Le Saker
L’action de la Chine à Hong Kong
illustre
la fin de la supériorité américaine
Moon of Alabama

Dimanche 24 mai 2020
Par
Moon of Alabama − Le 22 mai 2020
Blâmer la Chine
pour la pandémie de Covid-19 est un
mensonge. Mais les États-Unis
continueront de le faire dans le cadre
de l’intensification de leur stratégie
anti-Chine.
Alors que les
États-Unis sont occupés à lutter contre
l’épidémie chez eux, la Chine l’a déjà
vaincue à l’intérieur de ses frontières.
Elle utilise maintenant le contexte pour
régler un problème que les États-Unis
exploitent depuis longtemps pour la
harceler. Hong Kong sera enfin libérée
de ses
racistes déguisés en libéraux et
soutenus par les États-Unis.
Fin 1984, la
Grande-Bretagne et la Chine ont signé un
accord officiel qui a approuvé la remise
à la Chine, en 1997, de la colonie
britannique de Hong Kong. La
Grande-Bretagne a dû accepter le pacte
parce qu’elle avait perdu la capacité de
défendre la colonie. La déclaration
commune sino-britannique stipulait que
la Chine créerait officiellement une loi
qui permettrait à Hong Kong de se
gouverner largement seule.
La «Loi
fondamentale de la région administrative
spéciale de Hong Kong de la République
populaire de Chine» est la
constitution de facto de la région
administrative spéciale de Hong Kong.
Mais c’est une loi nationale chinoise,
adoptée par le Congrès national du
peuple chinois en 1990, et introduite à
Hong Kong en 1997 après l’expiration du
régime britannique. Si nécessaire, la
loi peut être modifiée.
Le chapitre II de
la Loi fondamentale régit les relations
entre les autorités centrales chinoises
et la région administrative spéciale de
Hong Kong. L’article 23 de la Loi
fondamentale stipule que Hong Kong devra
mettre en œuvre certaines mesures de
sécurité intérieure :
La Région
administrative spéciale de Hong Kong
promulguera ses propres lois interdisant
tout acte de trahison, de sécession, de
sédition, de subversion contre le
gouvernement populaire central, ou de
vol de secrets d'État, afin d'interdire
aux organisations ou organes politiques
étrangers de mener des activités
politiques dans la Région, et
d'interdire à ces organisations ou
organes politiques d'établir des liens
avec des organisations ou organes
politiques étrangers.
Hong Kong n’a
réussi à créer aucune des lois exigées
par l’article 23. Chaque fois que son
gouvernement a tenté de mettre en œuvre,
même partiellement, ces lois en 2003,
2014 et 2019, des manifestations et des
émeutes à grande échelle dans les rues
de Hong Kong l’ont empêché.
La Chine était
préoccupée par les troubles dirigés par
l’étranger à Hong Kong, mais elle
n’insistait pas sur la question car elle
dépendait toujours de Hong Kong pour
accéder à l’argent et aux marchés.
En l’an 2000, le
PIB de Hong Kong s’élevait à 171
milliards de dollars, tandis que celui
de la Chine n’était que 7 fois plus
important, à 1 200 milliards de dollars.
L’année dernière, le PIB de Hong Kong a
presque doublé pour atteindre 365
milliards de dollars. Mais le PIB de la
Chine a plus que décuplé pour atteindre
14 200 milliards de dollars, près de 40
fois supérieur à celui de Hong Kong.
Exprimée en parité de pouvoir d’achat,
la divergence est encore plus grande. En
tant que débouché économique pour la
Chine, Hong Kong a perdu de son
importance.
Un autre facteur
qui a empêché la Chine de se mêler plus
profondément des affaires de Hong Kong
était sa préoccupation concernant les
conséquences négatives aux États-Unis et
en Grande-Bretagne. Mais sous
l’administration Trump, les États-Unis
ont introduit de plus en plus de mesures
pour entraver le développement de la
Chine. La loi sur les droits de l’homme
et la démocratie à Hong Kong,
adoptée l’année dernière par le
Congrès américain, exige que le
gouvernement américain fasse des rapport
sur la situation à Hong Kong et punisse
ceux qu’il considère comme des violeurs
des droits de l’homme. Les sanctions
contre les entreprises chinoises et en
particulier Huawei, récemment étendues à
un
blocus économique total des
livraisons de puces mises en œuvre
autour des technologies 5G de cette
société, montrent que les États-Unis
feront tout ce qui est en leur pouvoir
pour entraver le succès économique de la
Chine.
