L'art de la guerre
Ce n’est pas l’Otan mais la gauche
qui est « obsolète »
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci
Mardi 31 janvier 2017
Des voix influentes de la gauche
européenne se sont unies à la
protestation anti-Trump « No Ban No
Wall », en cours aux Etats-Unis,
oubliant le mur franco-britannique de
Calais en fonction anti-migrants, et
taisant le fait qu’à l’origine de
l’exode de réfugiés il y a les guerres
auxquelles ont participé les pays
européens de l’Otan.
On ignore le fait qu’aux Etats-Unis le bannissement bloque l’entrée de
personnes provenant de ces pays -Irak,
Libye, Syrie, Somalie, Soudan, Yémen,
Iran- contre qui les Etats-Unis
ont mené pendant plus de 25 ans des
guerres ouvertes et secrètes : des
personnes auxquelles ont été jusqu’à
présent concédés les visas d’entrée
fondamentalement non pas pour des
raisons humanitaires, mais pour former
aux Etats-Unis des communautés
d’immigrés (sur le modèle des exilés
anti-castristes) servant les stratégies
étasuniennes de déstabilisation dans
leurs pays d’origine. Les premiers à
être bloqués et à intenter une class
action (recours collectif) contre le
bannissement sont un contractor
(mercenaire) et un interprète irakiens,
qui ont collaboré longtemps avec les
occupants étasuniens de leur propre
pays.
Tandis que l’attention politico-médiatique européenne se focalise sur ce
qui se passe outre-atlantique, on perd
de vue ce qui se passe en Europe. Le
cadre est désolant.
Le président Hollande, voyant la France doublée par la Grande-Bretagne
qui récupère le rôle d’allié le plus
étroit des USA, se scandalise de l’appui
de Trump au Brexit en demandant que
l’Union européenne (ignorée par cette
même France dans sa politique étrangère)
fasse entendre sa voix. Voix de fait
inexistante, celle d’une Union
européenne dont 22 des 28 membres
font partie de l’Otan, reconnue par
l’Ue comme « fondement de la défense
collective », sous la conduite du
Commandant suprême allié en Europe nommé
par le président des Etats-Unis (donc
maintenant par Donald Trump).
La chancelière Angela Merkel, alors qu’elle exprime ses « regrets » » au
sujet de la politique de la Maison
Blanche envers les réfugiés, dans son
entretien téléphonique avec Trump
l’invite au G-20 qui se tient en juillet
à Hamburg. « Le président et la
chancelière -informe la Maison Blanche-
s’accordent sur l’importance
fondamentale de l’Otan pour assurer la
paix et la stabilité ». L’Otan, donc,
n’est pas « obsolète » comme avait dit
Trump. Les deux gouvernants
« reconnaissent que notre défense
requiert des investissements militaires
appropriés ».
Plus explicite la Première ministre britannique Theresa May qui,
reçue par Trump, s’engage à « encourager
mes collègues les leaders européens à
acter l’engagement de dépenser 2% du PIB
pour la défense, de façon à répartir la
charge plus également ».
Selon les données officielles de 2016, seuls cinq pays Otan ont un niveau
de dépense pour la « défense » égal ou
supérieur à 2% du PIB : Etats-Unis
(3,6%), Grèce, Grande-Bretagne, Estonie
et Pologne. L’Italie dépense pour la
« défense », selon l’Otan, 1,1% du PIB,
mais est en train de faire des progrès :
en 2016 elle a augmenté sa dépense de
plus de 10% par rapport à 2015. Selon
les données officielles de l’Otan
relatives à 2016, la dépense italienne
pour la « défense » se monte à 55
millions d’euros par jour. La dépense
militaire effective est en réalité
beaucoup plus élevée, étant donné que le
budget de la « défense » ne comprend pas
le coût des missions militaires à
l’étranger, ni celui d’armements
importants, comme les navires de guerre
financés avec des milliards d’euros par
la Loi de stabilité et par le Ministère
du développement économique. L’Italie
s’est en tous cas engagée à porter la
dépense pour la « défense » à 2% du PIB
(1), c’est-à-dire à environ 100 millions
d’euros par jour.
De tout cela la gauche institutionnelle ne s’occupe pas, pendant qu’elle
attend que Trump, à un moment libre,
téléphone aussi à Gentiloni (2).
Edition de mardi 31 janvier 2017
de il manifesto
https://ilmanifesto.it/non-la-nato-ma-la-sinistra-e-obsoleta/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
Notes pour la version française :
Paolo
Gentiloni, Président du
Conseil depuis la démission de Matteo
Renzi en décembre 2016, est membre du
Parti démocrate.
Pour la France : en 2016 budget
annoncé à 32 Md€, soit 1,77% du PIB et
87,7 millions d’euros par jour. Voir
aussi :
http://www.defense.gouv.fr/sga/le-sga-en-action/budget-finances-de-la-defense/budget.
Données Otan pour tous les pays membres
:
http://www.nato.int/nato_static_fl2014/assets/pdf/pdf_2016_07/20160705_160704-pr2016-116-fr.pdf
et
http://www.touteleurope.eu/actualite/la-contribution-des-etats-europeens-a-l-otan.html
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