Le choix du
Pentagone annoncé par Pinotti
L'Italie pôle européen des F-35
Manlio Dinucci
Photo:
D.R.
Samedi 13 décembre 2014
Pendant que l’Italie sombre dans la
crise et que les travailleurs descendent
dans la rue contre le gouvernement, la
ministre de la Défense Roberta Pinotti
annonce triomphante «ça y est, l’Italie
y est arrivée » : elle a été choisie par
le Pentagone comme « pôle de manutention
des vélivoles F-35 déployés en Europe,
aussi bien ceux achetés par les pays
européens que ceux étasuniens opérant en
Europe ». L’annonce a été faite par
Pinotti au terme d’une rencontre avec
l’ambassadeur étasunien à Rome, John
Phillips, qui lui a transmis la décision
du Pentagone. Décision en réalité
attendue puisque, comme le rappelle
Pinotti elle-même, le site Faco di
Cameri (Novare) a été conçu dès le
départ pour accueillir à la fois les
activités d’assemblage et d’essai et
celles de manutention, réparation,
révision et mise à jour du chasseur
F-35.
« C’est un résultat
extraordinaire » déclare la ministre, en
soulignant que « l’Italie, dans le
projet lancé en 1998, a décidé dès le
départ d’être un partenaire non
acquéreur ». Honneur au mérite
bi-partisan. Après la signature du
premier mémorandum d’accord par le
gouvernement D’Alema en 1998, c’est le
gouvernement Berlusconi qui a signé en
2002 l’accord qui a fait entrer l’Italie
dans le programme comme partenaire de
second niveau. C’est le gouvernement
Prodi en 2007 qui l’a perfectionné et a
envisagé l’achat de 131 chasseurs. C’est
le gouvernement Berlusconi en 2009 qui
en a délibéré l’achat. En 2012 c’est le
gouvernement Monti qui a « recalibré »
le nombre de chasseurs de 131 à 90 pour
montrer que, face à la crise, tout le
monde doit serrer la ceinture. En 2013
c’est le gouvernement Letta et en 2014
celui de Renzi qui confirment les
engagements de l’Italie dans le
programme F-35 chapeauté par
l’étasunienne Lockheed Martin, première
productrice mondiale d’armements.
« Un succès industriel
fortement voulu par la Défense », comme
le définit Pinotti, en assurant que le
choix de Cameri aura « des retombées
énormes pour l’Italie ». Que les
retombées soient énormes, ça ne fait pas
de doute. Reste à voir dans quel sens.
« L’établissement de Cameri à plein
régime fera augmenter notablement le
nombre de personnes directement
engagées », prévoit Pinotti. Mais elle
ne dit pas combien finissent par coûter
les rares postes de travail créés à
Cameri et dans la vingtaine
d’établissements qui produisent des
composants pour le F-35. Le site Faco di
Cameri, qui a coûté à l’Italie quasiment
un milliard d’euros, fournit du travail
à moins de mille employés qui, selon
Finmeccanica
[1], pourrait aller jusqu’à 2500 à plein
régime. Et, en annonçant le choix de
Cameri, le général étasunien Christopher
Bogdan précise, y compris en prévision
de dépenses ultérieures pour le
développement de l’établissement, que
« les pays partenaires du programme F-35
prennent à leur charge les
investissements de ces sites ».
L’ambassadeur Phillips rappelle
ensuite à Pinotti ce qu’elle a oublié de
dire : que « l’Italie tiendra parole sur
les 90 avions », c’est-à-dire sur
l’achat de 90 chasseurs F-35.
A un prix qui reste à quantifier.
L’accord stipulé en octobre par le
Pentagone avec Lockheed Martin pour
l’achat de 43 autres F-35, dont 2 pour
l’Italie, indique que « les détails sur
le coût seront communiqués une fois le
contrat stipulé ». L’Italie s’engage
donc à acheter d’autres F-35 sans en
connaître le prix. Selon une estimation
haute, déduite du budget du Pentagone,
le coût unitaire actuel est de 177
millions de dollars -équivalents à plus
de 140 millions d’euros- soit environ 13
milliards d’euros pour 90 chasseurs.
Lockheed assure que, grâce à l’économie
d’échelle, le coût unitaire diminuera.
Elle ne dit pas cependant que le F-35
subira des modernisations continuelles
qui feront gonfler la dépense. L’annonce
de Pinotti selon laquelle le F-35
« restera en activité pendant 30 ans
avec des révisions périodiques »
signifie ainsi que dans les prochaines
décennies d’autres milliards devront
sortir des caisses publiques pour
moderniser les 90 chasseurs achetés et,
certainement, pour en acheter d’autres.
Le général Bogdan prévoit pour
Cameri un avenir, à ses dires, plus
radieux encore que celui décrit par
Pinotti. « Etant donné que l’Italie
accroîtra la capacité de production du
site –estime-t-il- il est possible que
les USA et d’autres partenaires
construisent leurs avions à Cameri », en
collaboration avec la Grande-Bretagne.
Il explique ainsi que le choix de Cameri,
tout comme celui d’un site turc pour la
maintenance des moteurs des F-35, est dû
à divers facteurs, parmi lesquels « la
position géographique, la nécessité
opérationnelle et la distribution prévue
des avions ».
En d’autres termes, le général
Bogdan explique que l’Italie a été
choisie en tant que « pôle de
maintenance » des chasseurs F-35 parce
que le Pentagone prévoit de l’utiliser
encore plus comme porte-avions USA/Otan
en Méditerranée. « Nous avons montré que
nous sommes un pays crédible », conclut
Pinotti, fière du fait que le Pentagone
juge l’Italie fiable pour la guerre.
Edition de samedi 13 décembre 2014 de
il manifesto
http://ilmanifesto.info/tredici-miliardi-per-gli-f-35/
Traduit de l’italien par
Marie-Ange Patrizio
[1]
Principal
groupe industriel et
aéronautique italien
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