces
16 dernières années par l’un des
principaux modèles de parti politique
néolibéral.
Foucault a déclaré
que faire la critique, c’est
rendre difficile les gestes trop faciles.
Les gouvernements comptent toujours sur
des explications faciles et simplifiées
pour les politiques publiques.
Par exemple, en Amérique du Nord, les
gouvernements ont longtemps affirmé que
l’augmentation des examens des élèves et
la responsabilisation des enseignants
conduiraient à une amélioration des
résultats scolaires. L’évidence, avant
et après la mise en œuvre des politiques
d’enseignement infectées par le GERM
montre autre chose.
Le bon enseignement
est semblable à la description de la
critique de Foucault, c’est un processus
qui consiste à aller sous la surface des
prétentions de connaissance et à
examiner de manière critique les
hypothèses sur lesquelles reposent les
prétentions. Éclaircir et essayer de
changer la pensée qui n’est pas
contestée, montrant que les choses ne
sont pas aussi évidentes qu’elles
semblent être.
Au Canada et aux
États-Unis, mon travail a été plus
orienté vers un engagement critique
envers les gouvernements via des
syndicats d’enseignants et des
coalitions populaires qui se concentrent
sur les expériences des étudiants
et des enseignants dans les écoles, y
compris les conditions d’apprentissage
ainsi que la nature du programme.
Je participe
actuellement à la création d’un groupe
de réflexion indépendant sur
l’enseignement à Vancouver, qui met
l’accent sur l’enseignement dans
l’intérêt public, c’est-à-dire des
enfants, des familles et des
communautés, par opposition à
l’enseignement pour créer des citoyens
conformes et répondre aux besoins de
l’industrie.
La pensée
critique est-elle bannie des universités
? À quelles fins, selon vous, l’Empire
cherche-t-il à offrir un enseignement
médiocre et au rabais ?
Eh bien, vous
pourriez le penser dans certaines
circonstances, mais non. La pensée
critique n’est pas interdite au sein de
l’université, mais il existe des
hégémonies disciplinaires et
institutionnelles qui menacent la
liberté académique et découragent la
pensée critique.
Le meilleur exemple
de l’hégémonie disciplinaire peut être
trouvé dans les départements
économiques, où l’économie est celle de
la période capitaliste néolibérale. The
Post-Crash Economics Society (PCES = la
société économique post-crash) a été
créée par un groupe d’étudiants en
économie à l’Université de Manchester
dans le but de remettre en question la
discipline et le programme de l’économie
dans les universités pour qu’ils soient
davantage liés à la réalité économique à
laquelle le monde est confronté. Le PCES
s’est développé dans un mouvement
international qui comprend des étudiants
de plus de 20 pays qui demandent un
programme d’études économique plus
ouvert, diversifié et pluraliste.
La formation des
enseignants aux États-Unis a également
été cooptée dans les objectifs du GERM,
avec des enseignants prêts à travailler
dans les écoles où le programme est
prédéterminé, où il y a peu de place
pour le pouvoir de décision
professionnel, et où l’accent est mis
sur la production de résultats élevés
des étudiants. Les emplois et
l’évaluation des enseignants sont liés
aux résultats des examens de leurs
élèves et maintenant les universités qui
produisent des enseignants sont évaluées
en fonction des résultats de leurs
élèves diplômés ! Ces deux situations
illustrent les restrictions sur la
pensée critique et la pratique au
sein de l’université, mais les étudiants
du PCES sont en train de tracer la voie
en termes de résistance des étudiants.
La liberté
académique est plus largement menacée
par des prétendues politiques de respect
du lieu de travail, l’exigence de
« déclencher des alarmes » pour alerter
les élèves sur des éléments qui
pourraient être considérés comme
« perturbateurs », et par l’intolérance
croissante sur le campus pour des
opinions sociopolitiques divergentes, ce
qui a entraîné la suppression de la
liberté d’expression sur le campus.
Au Canada et aux
États-Unis, ces nouvelles politiques qui
anticipent ou répondent à la législation
sur le lieu de travail et aux décisions
judiciaires, signifient que la liberté
académique et la charte ou les droits
constitutionnels se réduisent de manière
visible aux portes du campus. Le
Directeur exécutif de l’Association
canadienne des professeurs d’université
(ACPPU) a publié un mémorandum vers la
fin de mars 2009 pour conseiller la
vigilance : « Le test de ‘manque de
respect’ identifié dans ces politiques
est pour l’essentiel expérimental et
subjectif – des notions comme ‘sentiment
de honte’ ou ‘embarras’ apparaissent à
maintes reprises ». Il a affirmé par la
suite qu’« un problème majeur dans les
universités canadiennes n’est pas que
trop de gens affirment leur liberté
académique, mais qu’ils soient trop
peu ».
