L'art de la guerre
Le premier drone OTAN atterrit à Sigonella
L’Italie en première ligne dans la
“guerre des drones”
Manlio Dinucci

© Manlio
Dinucci - Capture
d'écran PalSol
Mardi 26 novembre 2019
Dans la base USA/OTAN de Sigonella
en Sicile a atterri, après 22 heures de
vol depuis la base aérienne de Palmdale
en Californie, le premier drone du
système Ags (Alliance Ground
Surveillance) de l’OTAN, version
potentialisée du drone USA Global Hawk
(Faucon global). De Sigonella,
principale base opérationnelle, cet
avion et quatre autres du même type de
pilotage à distance, pris en charge par
plusieurs stations terrestres mobiles,
permettront de “surveiller”,
c’est-à-dire d’espionner, de vastes
aires terrestres et maritimes de la
Méditerranée jusqu’à la Mer Noire.
Les drones OTAN téléguidés depuis Sigonella, en capacité de voler pendant
16 000km à 18 000 m d’altitude,
transmettront à la base les données
recueillies. Celles-ci, après avoir été
analysées par les opérateurs de plus de
20 sites, seront intégrées dans le
réseau crypté du Commandant Suprême
Allié en Europe, toujours un général USA
nommé par le président des États-Unis.
Le système Ags, qui
deviendra opérationnel dans la première
moitié de 2020, sera intégré avec la
plate-forme (Hub) de Direction
stratégique pour le Sud : le centre de
renseignement qui, dans le quartier
général OTAN de Lago Patria (Naples)
sous commandement USA, a la mission de
recueillir et analyser les informations
ayant trait aux opérations militaires
surtout en Afrique et Moyen-Orient.
La principale base de
lancement de ces opérations, effectuées
pour la plus grande part secrètement
avec des drones d’attaque et des forces
spéciales, est celle de Sigonella, où
sont déployés des drones USA Reaper
armés de missiles et bombes à guidage
laser et satellitaire. Les drones
d’attaque et les forces spéciales,
pendant qu’ils sont en action, sont
reliés, par la station Muos de Niscemi
(Caltanissetta), au système de
communications satellitaires militaires
à très haute fréquence qui permet au
Pentagone de contrôler, par son réseau
de commandement et communications, les
drones et chasseurs-bombardiers,
sous-marins et navires de guerre,
véhicules militaires et détachements,
pendant qu’ils sont en mouvement dans
n’importe quelle région du monde.
Dans ce même cadre opèrent les 15
Predator et Reaper et autres drones de
l’Aéronautique italienne, téléguidés
depuis la base d’Amendola dans les
Pouilles. Les Reaper italiens aussi
peuvent être armés de missiles et bombes
à guidage laser pour des missions
d’attaque.
Le système Ags, qui
potentialise le rôle de l’Italie dans la
“guerre des drones”, est réalisé avec
des “contributions significatives” de 15
Alliés : États-Unis, Italie, Allemagne,
Norvège, Danemark, Luxembourg, Pologne,
Roumanie, Bulgarie, République Tchèque,
Estonie, Lettonie, Lituanie, Slovaquie,
Slovénie. Le principal contractuel du
système est l’étasunien Northrop Grumman.
L’italien Leonardo fournit deux stations
terrestres transportables.
La “contribution”
italienne au système Ags consiste, outre
la mise à disposition de la principale
base opérationnelle, en la
coparticipation aux dépenses, avec
initialement plus de 210 millions
d’euros. 240 autres millions d’euros ont
été dépensés pour l’achat des drones
Predator et Reaper. Avec ceux qui
ont déjà été achetés et ceux dont on
prévoit l’achat, la dépense italienne
pour les drones militaires se monte à
environ un milliard et demi d’euros,
auxquels s’ajoutent les coûts
opérationnels. Payés en argent public,
dans le cadre d’une dépense militaire
qui va passer de la moyenne actuelle
d’environ 70 millions d’euros par jour à
environ 87 millions d’euros par jour.
Les croissants
investissements italiens dans les drones
militaires comportent des conséquences
qui vont au-delà de celles qui sont
économiques. L’utilisation des drones de
guerre pour des opérations secrètes sous
commandement USA/OTAN vide encore plus
le parlement de tout réel pouvoir
décisionnel sur la politique militaire
et de réflexion sur la politique
étrangère. Le Reaper italien (d’un coût
de 20 millions d’euros) récemment abattu
au-dessus de la Libye, confirme que
l’Italie est engagée dans des opérations
guerrières secrètes en violation de
l’Article 11 de notre Constitution.
Édition de mardi 26 novembre 2019
de il manifesto
https://ilmanifesto.it/italia-in-prima-linea-atterra-a-sigonella-il-primo-drone-nato/
Traduit de l’italien par M-A P.
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