Le «pivot vers
l’Asie» de l’administration Obama
était déjà une mesure à peine déguisée
contre la Chine. La stratégie de défense
nationale de l’administration Trump a
ouvertement
déclaré que la Chine était « un
concurrent stratégique utilisant des
moyens économiques prédateurs pour
intimider ses voisins tout en
militarisant la mer de Chine
méridionale ».
Le Corps des
Marines des États-Unis est en cours de
reconfiguration en unités spécialisées
conçues pour
bloquer l’accès de la mer à la
Chine :
Ainsi, de petites
forces maritimes se déploieraient autour
des îles de la première chaîne d'îles en
mer de Chine méridionale, chaque élément
ayant la capacité de contester l'espace
aérien et naval environnant à l'aide de
missiles anti-aériens et anti-navires.
Collectivement, ces forces
affaibliraient les forces chinoises, les
empêchant de gagner le grand large et,
en fin de compte, dans le cadre d'une
campagne conjointe, les repousseraient
vers leur pays d'origine.

La « Guerre
froide 2.0 » lancée par les
États-Unis contre la Chine verra
désormais des contre-attaques
importants.
Les violentes
émeutes de l’an dernier à Hong Kong,
encouragées par les borgs de
Washington DC, ont démontré que le
développement à Hong Kong est sur une
mauvaise trajectoire qui pourrait mettre
en danger la Chine.
Il n’y a plus de
raison pour que cette dernière
s’abstienne de contrer ce non-sens.
L’économie de Hong Kong n’est plus
importante. Les sanctions américaines
arrivent indépendamment de ce que la
Chine fait, ou ne fait pas, à Hong Kong.
Les conceptions militaires américaines
sont désormais une
menace évidente.
Comme les lois que
Hong Kong était censé appliquer ne sont
pas venues, la Chine va maintenant les
créer et les appliquer elle-même :
Le gouvernement
central doit déposer une résolution
vendredi pour "permettre au sommet de
son principal organe législatif, le
Comité permanent du Congrès national du
peuple (NPC), d'élaborer et adopter une
nouvelle loi sur la sécurité nationale
sur mesure pour Hong Kong", a-t-il
annoncé jeudi soir.Des sources avaient
précédemment déclaré au Washington
Post que la nouvelle loi
proscrirait les activités
sécessionnistes et subversives ainsi que
l'ingérence étrangère et le terrorisme
dans la ville - c'est à dire tous
les développements qui troublaient Pékin
depuis un certain temps, mais sont
devenus plus pressants au cours de
l'année écoulée, avec des manifestations
anti-gouvernementales de plus en plus
violentes. ...
Selon une source du
continent connaissant bien les affaires
de Hong Kong, Pékin était parvenu à la
conclusion qu'il était impossible pour
le Conseil législatif de la ville
d'adopter une loi sur la sécurité
nationale pour mettre en œuvre l'article
23 de la loi fondamentale de la ville
compte tenu du climat politique. C'est
pourquoi il se tournait vers le NPC pour
en assumer la responsabilité.
Le 28 mai, le NPC
votera sur une résolution demandant à
son Comité permanent de rédiger une loi
pertinente pour Hong Kong. Elle devrait
être promulgué fin juin. La loi fera
partie de l’annexe III de la Loi
fondamentale qui énumère les « lois
nationales à appliquer dans la région
administrative spéciale de Hong Kong ».
En vertu de la
nouvelle loi, les États-Unis devront
cesser de financer l’organisation
étudiante, les syndicats
anti-gouvernementaux et les médias de
Hong Kong. Les partis d’opposition ne
seront plus autorisés à avoir des
relations avec les organes d’influence
américains.
Le Département
d’État américain a promptement
condamné cette mesure :
Hong Kong s'est
épanouie comme un bastion de la liberté.
Les États-Unis demandent instamment à
Pékin de reconsidérer sa proposition
désastreuse, de se conformer à ses
obligations internationales et de
respecter le degré élevé d'autonomie des
institutions démocratiques et les
libertés civiles de Hong Kong, qui sont
essentiels pour préserver son statut
spécial en vertu du droit américain.
Toute décision portant atteinte à
l'autonomie et aux libertés de Hong Kong
garanties par la Déclaration commune
sino-britannique et la Loi fondamentale
aurait inévitablement un impact sur
notre évaluation du concept "Un pays,
deux systèmes" et du statut du
territoire.
Nous sommes
solidaires du peuple de Hong Kong.
Ce n’est pas –
encore ? – la
guerre à venir (vidéo) contre la
Chine , mais des rodomontades
malheureuses qui ne sont que de la
rhétorique mais qui ont peu d’effet.
