La Plume à gratter
Edouard
Martin candidat PS aux européennes :
un petit jaune pour la déroute ?
Marc Leroy
Jeudi 19 décembre 2013
« L’ambition
souvent fait accepter les fonctions les
plus basses; c’est ainsi que l’on grimpe
dans la même posture que l’on rampe »
Jonathan Swift
Décidemment, avec la CFDT, il faut
s’attendre à tout.
On avait déjà eu Nicole Notat,
l’ex-secrétaire du syndicat qui s’était
« recyclée », devenant PDG de l’agence
de notation Vigeo en licenciant au
passage la fondatrice de l’entreprise,
mais aussi membre du Groupe de réflexion
sur l’avenir de l’Europe (un des
nombreux outils de propagande du Conseil
Européen), médiatrice au sein de la
SNCF, membre du conseil d’administration
de la Coface, membre du conseil de
surveillance du journal Le Monde, et
aussi et même surtout présidente depuis
2011 du très peu démocratique et
républicain club Le Siècle, le plus
important (et opaque) groupe d’influence
de l’oligarchie mondialiste à la
française, club de nantis et de « gens
qui comptent » qui se réuni une fois par
mois sous protection policière à l’hôtel
de Crillon (1), dans les locaux de
l’Automobile Club de France (2).
On avait eu ensuite son successeur à
la tête du syndicat François Chérèque,
fort heureusement nommé lui par
Jean-Marc Ayrault au début de l’année
2013 inspecteur général des affaires
sociales rattaché à l’IGAS en tant que
« superviseur du plan quinquennal de
lutte contre la pauvreté ». Une mission
qu’il prendra dès son entrée en fonction
à bras le corps, et pour des résultats
tout à fait spectaculaires… en ce qui le
concerne : Chérèque touche en effet pour
cette noble mission 7 257,55 euros net
par mois. Chapeau l’artiste. Mais comme
sa copine Nicole, l’ami François ne
s’arrête pas là : il est aussi depuis la
même époque le président du fameux think
tank Terra Nova (vous savez, celui qui,
par cynique calcul électoral, a incité
le PS à abandonner définitivement
l’électorat prolétaire parti vers le FN
pour se recentrer sur celui des bobos
citadins et des Français d’origine
immigrée). Cumulard en diable, Chérèque
est aussi depuis novembre 2013 président
de l’Agence du service civique, un
comité théodule chargé d’encadrer le
service civique des jeunes mis en place
sous Nicolas Sarkozy, qui avait nommé à
sa première présidence un autre
opportuniste de concours, Martin Hirsh.
Un poste rémunéré lui à hauteur de 9 200
euros net par mois. Chérèque gagne donc
au grattage et au tirage.
C’est aujourd’hui au tour d’Edouard
Martin de passer à la caisse. Le
charismatique, larmoyant et très
médiatique meneur CFDT de la révolte
ouvrière des hauts-fourneaux Arcelor-Mittal
de Gandrange et Florange, que l’on a vu
ces derniers mois crier sa colère et son
dégoût de la classe politique droite et
gauche confondues sur tous les plateaux
de télé de France, vient d’annoncer
(toujours à la télé, évidemment ! Quand
on est une star…) qu’il sera… candidat
dans le Grand-Est pour le PS aux
élections européennes de 2014 ! Candidat
mais surtout tête de liste, seul moyen
il est vrai d’assurer son élection dans
ce qui pourrait bien être une déroute
électorale pour le parti à la rose,
repoussant au passage à la seconde place
la hiérarque du Parti Catherine
Trautmann qui l’a tout de même un peu
mauvaise.
Et on peut le comprendre. Car un
poste de député européen, c’est au bas
mot 6 200 euros net de rémunération
mensuelle, plus 4 300 € d’indemnités de
frais généraux (toujours par mois), plus
300 € d’indemnité journalière de
« subsistance » par jour de présence !