En ce qui concerne
le traitement des écoles et des
universités par l’Empire, eh bien, il
existe au moins des explications
fondamentales pour la qualité
d’enseignement offerte aux étudiants.
Tout d’abord, les politiques sociales
néolibérales en général visent à réduire
les dépenses publiques pour les services
sociaux tels que l’éducation et les
soins de santé. Par exemple, en
Colombie-Britannique, le règne de 16 ans
du gouvernement néolibéral (BC Liberals)
a entraîné des réductions massives du
financement scolaire, ce qui a donné
lieu à la perte d’emploi pour des
centaines d’enseignants, la fermeture
d’écoles et environ 5 milliards de
dollars d’entretien différé pour les
bâtiments scolaires. En 2001, le
gouvernement de la Colombie Britannique
a consacré 20 % de ses dépenses totales
à l’éducation, maintenant il dépense
seulement 11,8 % de son budget à
l’éducation et on estime que les parents
dépensent actuellement 132 millions de
dollars par année en subventions pour
l’éducation publique. C’est un exemple
de la façon dont le néolibéralisme
affecte les coûts sociaux aux individus.
Dans le même temps, le gouvernement de
la Colombie Britannique donne de
l’argent public pour subventionner les
écoles privées, dont beaucoup servent
les riches et facturent des milliers de
dollars en frais de scolarité. Nourrir
les riches, affamer les pauvres.
Deuxièmement, les
écoles publiques et les universités sont
maintenant considérées comme des canaux
qui fournissent les besoins des
entreprises et de l’industrie en capital
humain. Les écoles sont
des machines de triage géantes pour
certains, surtout les pauvres et les
étudiants de couleur, les écoles sont un
canal pour les prisons ou l’armée. Pour
d’autres, les écoles et les universités
ne servent qu’à l’acquisition des
compétences requises pour le travail,
non pas une instruction dans le sens de
l’illumination ou de la création d’une
compréhension personnellement
significative du monde. Et avec
l’insécurité de l’emploi, le bien-être
matériel et psychologique est compromis.
La peur créée par l’existence précaire
dans le monde néolibéral décourage la
pensée critique et encourage les
étudiants (et les enseignants et
professeurs) à se concentrer sur
l’enseignement pour survivre dans le
monde tel qu’il est. Dans ce sens alors,
le système éducatif fonctionne
réellement comme il est prévu par les
classes dirigeantes.
Vous êtes très
actif en étant à la fois professeur,
cofondateur et co-directeur de
l’Institut pour les études
d’éducation critique pour
lequel vous coéditez deux journaux
phares
Critical Education
et
Workplace: A Journal for Academic
Labor, vous
coéditez aussi
Logique culturelle,
un journal électronique de théorie et de
pratique marxiste, vous avez cofondé le
Forum Rouge et vous
intervenez souvent dans le journaux, les
radios, les télés etc. Cela constitue un
fameux parcours jalonné de grandes
réalisations. Un profil de professeur
tel que le vôtre, avec une pensée
critique et une exigence intellectuelle,
tend à disparaître à la faveur d’une
uniformité et d’une absence de rigueur
intellectuelle. Comment expliquez-vous
la régression actuelle du secteur de
l’éducation, et notamment dans
l’université qui est normalement un
symbole du savoir et qui produit l’élite
politique, économique, intellectuelle
d’un pays ?
Ce qui est ou n’est
pas publié dans des revues savantes
contribue largement à établir les
limites d’un domaine, légitimant
certaines perspectives et méthodologies
et sanctionnant négativement les autres.
Le premier manuscrit que j’ai soumis à
la revue la plus éminente dans mon
domaine a suscité une réponse ad hominem
idéologiquement motivée par les
critiques. En regardant en arrière, ce
manuscrit particulier était
problématique de plusieurs façons, mais
en ce qui concerne mon travail futur en
tant qu’éditeur de journal, cette
expérience m’a aidé à voir que la simple
préservation des discours dominants le
mettra sur un chemin de déclin
incurable, éloignant les chercheurs qui
se considèrent comme partageant les
préoccupations du terrain, mais qui
pensent différemment à leur sujet. Je me
suis efforcé de présenter aux lecteurs
des articles qui reflétaient à la fois
le domaine et ce qu’il pourrait devenir.
Mon activisme
politique a inclus un travail important
dans les syndicats de l’éducation, où
j’ai lutté avec d’autres pour le droit
des enseignants à une juste rémunération
et à des conditions de travail qui
soutenaient l’apprentissage des élèves.