Aucune action américaine ne peut
empêcher le gouvernement chinois de
sécuriser son territoire. Hong Kong est
une ville chinoise où les lois
chinoises, et non le dollar américain,
sont suprêmes.
Les États-Unis
semblent croire qu’ils peuvent gagner
une guerre froide contre la Chine. Mais
cette idée est fausse.
Sur le plan
économique, ce ne sont pas les
États-Unis qui gagnent en se découplant
de la Chine, mais l’Asie qui se
découple des États-Unis :
Depuis le début de
la guerre technologique entre les
États-Unis et la Chine, en avril 2018,
avec l'interdiction dictée par
Washington d'exporter des puces vers la
société chinoise ZTE, la «désaméricanisation
des chaînes d'approvisionnement» est
le mot à la mode dans l'industrie des
semi-conducteurs.Taïwan, le Vietnam,
la Thaïlande et l'Indonésie ont acheté
environ 50% de produits chinois en plus
en avril 2020 qu'ils ne l'avaient fait
l'année précédente. Le exportations vers
le Japon et la Corée ont enregistré des
gains de 20%. Les exportations vers les
États-Unis ont augmenté en glissement
annuel, mais à partir d'une base 2019
très faible.
Les importations
chinoises en provenance d'Asie ont
également fortement augmenté.
Lorsque les
États-Unis interdisent aux sociétés qui
utilisent des logiciels ou des machines
américains de concevoir des puces pour
les vendre à la Chine, ces sociétés
chercheront à acheter ces logiciels et
ces machines ailleurs. Lorsque les
États-Unis tenteront d’entraver l’accès
de la Chine aux puces informatiques, la
Chine
construira sa propre industrie de
puces [elle a commencé avec des
processeurs ARM notamment, NdT].
Dans dix ans, ce seront les États-Unis
qui auront perdu l’accès aux techniques
les plus modernes alors que toutes
proviendront de Chine. Aujourd’hui déjà,
c’est la Chine qui
domine le commerce mondial.
La manière
chaotique dont les États-Unis gèrent
leur crise du Covid est observée de prés
à l’étranger. Ceux qui voient clair ont
reconnu que c’est maintenant la Chine,
et non les États-Unis, qui est la
superpuissance responsable. Les
États-Unis sont dépassés et continueront
de l’être pendant longtemps :
C’est pourquoi je
ne considère pas le débat sur une
éventuelle «guerre froide 2.0»
comme significatif ou pertinent. S'il
devait y avoir une sorte de «guerre
froide» entre les États-Unis et la
Chine, on peut compter sur les décideurs
de la bureaucratie américaine pour
commencer à planifier la façon de gérer
cette relation complexe avec la Chine.
Mais en réalité,
les options pour «gérer» le cœur
de cette relation sont pitoyablement
décharnés, car la tâche centrale de tout
leadership américain qui émergera de ce
cauchemar du Covid sera de gérer
l'effondrement précipité d'un Empire,
qui fait le tour du globe, au sommet
duquel les États-Unis sont installés
depuis 1945. ...
Alors ici, à
Washington, au printemps 2020, je dis,
laissez-les fanfaronner avec leurs
nouvelles flatulences de sinophobie
infantile. Qu'ils menacent de telle ou
telle version d'une nouvelle «guerre
froide». Laissez-les participer aux
élections - si elles doivent avoir lieu
- sur le thème de «Qui peut être le
plus dur avec la Chine». Mais la
froide réalité montre que, comme l'a dit
Banquo dans Macbeth, "c'est un
conte, raconté par un idiot, plein de
bruit et de fureur, qui ne signifie
rien."
Dans son
livre de 2003 Après l’Empire,
Emmanuel Todd a expliqué pourquoi les
États-Unis se dirigeaient vers la perte
de leur statut de superpuissance :
Todd fait calmement
et simplement le point sur de nombreuses
tendances négatives, y compris
l'engagement raté de l'Amérique dans
l'intégration socio-économique des
Afro-Américains, une économie boulimique
qui s'appuie de plus en plus sur de la
fumée et des miroirs et la bonne volonté
des investisseurs étrangers, et une
politique étrangère qui dilapide les
réserves de "soft power" du pays,
tandis que son comportement militaire de
pompier incendiaire rencontre une
résistance croissante.
La crise de la
Covid-19 a mis tout cela à nu pour que
tout le monde puisse le voir.
Les États-Unis,
comme Todd l’avait prédit, devront-ils
maintenant renoncer à leur statut de
superpuissance ? Ou vont-ils
déclencher une grande guerre contre
la Chine pour détourner l’attention et
prouver leur supériorité présumée ?
Moon of Alabama
Traduit par jj,
relu par Wayan pour le Saker Francophone
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