Russie politics
Sputnik et RT: Twitter foule aux pieds
les principes juridiques
Karine Bechet-Golovko
Mardi 31 octobre 2017
Twitter interdit de publicité les
agences d'informations russes Sputnik et
RT, sur la base d'un rapport des
services secrets américains commandé par
les Démocrates, qui ont financé une
agence pour le réaliser, qui elle-même a
utilisé un espion britanique. Et la
presse française lance l'information,
sans rien y trouver à redire. Autrement
dit, il est acceptable qu'une entreprise
privée rompe des contrats de manière
unilatérale en se fondant sur "un
rapport" très indépendant du
renseignement, sans décision de justice
pour des raisons idéologiques.
Le 26 octobre,
Twitter, compagnie privée, décide :
d'interdire à RT et
Sputnik, ainsi qu'à tous les comptes
Twitter associés, l'accès à des
campagnes
de promotion de contenus,
comme cela est largement proposé aux
autres médias.
Le message est
diffusé par
Twitter:
La presse française
reprend laconiquement l'information. De
manière très lapidaire pour
l'Express par exemple, ou plus
détaillée pour
20 minutes, qui prend au moins la
peine de présenter les arguments de la
partie adverse russe. Mais dans tous les
cas, aucune remise en contexte et
surtout aucune analyse. Comme si la
froideur d'un fascicule descriptif
devait garantir l'objectivité. A moins
que la réflexion ne fasse peur.
Par exemple, aucun
mot sur le scandale qui touche H.
Clinton et les Démocrates qui se
trouvent, selon les révélations du très
systémique
Washington Post, à la source très
directe de l'enquête au sujet des
soi-disant collusions entre Trump et la
Russie.
Une enquête à
charge qui a été confiée à une compagnie
privée et qui n'a rien de très
objective. Pour 12 millions de $ la
compagnie Fusion GPS a constitué un
dossier sur mesure. Que l'on a retrouvé
quasiment à l'identique par la voie des
services américains.
Trump estime qu'il faut engager la
responsabilité de H. Clinton. Il faut
dire que selon
The New York Times,, un espion
britannique a été chargé dès 2016 de
monter un dossier contre Trump - ce qui
n'est pas de l'ingérence?
The resident and
his allies have argued for months that
the investigations are politically
motivated. They have challenged the
information contained in the dossier,
which was compiled by a former British
spy who had been contracted by the
Washington research firm Fusion GPS.
The letter that was
filed in court said that Fusion GPS
began working for the law firm, Perkins
Coie, in April 2016. Written by the
firm’s general counsel, Matthew J.
Gehringer, the letter said that Fusion
GPS had already been conducting the
research “for one or more other clients
during the Republican primary contest.”
Ces subtilités
n'intéressent manifestement pas les
médias français. Passons. Mais le fait
qu'une entreprise privée puisse prendre
ce type d'interdiction, sans décision de
justice, sur le fondement de rapports
partisans relevant de la politique
intérieure américaine, ne dérange pas
non plus. Aucune remarque, aucune
analyse.
Y aurait-il une raison de penser que Twitter s'arrête en si bon chemin et ne
bloque toute personne ou institution qui
aurait le mauvais goût de contrevenir
aux intérêts américains? De son
côté, le porte-parole du Kremlin, D.
Peskov, soulève très justement cette
dérive :
«La société crée de
facto un précédent de discrimination
envers ses clients, ce qui pourrait sans
aucun doute susciter des inquiétudes et
des craintes chez d’autres utilisateurs
de ce réseau [social]», a regretté
l'attaché de presse de Vladimir Poutine.
«Nous espérons que la société examinera
plus en détail cette situation et en
tirera la conclusion que le travail des
médias libres, ce qui comprend
incontestablement RT et Sputnik, ne peut
pas être qualifié d’ingérence dans les
processus électoraux des Etats-Unis ou
tout autre pays»
Dans cette logique,
pourquoi ne pas interdire les comptes de
personnes officielles, qui se prononcent
sur la politique américaine? Pourquoi
s'arrêter à Twitter? Facebook pourrait
aussi rejoindre ce grand mouvement de "libération"
d'internet et interdire les comptes
dérangeants, par exemple celui de la
porte-parole du ministère des affaires
étrangères russe. Où est la limite,
quelle frontière ne sera pas
transgressée?
Internet était présenté comme un lieu de
liberté. De liberté totale, c'est-à-dire
se trouvant soi-disant en dehors du
contrôle de l'Etat. Ce mythe aussi est
tombé. Il était possible tant qu'une
seule idéologie y était dominante, sans
contre-poids réel. Maintenant, sous
couvert d'ingérance des médias russes,
c'est un combat contre les autres points
de vue, contre ce qui ne correspond pas
à la vision du monde atlantiste.
Et l'on voit bien que sur internet comme
ailleurs, la liberté s'arrête là où
commencent les intérêts stratégiques de
l'idéologie atlantiste globaliste.
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