Simultanément, j’étais militant de la
démocratie accrue au sein des syndicats,
préconisant un modèle d’organisation ou
un syndicalisme de mouvement social,
axés sur l’implication renforcée de la
base dans des campagnes de solidarité
populaire. Mon activisme syndical s’est
croisé avec mon activisme dans les
organisations académiques avant et après
la formation du
Forum Rouge et continue avec the
Institute for Critical Education Studies
(l’Institut d’études en éducation
critique) situé à l’UBC (l’Université de
la Colombie Britannique) et le groupe de
réflexion nouvellement formé, the
Institute for Public Education/BC
(l’Institut pour l’éducation publique
/Colombie Britannique).
En tant
qu’éducateur, j’ai toujours été
préoccupé par les institutions sociales
et comment elles contrôlent la conduite
humaine, en la canalisant dans une
direction par opposition à beaucoup
d’autres directions possibles. Les
caractéristiques de contrôle inhérentes
aux structures gouvernementales et
économiques, les relations sociales, les
systèmes d’éducation et les médias de
masse, par exemple, doivent être les
cibles d’une analyse critique soutenue
comme part de nos efforts pour réaliser
la démocratie. En conséquence, je suis
arrivé à comprendre qu’écrire pour la
presse populaire, est non pas une
activité secondaire, mais une partie
centrale de ce que cela signifie d’être
un éducateur engagé. Je suis apparu à la
télévision et à la radio et j’ai écrit
pour des quotidiens, des journaux
politiques, des périodiques syndicaux,
même des documents communautaires
hebdomadaires sur des questions allant
des examens à enjeux majeurs, aux normes
des programmes, aux écoles charters, au
financement public de l’enseignement, à
la liberté académique, aux droits du
travail, aux opinions étatiques sur
l’enseignement et sur le racisme. Si
nous limitons notre travail à la classe
en tant qu’éducateurs, nous aurons
probablement peu de succès, du moins en
termes d’objectifs qui découlent d’une
vision de l’enseignement des sciences
sociales comme une critique sociale
avertie encourageante.
La préoccupation
centrale des théories démocratiques de
tous types est la façon dont les gens
peuvent avoir l’information, les
connaissances et les forums de
communication et de débat nécessaires
pour régir efficacement leurs propres
vies. Les médias et les écoles sont des
médiums-clés dans la recherche d’une
société démocratique et si ces systèmes
sapent la démocratie, il devient presque
impossible de concevoir une société
démocratique viable. Ces deux
institutions semblent laisser tomber le
public. Mais il y a deux questions
essentielles dont nous devons toujours
nous souvenir lorsque l’on considère les
idéaux (et les échecs) de ces deux
piliers de la démocratie. Les questions
à poser sur les médias et les écoles
publiques sont : (1) pour quels intérêts
fonctionnent-ils ? et (2) ces
institutions fournissent-elles et
favorisent-elles une critique sociale
éclairée ?
L’engagement avec
les médias est, bien sûr, différent de
l’écriture ou de l’enseignement
universitaire, mais cela ne nécessite
pas une uniformité de pensée, ni ne
signifie que vous préparez le sujet à
discuter avec moins de rigueur
intellectuelle. L’écriture pour les
journaux ou l’entrevue à la radio ou à
la télévision nécessite que je me
concentre sur un seul point, mais cela
ne signifie pas simplifier. Observer une
position claire est généralement ce que
les médias recherchent de tout
contributeur. Fournir une information et
une analyse bien sourcées dans un
langage clair, puissant et direct est
toujours mon but, et je ne compromets
jamais mes propres engagements
politiques et intellectuels. Par
exemple, je suis souvent apparu dans les
médias qui analysent les luttes
syndicales entre le gouvernement et les
syndicats d’enseignants. La raison pour
laquelle je suis invité à contribuer est
mon expertise dans l’enseignement et mon
indépendance par rapport aux parties en
conflit. Bien que mes opinions
politiques soient toujours en faveur des
syndicats d’enseignants, mon analyse est
fondée sur des données probantes.
Mon expérience dans
l’écriture pour les journaux et dans les
contributions à la radio et à la TV est
bien plus que juste partager votre
opinion et passer à la question
suivante. Mes contributions dans les
médias ont entraîné des engagements plus
importants dans diverses communautés.
J’ai eu l’occasion de développer des
relations avec des éditeurs, des
journalistes, des gens qui pensent comme
moi et quelques uns qui ne le font pas.
Un résultat important pour moi
personnellement, c’est que ces
expériences m’ont ouvert des occasions
d’apprendre et de participer plus
activement à divers réseaux de militants
locaux et nationaux pour la justice
sociale, la démocratie et l’enseignement
progressiste. Et, bien sûr, j’espère
avoir apporté des contributions
substantielles au débat sur les
questions.
