France-Irak
Actualité
Qui bénéficie des milliards
promis pour la reconstruction de Gaza ?
Maureen Clare Murphy
Vendredi 17 octobre 2014
Par Maureen
Clare Murphy ( revue de presse :
Agence Media Palestine- 14/10/14)*
Une conférence de
donateurs qui s’est tenue au Caire
dimanche dernier pour la reconstruction
de Gaza dévastée par la guerre a affiché
un engagement total de 5,4 milliards de
dollars de la part de différents
gouvernements occidentaux et arabes.
En réalité, Israël
est le véritable bénéficiaire de cette
aide monétaire. La communauté
internationale, ainsi qu’elle se
proclame, a une fois de plus payé la
facture de la reconstruction de même
qu’elle arme Israël et l’assure de
l’impunité qui ne fait que récompenser
son assaut sur Gaza et garantit
essentiellement sa répétition.
« C’est la
troisième fois en moins de six ans,
qu’avec les habitants de Gaza, nous
avons été contraints de faire face à un
effort de reconstruction » a déclaré
un John Kerry exaspéré à la conférence.
C’est comme si, pour le secrétaire
d’État américain, le bain de sang de cet
été était tout sauf inévitable, vu tout
l’armement prodigué à Israël ajouté à
l’aide financière et à la couverture
diplomatique déployées depuis les
assauts d’envergure de novembre 2012 et
de l’hiver 2008-2009.
Les participants à
la conférence des donateurs ne font que
l’effort minimum leur permettant de
prétendre qu’ils donnent la priorité aux
survivants de Gaza, alors que plus d’un
sur mille des 1 800 000 Palestiniens de
Gaza, dont la plupart sont réfugiés, a
été tué.
L’Autorité
palestinienne, basée dans la ville de
Ramallah en Cisjordanie occupée, a déjà
annoncé que la moitié des engagements
financiers de la conférence de dimanche
ne parviendra même pas à Gaza.
Les engagements pour
Gaza détournés à Ramallah
Au contraire, ces
fonds seront détournés vers le budget de
l’Autorité palestinienne sur des postes
non spécifiés.
Bien que l’AP n’ait
pas dit comment elle va utiliser les
fonds levés à la conférence pour la
reconstruction de Gaza qu’elle s’est
réservés, « le secteur de la sécurité
s’est développé plus vite que n’importe
quel autre domaine de l’Autorité
palestinienne », au cours de la
dernière décennie, ainsi que l’ont noté
Sabrien Amrov et Alaa Tartir dans un
document de politique générale publié
par le think tank palestinien Al-Shabaka.
L’année dernière,
26% du budget de l’AP ont été consacrés
à la sécurité (en comparaison des 16%
pour l’éducation, 9% pour la santé et un
minuscule 1% pour l’agriculture qui est
historiquement la colonne vertébrale de
l’économie palestinienne). 44% des
fonctionnaires de l’AP sont employés
dans le secteur de la sécurité – plus
que dans tout autre, ont souligné Amrov
et Tartir.
L’Autorité
palestinienne – qui a déjà bloqué les
efforts pour porter les crimes de guerre
de Gaza cet été devant la Cour pénale
internationale – est dirigée par
Mahmoud Abbas, qui a récemment décrit la
collaboration avec les forces
d’occupation israéliennes en Cisjordanie
comme « sacrée ».
L’AP se saisit de
l’opportunité
Plus de quarante
Palestiniens ont été tués par les forces
israéliennes en Cisjordanie occupée
depuis le début de l’année ; quatorze
ont été tués pendant la même période en
2013. « La coordination de la
sécurité » est de toute évidence
concernée par la préservation des vies
palestiniennes.
Ainsi que l’ont
souligné Amrov et Tartir, « la
résistance armée naguère considérée
comme inséparable de la lutte
palestinienne pour l’auto-détermination,
est traitée par l’AP comme une forme
dissidente qui relève non simplement du
contrôle mais de l’éradication et de la
criminalisation.
Le paradigme actuel
de la coordination de la sécurité,
disent Amrov et Tartir, « est de
criminaliser la résistance contre
l’occupation et de laisser Israël –
et ses laquais – être seuls
détenteurs de l’usage des armes contre
une population sans défense.
Étant donné que
l’Autorité palestinienne qui fonctionne
comme la branche policière de
l’occupation israélienne, se positionne
elle-même comme l’opérateur de la
reconstruction de Gaza, cette position
sera certainement utilisée comme une
opportunité par ceux qui veulent
démanteler la résistance armée (qui a
défendu Gaza et a fait preuve d’une plus
grande discipline et d’une meilleure
capacité tactique que dans toutes les
confrontations antérieures avec Israël).
Bien que l’AP ait
joué des coudes pour mettre le
leadership du Hamas sur la touche à
Gaza, toute tentative de reconstruction
est soumise au final au pouvoir
d’Israël.
(il vaut la
peine de noter que l’Organisation de
Libération de la Palestine a déclaré à
l’Agence de presse Ma’an News dimanche
qu’aucune date n’a encore été fixée pour
démarre des projets de reconstruction à
Gaza).
