Ecologie
Les reculs sur le projet de loi Hulot
prouvent que
notre maison brûle et que nous votons
ailleurs
Maxime Combes et Nicolas Haeringer
Vue
aérienne du gisement de Lacq, dans les
Pyrénées Atlantiques
UIG via
Getty Images
Mercredi 11 octobre 2017
Source :
Huffpost La loi
Hulot sur les hydrocarbures, qui
doit-être votée par l'Assemblée ce 10
octobre, devait permettre de tenir les
engagements pris lors de la COP21.
"J'ai été élu pour
représenter les citoyens de Pittsburgh,
pas de Paris", affirmait Donald Trump au
mois de juin pour justifier sa décision
de sortir de l'Accord de Paris. En
citant la ville qui fut la capitale
mondiale du charbon et de l'acier, et
est désormais un emblème de la
"révolution" des gaz de schiste aux
États-Unis, Trump envoyait un message
clair: entre le climat et les intérêts
de l'industrie fossile, il avait choisi.
Un choix qui a le
mérite de montrer, par un effet de
miroir, l'horizon d'une politique
climatique ambitieuse: suivre le chemin
inverse de celui choisi par Trump.
Autrement dit: assumer de prendre des
décisions qui vont directement à
l'encontre de l'industrie fossile.
La loi Hulot sur
les hydrocarbures, qui doit-être votée
par l'Assemblée nationale ce mardi 10
octobre, devait jouer ce rôle. Celui
d'un symbole, d'un signal envoyé au
reste de la communauté internationale:
tenir les engagements pris lors de la
COP21 (maintenir le réchauffement au
plus près des 1,5°C) implique de
redonner aux États le pouvoir de dire
'Non'. Non aux projets de l'industrie
fossile, non à notre dépendance aux
hydrocarbures, non aux lobbies
industriels désireux de prolonger leur
rente aussi longtemps que possible, quel
qu'en soit le coût climatique et social.
Nous avions rendu
compte (1), en amont de la COP21,
du refus de la communauté internationale
d'envisager, si ce n'est une
interdiction, a minima des restrictions
à l'exploitation des énergies fossiles.
Nous nous attendions donc à ce que
l'industrie fossile réagisse et à ce que
les forces conservatrices déploient
toute leur énergie pour maintenir
l'existant –c'est-à-dire la possibilité
de forer toujours plus loin et plus
profond. En ouverture du débat
parlementaire, Nicolas Hulot exhortait
les députés à se montrer courageux, en
soulignant la dimension libératrice de
l'interdiction d'explorer et d'exploiter
des gisements d'hydrocarbures: son texte
de loi devait nous permettre de
"retrouver notre liberté -liberté de
renoncer à notre addiction aux
hydrocarbures".
Grâce à une
mobilisation rapide (plusieurs milliers
de messages envoyés aux député.e.s
siégeant dans les commissions "Affaires
économiques" et "Développement durable"
de l'Assemblée nationale) et à un gros
travail de plaidoyer de 350.org, des
Amis de la Terre, d'Attac France et des
collectifs en lutte contre l'exploration
et l'exploitation des hydrocarbures de
schiste et de couche, le texte de loi
était arrivé renforcé devant l'ensemble
des député.e.s.
Las, au gré
d'amendements d'un gouvernement et de
députés plus enclins à écouter les
tenants de l'immobilisme que ceux qui,
depuis des années, se mobilisent pour
"mettre fin aux énergies fossiles", le
projet de loi a été affaibli. Ainsi, par
exemple, la fin annoncée de
l'exploitation des énergies fossiles en
2040 est désormais assortie de trop
nombreuses exceptions: pour le gisement
de Lacq qui, toute proportion gardée,
est à la France pour le gaz ce que
Pittsbugh est aux États-Unis pour le
charbon, pollutions locales comprises.
Exception, également, pour les
concessions déjà délivrées dont le terme
va au-delà de 2040. Exception, toujours,
pour les concessions qui ne
permettraient pas aux industriels de
rentrer dans leurs frais à temps. Au nom
d'une conception datée de la "liberté
d'entreprendre" le gouvernement a
préféré protéger les droits des
industriels, plutôt que commencer à
résoudre le défi de ce début de 21e
siècle: faire en sorte que le droit des
affaires, notamment le droit minier et
la liberté d'entreprendre, soient enfin
soumis à l'impératif climatique.
Nicolas Hulot n'a
en effet cessé d'expliquer que le
gouvernement craignait une censure des
mesures contenus dans les amendements
allant dans le sens d'un renforcement du
texte, pour mieux justifier leur rejet.
Il met ainsi en évidence le fait que
notre droit (notamment le code minier et
son emblématique "droit de suite") n'est
pas adapté à notre époque et au défi que
représente la lutte contre le
réchauffement climatique. Il prouve
également que l'État avance plus
lentement que les juges, qui ont déjà
largement intégré le fait que le droit
de l'environnement devait primer sur les
intérêts des industriels. Il montre
enfin que l'État a une vision étriquée
du droit et de son évolution: le droit
n'est pas qu'une force conservatrice. Il
change, s'adapte, se transforme -par le
travail législatif et, parfois, dans des
rapports de force, par des conflits
d'interprétation. Bref: le droit n'est
pas une entité figée, mais un cadre
mouvant, dont l'appropriation sociale
n'est pas la moindre des dynamiques
transformatrices.
Les reculs du
gouvernement sur le projet de loi Hulot
nous montre que l'État n'a toujours pas
pris la mesure de l'état d'urgence
climatique dans lequel nous sommes. Il
ne s'agit pas du renoncement d'un homme
(Nicolas Hulot) qu'il faudrait vouer aux
gémonies, mais du symptôme d'un mal plus
profond. Nous continuons à faire de la
politique et à voter des lois comme si
le réchauffement climatique était une
menace abstraite, distante. Comme s'il
suffisait d'un peu de communication et
de quelques modifications à la marge de
cette fabuleuse machine à réchauffer la
planète qu'est notre système économique.
Comme Nicolas Hulot
le faisait (presque) dire à Jacques
Chirac, dans le discours que le premier
avait écrit pour le second, "notre
maison brûle et nous votons ailleurs".
(1)
Changement climatique: la
proposition dont aucun Etat ne veut
Le dossier écologie
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