Un pactole financier, une reconversion
professionnelle inespérée pour l’ancien
sidérurgiste, qui fera sans doute chaud
au cœur de ses anciens collègues.
En novembre 2012, Edouard Martin
disait encore vouloir être « le pire
cauchemar du gouvernement ». A la
même époque, il traitait Jean‑Marc
Ayrault de « traître » et jugeait
Harlem Désir « plat à en mourir
d’ennui ». Il ajoutait, désabusé en
diable : « Je n’avais jamais pensé
faire de la politique. Je porte sur elle
un regard très critique. Tant de
violence, tant de mauvaise foi ». Tu
l’a dit bouffi !
Mais tout ça, c’était donc « avant ».
Avant que le « plat » Harlem
Désir ne lui propose de rejoindre la
grande (et fort généreuse) famille
socialiste. « Il a beaucoup insisté »
précise innocemment Martin. Qui de son
côté n’a pas longtemps résisté. Pas plus
gêné que cela aux entournures
syndicales, notre gaillard s’est
empressé d’affirmer sur le plateau du
journal de France 2 qu’il « ne renie
rien de ce qu’il a fait ou dit »,
et que « le combat continue, pour
l’industrie ». C’est beau comme de
l’antique, on en pleurerait, tiens.
Toujours aussi déconnecté des
réalités du terrain, croyant avoir
réussi un joli coup médiatique, le PS
s’est aussitôt déclaré « fier »
de ce pathétique débauchage, supposé
sans doute permettre de renouer contact
avec une classe ouvrière partie depuis
un moment grossir, et pour une très
large partie d’entre elle comme on l’a
dit plus haut, le rang des électeurs du
Front National. « Je ne suis
pas dupe. J’imagine que c’est dans cet
esprit qu’ils ont pensé à moi » a
d’ailleurs osé déclarer l’ami Martin,
qu’une telle instrumentalisation
n’empêche apparemment pas de dormir.
Mais patatras ! Les premières
réactions à la trahison d’Edouard Martin
(si l’on met de côté celles de ses
proches collègues de la CFDT,bien-sûr !)
sont catastrophiques. Sur les réseaux
sociaux, c’est la curée. Colère, dégoût…
le roi est nu, l’idole est à terre. «
On ressent un certain malaise, on se
sent vraiment trahis » a
d’abord confié l’ancien secrétaire local
de FO à Florange, Walter Broccoli, autre
meneur médiatisé de la révolte des
sidérurgistes d’Arcelor-Mittal. Avant
d’ajouter, mardi sur Europe 1 : « On
a l’impression d’être cocus. Il nous
avait dit : je ne ferai jamais de la
politique ». Il y a fort à parier
que la cynique, l’obscène et supposée
juteuse opération « réussie » par le
Parti Socialiste ne tourne au final et
encore un peu plus à la Bérézina
électorale. Et c’est bien tout le mal
qu’on lui souhaite.
« Je ne suis pas dupe… ». Pas
dupe, mais volontaire tout de même,
donc, monsieur Martin. L’argent n’a
définitivement pas d’odeur, même pour un
ancien « héros de la cause ouvrière ».
Surtout lorsqu’il vient de la CFDT. « Syndicat,
caca » disait en son temps le
regretté Coluche. Il disait également « on
est cerné par les cons… mais on ne se
rend pas à quel point ». Par les
jaunes aussi, d’ailleurs… On ne prend
jamais les comiques assez au sérieux.
Marc LEROY- La Plume à
Gratter
(1) L’hôtel de Crillon est un des
plus anciens et des plus luxueux hôtels
au monde. Il est situé au pied des
Champs-Élysées, place de la Concorde. Il
est propriété depuis 2010 de la famille
royale saoudienne.
(2) L’Automobile Club de France (ACF)
est un club privé français de luxe,
réservé exclusivement aux hommes.
Publié le 19
décembre 2013 - Source :
La Plume à Gratter
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