Opinion
Sénégal : Macky Sall
ou l'éthnicisme au Palais ?
Malao Kante
Macky Sall
- Photo:D.R.
Lundi 20 janvier 2014
L’arrivée de Macky Sall au pouvoir est
certes le fruit d’une large coalition
mais l’organisation de son Parti suscite
beaucoup d’interrogations. Dès les
premières heures de la création de
l’APR, certains avaient monté au créneau
pour signaler une dérive « éthiniciste »
du nouveau mouvement. A l’époque,
l’affaire était minimisée car c’était
des propos qui sortaient de la bouche
d’un président que plus personne
n’écoutait en l’occurrence Abdoulaye
Wade. Par la suite de plus en plus
d’analystes et de journalistes
interpellent Mr Sall sur cette question.
Etant dans une dynamique de ratisser
large, ce dernier nia complètement les
faits afin de mettre fin à la polémique.
Toutes fois, durant les élections voire
la période précampagne, on assista à une
grande mobilisation des partisans de Mr
Sall qui étaient essentiellement Peulhs.
C’est un fait et il faut oser le dire :
une grande première pour une élection
présidentielle. A l’intérieur comme à
l’extérieur du pays, Sall bénéficiait
d’un soutien inconditionnel de ses
« frères ». Partout en France (Mantes la
jolie, côte d’Azur etc.…), aux
Etats-Unis, au Gabon et j’en passe la
« communauté » s’organise comme pour
voir
dans l’élection de Macky Sall une fierté
ethnique. Ce qui est ridicule en soi et
est une insulte pour les autres
compatriotes. A cela s’ajoute le soutien
des personnalités halpuular telles que
certains milliardaires ou chanteurs.
Tout ceci a une odeur qui déplaît pour
un si grand pays. En Mauritanie,
l’arrogance et le mépris des maures à
l’égard des négro-africains peuvent
pousser une communauté à se replier ou
en Guinée on peut comprendre cela (sans
le cautionner) avec le candidat Diallo
compte tenu de l’histoire du pays et de
la souffrance de ces derniers mais pas
au pays de la Téranga.
Si Sall et ses proches continuent à
démentir (puisque le contraire serait
inadmissible), il se trouve que les
faits sont réels et dommageables. De
même que les observateurs politiques ont
constaté cela (ce qui lui a amené
d’ailleurs à y répondre personnellement
devant les journalistes comme on l’a
mentionné au début), de même que les
services de renseignement ont soulevé
cet état de fait. C’est ce qui poussa
l’ancien président et son parti à
pointer du doigt les agissements de Mr
Sall à l’époque. Aujourd’hui, il est
président et rien dans sa politique
(pour l’instant) ne justifie une
démarche ethnocentriste. Ce qui est
regrettable, c’est que désormais la
dimension ethnique risque de jouer
considérablement durant les futures
élections ; ce qui, à long terme, peut
installer dans le pays un climat de
suspicions et de tensions.
Aussi, Il est vrai de signaler qu’au
Sénégal, le problème ethnique est
jusqu’ici très bien géré politiquement
parlant. Cela paraît même être un tabou
au sein de l’administration. C’est un
problème qui est réel mais la maturité
des dirigeants politiques (à laquelle
s’ajoute celle des guides religieux) a
joué un rôle capital dans la
neutralisation du sujet. On continue
d’en parler et à y réfléchir mais plutôt
dans les cercles universitaires ou
durant certains séminaires. Ainsi, de
nombreux sociologues sénégalais ou
autres avaient décelé le problème et
avaient tenté de l’expliquer.
D’ailleurs, c’est ce qui amène certains
d’entre eux à expliquer la rébellion en
Casamance par des motivations ethniques.
Les groupes qui constituent cette partie
du pays (Diolas, mandingues, Bassaries,
Ballantes, Diakhankés etc…) se sentent
plus ou moins exclus de la sphère du
pouvoir.
Jusqu’à une époque récente, seules six
ethnies étaient reconnues comme
officiellement sénégalais (Soninké,
Wolof, Peulh, Sérère, Diolas, Mandingue)
les autres n’avaient pas une existence
administrative. Il a fallut l’avènement
de l’alternance (sous Wade) pour que le
gouvernement prenne en compte ceux qui
revendiquent une certaine
reconnaissance. Finalement, on est passé
de six à une trentaine de groupes
reconnus par l’Etat. Mais ce qui est
nouveau dans cette affaire, c’est la
politisation de l’appartenance. Les
politiciens irresponsables sont en
grande partie responsables de cette
atmosphère nauséabonde. Le Sénégal
bénéficie d’une très bonne réputation en
matière de cohésion sociale : chrétiens,
musulmans, noirs, maures et même blancs
partagent une vie quotidienne paisible
avec une langue unificatrice qui est le
wolof. Ce qui est une chance inouïe.
Mais lorsque Ch. A. Diop et d’autres ont
voulu élevé cette langue en langue
officielle de l’administration pour des
raisons qu’ils ont si bien développées,
d’autres y ont vu de la suprématie
identitaire et toutes sortes d’âneries
dont je ne souhaite même pas rappeler
ici. D’ailleurs, c’est à la suite de la
codification de la langue wolof que les
autres (comme par hasard) ont commencé à
inventer leurs écritures. D’un côté, ce
n’est pas mauvais en soi mais de
l’autre, les ambitions qui étaient
portées sur la langue wolof étaient de
loin plus salutaires.
MALAO KANTE
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