Russie politics
Russie: Le ministre de l'économie
interpellé
pour corruption dans la privatisation de
Bachneft
Karine Bechet-Golovko
Mardi 15 novembre 2016
Le ministre russe de l'économie et du
développement vient d'être interpellé et
est en ce moment interrogé par le Comité
d'enquète pour flagrant délit de
corruption: il est accusé d'avoir
extorqué sous la menace 2 millions $
aux dirigeants de Rosneft afin de
donner son accord à la privatisation de
Bachneft. L'on se souviendra de ses
grands discours sur ce fameux "climat
d'investissement", les lois du marché et
autres slogans contemporains. S'il a pu
faire cela avec Rosneft, c'est-à-dire I.
Sechin, imaginons ce qui a pu se passer
avec des hommes d'affaires ayant moins
de carrure politique ... Mais le
couperet est tombé et tous les
politiques de répéter en coeur: tous
égaux devant la loi. Les temps ont
changé, la Russie d'aujourd'hui ne peut
pas se permettre ce genre d'individus.
Selon le
Comité d'enquête, Alekseï
Oulioukaïev a été interpellé le 14
novembre au soir, en flagrant délit,
suite à une enquête sérieuse menée
contre lui et les preuves sont solides.
Elles résultent, notamment, des écoutes
téléphoniques dirigées contre lui et son
entourage. Il en a résulté que, pour
mener à bien la privatisation de
l'entreprise pétrolière Bachneft, le
ministre de l'économie a exigé, sous
peine de rétorsion, une somme de 2
millions $ aux dirigeants de Rosneft.
A.
Oulioukaïev est actuellement
interrogé par le Comité d'enquête, qui
déclare toutefois que la transaction de
la privatisation elle-même ne fait pas
l'objet de l'enquête.
La seule personne qui estime que son
arrestation n'était pas nécessaire est,
sans grande surprise, le chef de
l'association des entrepreneurs, A.
Chokhine, qui se déclare choqué par
la nouvelle et estime qu'une assignation
à domicile aurait très bien pu suffir,
n'excluant pas non plus une provocation.
Il est vrai que pour lui, le business
est sacré, donc le ministre aussi...
Position toutefois très étrange, car par
ce comportement, le ministre de
l'économie porte atteinte aux intérêts
économiques du pays, et donc au
business, mais la réflexion de Chokhine
ne peut manifestement faire ce lien. Et
pourquoi ces gens qui appellent tant à
la lutte contre la corruption sont les
premiers effarouchés lorsqu'elle est
réelle?
Toute la classe politique est unanime:
il ne peut y avoir de passe-droit, la
lutte contre la corruption n'est pas un
vain mot. Le président de la chambre
basse du Parlement, V.
Volodine, déclare que chacun doit
être égaux devant la loi, le président
du comité du Sénat pour les relations
international, déclare que, comme
l'expérience le montre avec les
gouverneurs ou les vices-ministres,
s'amuser à prendre de l'argent de cette
manière est comme jouer à la roulette
russe, le couperet tombe.
Le porte-parole du Président affirme que
V. Poutine a été tenu au courant depuis
le début de l'enquête. Et c'est alors
que l'on se souvient de la
procédure de privatisation de Bachneft.
Dès le départ, le Président avait voulu
exclure du cercle des acquéreurs les
entreprises étatiques et c'est pourquoi
en août les opérations furent
suspendues. Mais fin septembre, I.
Chuvalov, vice Premier ministre, ne voit
aucune raison pour restreindre les
droits de Rosneft, entreprise détenue à
plus de 60% par l'Etat, dans la
privatisation de Bachneft et le 10
octobre D. Medvedev, le Premier
ministre, met officiellement 50,755% du
capital de Bachneft en vente. Et malgré
la position présidentielle, Rosneft
s'est adressé au Gouvernement pour
obtenir l'autorisation de participer à
la privatisation. Autorisation obtenue.
Cette démarche a, semble-t-il, quelque
peu surpris le Kremlin. Car, lors du
Forum international économique
d'octobre, lorsqu'une question est posée
à V. Poutine sur cette transaction, il
déclare:
Vous savez, peut être que cela vous
semble étrange, j'ai moi-même été un peu
surpris par la position du Gouvernement.
Mais c'est effectivement la position du
Gouvernement de la Fédération de Russie,
avant tout de son bloc
économico-financier.
L'on
comprend mieux la déclaration de D.
Peskov, oui le Kremlin était au courant
de l'enquête depuis le début.
Imaginons ce que ce type d'individus,
venus d'un autre âge, a pu faire
d'autres, contre des compagnies qui
n'avaient pas les ressources politiques
pour se défendre contre un ministre. En
tout cas, le signal lancé est très clair
et parfaitement bien perçu par les
acteurs du système politico-économique:
cela ne fait pas partie des pratiques
admissibles. En ce qui concerne
concrètement A. lioukaïev, ce ne sera
certainement pas une grande perte pour
l'économie russe et surtout pour son
développement. En dehors de cette
affaire de corruption, l'on se
souviendra de ses prognostics d'une
puissance de réflexion épatante: si ça
ne se dégrade pas, ça va s'améliorer.
Voyons maintenant qui entrera dans ce
bloc économico-financier, qui ne fait
pas la popularité du Gouvernement auprès
de la population, en attendant le
vice-ministre A.
Vedev remplira temporairement ces
fonctions.
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