Russie politics
L'équipe de Trump:
quelle est l'ampleur du compromis?
Karine Bechet-Golovko
Mercredi 11 janvier 2017
A moins de 10 jours de l'entrée en
fonction du nouveau Président des Etats
Unis, l'équipe Obama continue la
politique d'Attila, adoptant de
nouvelles sanctions contre la Russie,
multipliant les déclarations rageuses.
Si la Russie a décidé de ne pas prendre
trop au sérieux l'hystérie de cette
Administration sortante, il ne faut pas
pour autant sous-estimer l'impact de ces
démarches. Si Obama part, les sénateurs
et membres du Congrès soutenant ce type
de politique, eux, restent. Et leur
influence est encore forte, comme le
montre le processus de confirmation de
l'équipe Trump.
Obama
vient d'élargir la liste des personnes
sanctionnées par cette fameuse
liste Magnitsky, dont nous n'avions
plus entendu parler depuis bien
longtemps. Mais l'instrument existe, il
serait dommage de s'en priver. Il s'agit
de prendre des mesures coercitives
contre des personnes concrètes sans
enquête ni décision de justice. Ne
serait-ce que sur ce plan, la démarche
n'est pas digne d'un état de droit, mais
c'est un détail. Sur le fond, qui
confirme la forme, 5 nouvelles personnes
russes sont donc touchées. Notamment,
l'on retiendra le député LDPR Lugovoy,
qui n'a aucun rapport avec l'affaire
Magnitsky et le chef du Comité
d'enquête, qui a en quelque sorte rang
de ministre. Mettre sur une liste
politique une personnalité de cette
ampleur est une première et montre le
dérapage du procédé. Ce dérapage a été
rendu possible par l'adoption d'une loi
faisant de "Magnitsky" un prête-nom,
puisqu'il s'agit de pouvoir mettre dans
cette liste n'importe qui, de n'importe
quel pays, sur le principe de
l'universalité.
Pour
continuer dans la série des sanctions, 3
sénateurs républicains, dont
l'infatigable McCain, et 2 sénateurs
démocrates, ont présenté un
projet de loi visant à fortement
bloquer les échanges économiques entre
la Russie et les Etats Unis, échanges
qui constituent un des éléments du
programme de Trump. Il s'agit, par
exemple, de limiter la participation des
entreprises et particuliers américains
aux privatisations russes, à l'achat de
titres et bons du Trésor. Il s'agit
également de porter un coup à la
coopération en matière pétrolière et
gazière, ce qui touche l'équipe Trump
directement. sans parler de la
possibilité de prendre des sanctions
individuelles contre toute personne
ayant un rapport avec une "violation des
droits de l'homme" - notion très vague -
ou en lien avec la corruption sur le
territoire de la Fédération de Russie.
Le projet de loi parle également de la
condamnation de toute action entraînant
la reconnaissance du statut de la
Crimée, de l'indépendance de l'Abkhazie
et de l'Ossétie du Sud.
Ainsi,
la ligne politique "anti-russe", quitte
à porter atteinte aux intérêts
américains, est une ligne défendue
au-delà de l'appartenance à un parti.
C'est pourquoi l'on y retrouve au coude
à coude et des républicains et des
démocrates. C'est une question de vision
du Monde: défendre le monde unipolaire
et la domination américaine ou non.
Et
l'audition de Rex
Tillerson au poste de Secrétaire
d'Etat par le Sénat s'inscrit dans ce
paradigme. Evidemment le candidat est
dépendant de l'accord trouvé entre Trump
et le Sénat sur toute une série de
questions. Pour cela, plus de trois
cents rencontres avec des sénateurs ont
été organisées en amont. Il a fallu
négocier. Dans quelle mesure un
compromis a été trouvé et quel
compromis, il est encore trop tôt pour
le dire. Mais R. Tillerson prend un ton
assez combatif. Il est attendu sur deux
questions: le changement climatique et
la Russie. Sur le
changement climatique, il est à la
fois dépendant des déclarations de Trump
remettant en cause l'existence de ce
phénomène et de sa propre activité
industrielle. Sur la question de la
Russie, sa position est encore plus
sensible, puisqu'il est largement accusé
dans la presse d'être pro-russe et
d'entretenir des intérêts commerciaux
avec la Russie, donc le Kremlin.
Ses
déclarations attendues à l'égard de la
Russie, selon le
Washington Post, lors de l'audition
n'en sont que plus virulentes. Il
reproche notamment à la Russie de ne pas
respecter les intérêts américains.
Depuis quand un pays souverain doit
respecter les intérêts d'un autre pays
souverain, automatiquement, comme ça,
comme un dû?
“While
Russia seeks respect and relevance on
the global stage, its recent activities
have disregarded American interests,” he
will testify. “Russia must know that we
will be accountable to our commitments
and those of our allies, and that Russia
must be held to account for its
actions.”
Et
donc la Rusie est bien un danger:
“Russia today poses a danger, but it is
not unpredictable in advancing its own
interests. It has invaded Ukraine,
including the taking of Crimea, and
supported Syrian forces that brutally
violate the laws of war,” his statement
reads. “Our NATO allies are right to be
alarmed at a resurgent Russia.”
Pour
autant, il appelle au dialogue avec la
Russie:
“We
did not recognize that Russia does not
think like we do,” he will say. “Words
alone do not sweep away an uneven and at
times contentious history between our
two nations. But we need an open and
frank dialogue with Russia regarding its
ambitions, so that we know how to chart
our own course.”
Autement dit, il tente le grand-écart,
position qui ne peut être que
transitoire, avant de n'en traîner la
chute. Le focus va être également tourné
vers la Chine ou l'Iran qui ne
respectent pas, selon les Etats Unis,
leurs engagements.
Il y aura donc bien matière à
négociation, et la Russie en fera
partie. Car D. rump n'a pas été élu
avec le Parti républicain, mais contre
le Parti Républicain. Or, il ne pourra
gouverner contre, il est obligé de faire
des concessions.
Et
même si, en ce qui concerne la Russie,
il est personnellement prêt au dialogue,
il a présenté pour le Pentagone un
russophobe convaincu, restaurant cet
"équilibre" qui existaient déjà sous
Obama entre Kerry plutôt favorable au
dialogue, courcircuité par le Pantagone.
Autrement dit, la Russie n'a pas à
attendre de la part de Trump de
changements radicaux dans les premiers
temps. La situation peut ne pas se
dégrader, car il n'y a réellement aucune
volonté politique d'aller encore plus
loin, mais le passif qui lui est laissé
par Obama est lourd, il va mettre du
temps à le résorber et la situation
intérieure est pour lui beaucoup plus
importante que la Russie. Donc si
amélioration il y aura, il y a des
chances qu'elle soit lente et longue.
Le sommaire de Karine Bechet-Golovko
Le
dossier Russie
Les dernières mises à jour
|