Les universitaires
poursuivent souvent des questions que le
public considère comme, eh bien,
simplement académiques. Mais comme Noam
Chomsky l’a écrit lors de la guerre des
États-Unis contre le Vietnam « il
incombe aux intellectuels de parler vrai
et de révéler les mensonges ». Je crois
en cette maxime et j’essaie d’assumer
cette responsabilité. Il est important
pour les universitaires de quitter les
confins de la tour d’ivoire et de se
joindre à la mêlée, si vous voulez.
Interview
réalisée par Mohsen Abdelmoumen
Qui est le Dr.
Wayne E. Ross ?
Le Dr. Ross est
professeur d’éducation à l’Université de
Colombie-Britannique à Vancouver, au
Canada. Auparavant, il a enseigné à
l’université en Caroline du Nord, en
Géorgie, en Ohio, à New York et au
Kentucky avant de rejoindre la faculté
de l’Université de Colombie-Britannique.
Il enseigne et
écrit au sujet de la politique du
programme, de la pédagogie critique, de
l’éducation des sciences sociales et du
travail académique. Il s’intéresse à
l’influence des contextes sociaux,
politiques et institutionnels sur la
pratique des enseignants. Ses recherches
et son enseignement se concentrent sur
le rôle des programmes et de
l’enseignement dans la construction de
communautés démocratiques qui sont en
mesure de remettre en question les
priorités et les intérêts du capitalisme
néolibéral qui se manifeste dans les
politiques éducatives et sociales qui
façonnent les expériences d’éducation
formelle et informelle.
Ces dernières
années, ses intérêts de recherche
principaux ont été l’influence des
normes éducatives et des mouvements des
examens à grands enjeux sur le programme
et l’enseignement. En étudiant les
conditions impressionnantes basées sur
la surveillance des écoles postmodernes,
son but a été de développer une
critique radicale de la scolarité en
tant que contrôle social et une
collection de stratégies qui peuvent
être utilisées pour perturber et
résister aux potentialités de scolarité
conformes, antidémocratiques,
anti-collectives, oppressives, pratiques
qu’il décrit comme citoyenneté
dangereuse.
Le Dr Ross est
cofondateur et co-directeur de l’ Institute
for Critical Education Studies et
coédite les journaux phares de
l’Institut Critical
Education et Workplace:
A Journal for Academic Labor .
Il a également
coédité la
Logique culturelle, en
ligne depuis 1997, qui est un ouvrage
ouvert, comprenant des essais
interdisciplinaires, des interviews, de
la poésie et des critiques faits par des
écrivains travaillant dans la tradition
marxiste.
Le Dr Ross a
beaucoup écrit pour les journaux
et les magazines sur des questions
d’éducation et des questions sociales,
et a contribué à de nombreuses émissions
de radio et de télévision. Son activisme
éducatif comprend un rôle-clé dans la
création du Forum
Rouge, un groupe d’éducateurs, de
parents et d’étudiants qui cherchent à
créer une société démocratique par le
dialogue et l’action directe. Le Forum
Rouge réunit des militants de
l’éducation dans divers projets et
parraine régulièrement des conférences
régionales et nationales.
Le Dr. Ross a écrit
de nombreux livres, dont les plus
récents : Ross, E. W. (2017), Rethinking
social studies: Critical pedagogy and
the pursuit of dangerous citizenship, Charlotte,
NC: Information Age Publishing; McCray,
N., & Ross, E. W. (Eds.) (2016) Working
for social justice inside and outside
the classroom: A community of teachers,
researchers, and activists, New
York: Peter Lang; Ross, E. W. (Ed.)
(2014) The social studies curriculum:
Purposes, problems, and possibilities (4th Ed.).
Albany: State University of New York
Press;
DeLeon, A. P., & Ross, E. W. (Eds.).
(2010). Critical theories, radical
pedagogies, and social education: New
perspectives for social studies
education. Rotterdam: Sense. [Winner
of the 2011 “Critics Choice Award” from
the American Educational Studies
Association]; Gabbard, D., & Ross, E. W.
(Eds.). (2008). Education under the
security state. New York: Teachers
College Press; Mathison, S., & Ross, E.
W. (Eds.). (2008). Battleground
schools (Vols. 1-2). Westport, CT:
Greenwood Press [Winner of the 2010 “Critics
Choice Award” from the American
Educational Studies Association];
Mathison, S., & Ross, E. W. (Eds.).
(2008). Nature and limits of
standards-based reform and assessment. New
York: Teachers College Press;
Ross, E. W., & Gibson, R. (Eds.).
(2007). Neoliberalism and education
reform. Cresskill, NJ: Hampton Press.
[Winner of the 2008 “Critics Choice
Award” from the American Educational
Studies Association].
Published in
American Herald Tribune, August 10,
2017: http://ahtribune.com/in-depth/1833-wayne-ross.html
Reçu de l'auteur pour
publication
Le sommaire de Mohsen Abdelmoumen
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