L'actualité du
droit
Israël suspend la détention du
Palestinien
tombé dans le coma après une
grève de la faim
Gilles Devers
Mercredi 19 août 2015
Sur le plan
factuel, la situation de mon excellent
confrère Mohammed Allan est claire :
dans tout pays civilisé, cet homme âgé
de 31 ans serait libre, et s’occuperait
de son travail et de sa vie.
Mohammed
Allan est un citoyen palestinien,
possesseur d’un passeport palestinien,
et il vit à Naplouse, qui relève de la
souveraineté palestinienne. Donc, son
sort ne devrait être régi que par la loi
palestinienne, étant rappelé que la
Palestine s’est (enfin) déclarée comme
Etat, et qu’elle est reconnue comme
telle par plus de 120 Etats à travers le
monde.
Le problème
est que Naplouse, comme toute la
Cisjordanie, Jérusalem-Est et Gaza, est
soumis à l’occupation militaire
d’Israël, dépendant de l’application de
la IV° Convention de Genève de 1949.
Comme si cela ne suffisait pas, la
puissance occupante, violant les
fondements du droit international,
maintient son occupation militaire pour
conquérir des territoires, et toute son
action repose sur des lois spéciales,
qui n’ont aucune valeur en droit
international, car elles en bafouent
tous les principes.
Parmi ces
lois, la puissance occupante a inventé
un régime de « détention
administrative », qui permet de
placer en détention par une décision
administrative non motivée des personnes
contre lesquelles il n’existe aucune
charge, pour des périodes de six mois
renouvelables, sans limite, et dont la
légalité ne sera jamais contrôlée, la
« Cour suprême (de la colonisation) »
refusant de se prononcer sur le
bienfondé de ces mesures.
Mon confrère
Mohammed Allan a été arrêté en novembre
2014 par les militaires de la puissance
occupante. Motif ? Aucun. Aucun, et pour
cette raison Mohammed Allan ne s’est pas
vu de notifier de griefs, et n’a pas été
conduite devant un juge. Simplement, les
militaires de la puissance occupante
soupçonne mon confrère Mohammed Allan
d’être membre du Jihad islamique. Pour
ce soupçon, ils l’ont arrêté et mis en
détention sans jugement.
Mohammed
Allan a été patient, car il ne découvre
pas l’arbitraire absolu de la puissance
occupante : il est né dans cet
environnement. Mais au mois de juin, il
lui a été annoncé que la rétention était
renouvelée pour six mois. Aussi, il a
utilisé le seul moyen de défense à sa
disposition : la grève de la faim.
Depuis le 18 juin, il n’ingère que de
l’eau sans complément et refuse tout
traitement.
Deux mois.
Son état a gravement empiré, et les
militaires de la puissance occupante
l’ont fait admettre successivement dans
deux hôpitaux, pour le faire alimenter
de force, ce que permet une récente loi
spéciale, mais les médecins ont refusé
car
l’alimentation forcée est un acte de
torture.
Reprenant
conscience après trois jours de coma,
Mohammed Allan a fait savoir qu’il
laissait 24 heures pour une solution,
faute de quoi il cesserait également de
boire, ce qui entrainerait la mort à
bref délai. Le gouvernement de la
puissance occupante a déclaré être prêt
à envisager une libération,… à condition
que Mohammed Allan accepte de prendre
refuge à l’étranger !
Son avocat,
mon confrère Jamil al-Khatb, a donc
saisi la Cour suprême de la
colonisation, et celle-ci a rendu la
plus lamentable des décisions, bien dans
sa tradition, juste ce qu’il faut pour
que la mort de cet homme ne vienne pas
salir sa réputation.
La Cour si
elle voulait faire du vrai droit, donc
conforme au droit international,
avait l’occasion de dire deux choses
très simples :
1/ La
détention de Mohammed Allan est
illégale, car selon la IV° convention de
Genève, la puissance occupante ne peut
juger les ressortissants de l’Etat
occupé, et les placer en détention, que
dans le territoire occupé. Le simple
transfert forcé d’un Palestinien détenu
sur le territoire de la puissance
occupante est illégal.
2/ Selon les
règles universelles du procès équitable,
toute personnes accusée bénéfice des
droits de la défense, définis par le
droit coutumier, à savoir : notification
des griefs, accès aux pièces de la
procédure, possibilité de se faire
défendre par un avocat qui peut soulever
des moyens de nullité, nécessité d’un
acte écrit convoquant au procès,
audience publique, jugement par un
tribunal indépendant et impartial
composé de juges civils, décision
motivée en droit et en fait, possibilité
d’interjeter appel pour que l’affaire
soit entièrement rejugée par un tribunal
civil, puis possibilité d’un recours en
cassation.
Or, la Cour
s’est contenté de
suspendre la décision :
«En raison de l’état de santé du
requérant, il va demeurer en soins
intensifs. Cela signifie que pour le
moment, en raison de l’état de santé du
gréviste de la faim, l’ordre de
détention administrative n’est plus en
vigueur». Et donc de
manière claire, si l’état de santé
s’améliore, la détention administrative
reprendra son cours.
Le ministre
israélien de la Sécurité intérieure,
Gilad Erdan, a estimé dans un communiqué
qu’une libération de Mohamed Allan «récompenserait
sa grève de la faim et risquerait
d’encourager des grèves de la faim
massives parmi les détenus de sécurité,
qui auraient ainsi trouvé un nouveau
moyen de faire chanter l’Etat d’Israël».
Le ministre peut donc que remercier la
cour suprême de la colonisation qui a
très bien entendu son message.
Ce soir nous
sommes donc tout très heureux, car nous
avons appris que Mohammed Allan avait
renoncé à son ultimatum, et qu’il allait
s’inscrire dans un programme de soins
pour tenter de récupérer. Sa famille va
pouvoir librement lui rendre visite.
Actuellement,
les O.N.G. nous indiquent 340
palestiniens subissent ce régime inique
de la détention administrative. Le
gouvernement de la puissance occupante
est donc tétanisé par cette affaire,
redoutant un mouvement général de grève
de la faim qui gagnerait tous les
centres de détention administrative mais
également les prisons dans lesquelles la
situation n’est pas meilleure.
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