Opinion
Gaz de schiste : le Sahara en danger ?
Gilles Munier
Mardi 10 juin 2014
Quelle mouche a
donc piqué le président Abdelaziz
Bouteflika pour qu’il autorise
l’exploitation du gaz de schiste au
Sahara, alors qu’il y a deux ans
Abdelmalek Sellal, son Premier ministre,
ne l’envisageait qu’« à l’horizon
2040 » ? Ce revirement à 180°
signifie-t-il que les dangers liés à son
extraction par fracturation hydraulique
ont diminués ? Non, selon la majorité
des experts. Une rumeur persistante fait
état d’un accord secret conclu par
Laurent Fabius, ministre français des
Affaires étrangères, avant la dernière
élection présidentielle algérienne. En
échange de quoi ?
En 2005, aux
Etats-Unis, on se doutait déjà de ce qui
risquait de se passer en propulsant de
l’eau additionnée de sable et de
produits chimiques à 3500 mètres sous
terre. Pour éviter des procès liés à la
pollution de l’environnement, Dick
Cheney avait fait voter une loi
exemptant de poursuites judiciaires les
entreprises pratiquant cette technique.
Et pour cause : aujourd’hui dans
certaines parties de la Pennsylvanie,
l’eau du robinet contient de l’arsenic,
de l’aluminium, des molécules
cancérigènes, et la proportion de
méthane dans l’air a augmentée
dangereusement. En juin 2013, Delphine
Batho, ministre française de l’Ecologie,
déclarait qu’outre le stockage de 3
milliards de mètres cubes d'eau polluée
à l’air libre aux Etats-Unis, des nappes
phréatiques étaient polluées au mercure,
et que l’exploitation du gaz de schiste
avait déclenché des séismes de 5 sur
l’échelle de Richter. Ce n’était pas
rien, mais suffisant pour que François
Hollande déclare le mois suivant qu’il
n'y aura pas d'exploration du gaz de
schiste en France tant qu’il sera
président. Ces dangers seraient-ils
moindres en Algérie ?
La société Total
a été retenue pour exploiter – je dis
bien « exploiter » - le gaz de
schiste au Sahara. Elle va, c’est
normal, y expérimenter de nouvelles
techniques de fracturation. C’est le vœu
de Ségolène Royal, ex-compagne de
François Hollande devenue ministre de
l’Environnement et de l’Energie, qui a
affirmé le 23 mai dernier que la France
n’est plus contre l’exploitation du gaz
de schiste « si de nouvelles
technologies non dangereuses
apparaissent»… sous-entendu : à
condition de les chercher ailleurs qu’en
France. Libre aux gouvernements français
et algérien d’avoir la mémoire courte en
matière de pollution du Sahara : les
conséquences des essais nucléaires des
années soixante sur l’environnement et
la population, sont pourtant toujours
présentes. Au Sahara, ne serait-il pas
plus logique et rentable d’investir dans
le solaire ?
On n’arrête pas le
progrès, mais on sait aussi que l’appât
du gain de certains est difficile à
contenir ! La décision d’exploiter le
gaz de schiste en Algérie – 11
forages pour commencer… avec beaucoup de
précautions, a dit prudemment M. Sellal
- va très certainement rapporter
gros à un petit nombre d’entreprises et
d’individus. A moins de la découverte
finale d’un procédé miracle, ce sera au
prix de grands risques et à court terme,
car aux Etats-Unis on est passé à autre
chose. Après un boom digne de la Ruée
vers l’or et des dégâts conséquents
sur l’environnement, les entreprises qui
exploitaient ce gaz le gaz de schiste
ont mis « la pédale douce », ou
fait faillite. La société Total est bien
placée pour le savoir, l’expression est
de son PDG Christophe de Margerie.
Résultat : Total s’est
pratiquement retirée du marché
étatsunien… en y laissant des plumes.
Qui veut nous faire prendre des vessies
pour des lanternes ?
Photo :
Donde Vamos ?
Nota : Un
extrait de cette tribune est paru dans
Le Chiffre d’Affaires (Quotidien
algérien de l’économie et des finances)
le 10/6/14:
Exploitation du gaz de schiste : la
France sommée d’être patiente :
L’Algérie prend les risques au sérieux
© G. Munier/X.
Jardez
Publié le 12 juin 2014 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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