Ecologie
Bloquer l'industrie
fossile, un impératif climatique
Mercredi 6 avril 2016
350.org, Attac
France, Alternatiba, Amis de la Terre,
Surfrider, ANV COP21 s'associent à
l'occasion de l'importante mobilisation
post-COP21 (actions de désobéissance,
blocage, rassemblement et manifestation)
qui se tient à partir d'aujourd'hui à
Pau, où ces organisations vont bloquer
un sommet international qu'accueille
Total visant à étendre l'exploration et
exploitation pétrolières et gazières
offshore.
Le 12 décembre dernier, en clôture de la
COP21, François Hollande n'avait
pas assez de superlatifs pour saluer
l'accord de Paris : « le monde a
écrit avec vous une nouvelle page de son
Histoire ! Nous entrons dans l’ère du
bas carbone. C’est un mouvement puissant
et irréversible et ce mouvement va bien
au-delà des Etats et des Gouvernements
(…). C’est la plus belle et la plus
pacifique des révolutions qui vient
d’être accomplie ». Pour Laurence
Tubiana, cheville ouvrière de l'équipe
de négociation française, l'accord de
Paris devrait être une « prophétie
auto-réalisatrice » : la
« révolution » de la COP21, entraînerait
les principaux investisseurs, qui
délaisseraient d'eux-mêmes les énergies
fossiles pour réorienter leurs
investissements vers les énergies
renouvelables et les technologies
propres.
Malheureusement, les révolutions,
même climatiques, ne se décrètent pas,
et les prophéties ne s'auto-réalisent
jamais. Au mieux, elles se construisent
pas à pas, avec force et détermination.
Le plus souvent, celles et ceux qui
n'ont pas intérêt au changement,
agissent pour que rien ne change. Faire
comme si la COP21 et les engagements
pris à Paris n'avaient jamais existé,
c'est exactement ce que les industriels
du pétrole et du gaz font. Ainsi, du 5
au 7 avril, Total, Shell, Exxon, Repsol,
BP, ainsi qu'une impressionnante liste
d'entreprises opérant dans
l'exploration, le forage et
l'exploitation en eaux profondes se
réunissent à Pau, à l'occasion d'une
conférence internationale sur les
hydrocarbures offshore. Objectif ?
Trouver les moyens d'obtenir « une
baisse significative des coûts pour que
l'industrie opérant en mer profonde
puisse rester compétitive » et ainsi
« développer l'extraction du pétrole
et du gaz en eaux profondes »,
malgré l'effondrement récent du prix du
pétrole. Au lendemain de la COP21, il
était espéré, et il eût été responsable
et judicieux, que les acteurs du secteur
de l'industrie des énergies fossiles,
lesquelles représentent 80 % des
émissions mondiales de CO2, se
réunissent pour tenir compte des
engagements pris lors de la COP21 et
pour entamer l'indispensable
reconversion bas-carbone de leurs
activités. Ce n'est manifestement pas
leur programme : pas un mot sur le
climat, sur la COP21 ou sur l'Accord de
Paris ne figure à l'ordre du jour de
leurs discussions. Les champions du
dérèglement climatique n'ont pas prévu
de sortir de l'âge des fossiles. Pire,
ils affirment que les énergies fossiles
resteront largement majoritaires dans le
mix énergétique mondial et ils se
montrent plus déterminés que jamais à
exploiter toutes les réserves possibles,
quel qu'en soit le prix environnemental
et sanitaire. Pourtant, les projections
des climatologues sont très claires.
François Hollande lui-même, reprenant
les résultats des dernières études et
rapports scientifiques, estimait en
juillet dernier, qu'un « accord sur
le climat signifie renoncer à utiliser
80 % des ressources d'énergies fossiles
dont nous disposons encore ».
Les majors du secteur, qui cherchent,
en toute connaissance de cause, à
repousser toujours plus loin et toujours
plus profond les frontières de
l'extraction des combustibles fossiles,
acceptent donc nécessairement un
réchauffement climatique très largement
supérieur à 2°C. Ce qui revient à
bafouer les objectifs fixés par
l'article 2 de l'Accord de Paris et à
planifier de nouveaux crimes climatiques
dont les populations les plus démunies
paieront le plus lourd tribut. Ce
constat ne fait plus débat : il est
étayé et dûment documenté.
Malheureusement, aucun dispositif
contraignant ne peut être actionné pour
soumettre les industriels à l'impératif
climatique : ils sont libres – et même
encouragés – à poursuivre leurs
investissements dans l'exploration et
l'exploitation de nouveaux gisements
fossiles. En entérinant le caractère
volontaire et non contraignant des
engagements pour le climat, l'accord de
Paris n'a pas changé la donne. Aucune
institution n'est chargée de jauger et
juger de la conformité « climatique »
des décisions des acteurs privés et
publics. Cette responsabilité est de
facto transférée à l'opinion publique
mondiale.
Alors que la température moyenne
mondiale du mois de février a été
enregistrée supérieure de 1,35°C à
celle observée sur la période
1951-1980, nous n'avons plus le temps de
tergiverser. Lors de la COP21, nous
avions symboliquement décrété
l'état d'urgence climatique. Nous sommes
désormais conduits à revendiquer une
forme d'état de nécessité "climatique",
justifiant d'intervenir à chaque fois
que des mesures et des projets sont
contraires à la stabilisation du climat.
Dans un arrêt de la Cour d'appel de
Colmar de 1957, cet état de nécessité
est défini comme « la situation dans
laquelle se trouve une personne qui,
pour sauvegarder un intérêt supérieur,
n'a d'autre ressource que d'accomplir un
acte défendu ». En raison de
l'inertie des pouvoirs publics et des
institutions internationales, avons-nous
d'autres solutions que de bloquer les
industriels qui bafouent les objectifs
fixés par l'accord de Paris ?
C'est au nom de cet impératif
climatique que nous appelons à nous
rassembler à Pau du 5 au 7 avril afin
d'exiger qu'il soit mis un terme à cette
fuite en avant extractive. Nous espérons
être entendus et ne pas être réduits à
devoir bloquer, un à un, tous les
projets climaticides de l'industrie
pétrolière et gazière. La « révolution
climatique », nous y croyons fermement.
Nous y tenons même. Et nous sommes
déterminés à ce qu'elle voit le jour.
Pas à pas, avec force et détermination,
nous agirons pour que cette prophétie
devienne réalité.
Les signataires :
Laureline Bourit (Amis
de la Terre), Pauline Boyer (Alternatiba),
Antidia Citores (Surfrider
Foundation Europe), Maxime Combes
(ATTAC), Olivier Dubuquoy (Nation
Océan), Txetx Etcheverry
(ANV-COP21), Nicolas Haeringer
(350.org)
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