Rappelant aux
observateurs qui est effectivement en
position de responsabilité, des
ministres de l’AP basés en Cisjordanie,
dont le Premier ministre Rami Hamdallah
se sont vu refuser par Israël des permis
d’aller à Gaza où Israël impose une
fermeture et un blocus économique,
renforcés par la conférence des
donateurs tenue en Égypte.
« Plus de 50 ans
pour reconstruire »
L’Agence d’aide
internationale Oxfam a mis en garde la
semaine dernière sur le fait que
l’argent promis à la conférence mondiale
des donateurs « va croupir sur des
comptes bancaires pendant des décennies
avant qu’il n’atteigne les gens, sauf à
ce que les restrictions sur les
importations imposées depuis longtemps
par Israël ne soient levées ».
L’importation de
matériaux de base pour la construction à
Gaza ayant été interdite à quelques
exceptions près depuis 2007 et les
tunnels d’approvisionnement sous la
frontière avec l’Égypte massivement
détruits, les Palestiniens sont dans
l’incapacité de reconstruire.
Oxfam a précisé que
« dans le cadre des restrictions et du
rythme des importations actuels, il
pourrait falloir plus de 50 ans pour
construire 89 000 nouvelles maisons, 226
nouvelles écoles, de même que des
équipements de santé, des usines, de
l’assainissement dont les habitants de
Gaza ont besoin.
Quel que soit le
montant levé auprès des donateurs
internationaux pour la reconstruction,
Israël détermine ce qui entre à Gaza et
ce qui en sort.
L’Agence des
Nations Unies pour la Coordination des
Affaires Humanitaires note dans un
récent rapport de suivi que des
cargaisons de matériaux de construction
apportés à Gaza le mois dernier étaient
« destinées à des projets
pré-approuvés par les autorités
israéliennes et dont la mise en œuvre
était confiée à des organisations
internationales à Gaza ».
La main mise
d’Israël sur l’économie de Gaza
s’applique aussi aux exportations – les
premiers camions transportant des biens
à l’exportation depuis juin sont les
deux seuls qui ont été autorisés le mois
dernier à traverser la zone de contrôle
commercial exercé par Israël.
Responsabilité ou
complicité
Le BNC, le
Comité Palestinien pour le Boycott, le
Désinvestissement et les Sanctions,
condamne le manque de pression
significative sur Israël pour l’arrêt du
blocus qui a mis à genoux l’économie de
Gaza avant même les destructions
perpétrées à Gaza cet été – au cours
desquelles 419 locaux professionnels et
magasins ont été endommagés et 128
complètement détruits.
Le BNC a déclaré
dimanche que « les promesses des
donateurs financiers n’exonèrent pas
Israël de sa responsabilité dans les
graves violations du droit international
dont il s’est rendu coupable, dont des
crimes de guerre et des crimes contre
l’humanité, pas plus qu’elles ne rendent
justice aux victimes palestiniennes ».
La déclaration
ajoute que « le blocus israélien et
les assauts militaires répétés contre la
bande de Gaza occupée font partie des
efforts systématiques d’Israël pour
séparer de façon permanente la petite
bande de Gaza de la Cisjordanie et pour
« se débarrasser » de sa population
palestinienne nombreuse, composée
principalement de réfugiés de la Nakba
de 1948, dont les droits et les
revendications sont restés sans réponse
en Israël ».
Le BNC critique les
agences internationales y compris celles
des Nations Unies et le Comité
International de la Croix Rouge pour
avoir agi dans le cadre de la politique
israélienne de séparation et de punition
collective.
S’ils n’adoptent
pas un embargo militaire global et
contraignant sur Israël, les États
donateurs, les agences internationales
et les organisations non
gouvernementales se rendent complices
d’une politique injuste et illégale de
punition collective ; c’est ce que le
BNC exprime clairement. Et il n’y a pas
de mécanisme de redevabilité envers le
public palestinien.
Abandonner Gaza
Face à cette
réalité, il est tragique mais non
surprenant que de jeunes Palestiniens de
Gaza, confrontés à un taux de chômage de
60%, aient perdu espoir et mettent leur
vie entre les mains de passeurs dans une
tentative pour se rendre en Europe et
avoir un avenir.
« Cela ne s’est
jamais encore produit… même aux pires
moments, les gens n’ont jamais considéré
la possibilité d’abandonner la bande de
Gaza », a dit Sarah Roy, qui a
étudié l’économie de Gaza pendant trente
ans, lors d’une interview fait par
Bettina Marx pour Deutsche Welle.
« La classe
moyenne a été réduite à néant » a
dit Roy.
Même le naufrage
intentionnel d’un bateau transportant
environ 500 passagers dont beaucoup de
Palestiniens de Gaza qui sont donnés
pour noyés pour la plupart, au large des
côtes de Malte le mois dernier, n’a pas
endigué la migration de masse de la
bande de Gaza via les tunnels
clandestins.
En août 2012 les
Nations Unies ont publié un rapport sur
la question de savoir si Gaza serait un
lieu vivable en 2020. Mais dès
aujourd’hui, Gaza est invivable.
Photo : Gaza
sous les bombes israéliennes
*Traduction SF
pour l’Agence
Media Palestine
Version orginale:
Who benefits million pledged Gaza
recontruction
© G. Munier/X.
Jardez
Publié le 17 octobre 2014 avec
l'aimable autorisation de Gilles Munier
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