Liban
La future guerre froide
Ghaleb Kandil
Dimanche 15 mars 2015
Dans un
récent article,
l’analyste américain
Michael
Klare révèle les trois
axes de la stratégie
d’une future guerre froide qui se
dessine dans les centres de
planification de la politique étrangère
des États-Unis, dans le but
de pérenniser leur
hégémonie sur le monde et d’empêcher les
forces concurrentes de poursuivre leur
ascension [1].
Ces trois axes
sont : la puissance militaire [Hard
Power],
la puissance douce
[Soft Power], et la puissance
énergétique [Energy Power] ajoutée
aux outils
stratégiques
après analyse du
pari consistant à
provoquer la baisse des prix
du pétrole
par l’intervention
concertée
entre l’Arabie
saoudite et Washington, afin d’influer
négativement sur les ressources
financières de la Russie et de l’Iran.
Premièrement :
Ces dernières années,
l’empire américain s’est évertué à
restaurer sa « puissance militaire »
après les revers subis en Irak et en
Afghanistan, le constat de l’impuissance
d’Israël et de sa dépendance croissante
aux États-Unis dans toutes ses guerres
depuis celle de 2006 ; et aussi, le
constat de la course effrénée à
l’armement dans le monde avec des
technologies militaires industrielles
gigantesques, l’émergence d’arsenaux
énormes et de forces modernes bien
entraînées dans de nombreux pays,
notamment en Russie, en Chine et en
Iran ; le lancement de la marine
militaire en mer de Chine avec la
possibilité de la voir se diriger vers
le Yémen et les côtes de l'Afrique étant
devenue une obsession majeure, ajoutée à
celle motivée par la force des missiles
en perpétuel développement en Iran et
les capacités de combat de ses forces
spéciales, et à celle motivée par le
développement remarquable de toutes
sortes d'armes modernes en Russie. Sans
oublier une dernière obsession US
engendrée par les progrès techniques de
ces trois pays, dans le domaine de la
conquête de l’espace.
Quant aux outils de
la « puissance douce » au service de
l’hégémonie US, ils ont été renforcés
par le développement des systèmes de
sanction, des techniques de pénétration
des sociétés médiatiquement et
culturellement, des procédés d’accroche
d’espions ou de partis et de coalitions
politiques à sa machine de guerre. Et,
c’est par cette deuxième puissance que
Washington essaye de dépasser l’énorme
fiasco consécutif à ses expériences de
prétendus printemps arabes et de
soi-disant révolutions colorées, lancées
depuis les années quatre vingt dix du
siècle dernier pour récupérer l'héritage
de l'Union soviétique.
Ceci, alors que le
plan étatsunien pour la possession de
« la puissance énergétique » vise plus
spécifiquement la mainmise des
compagnies géantes US sur les réserves
de pétrole et de gaz mexicains et
canadiens en vue de l’édification d'un
pôle nord-américain géant, sur le marché
mondial de l'énergie, garantissant
l’autosuffisance des États-Unis et
dérobant le marché européen à la Russie.
Et c’est là le cœur de la future guerre
froide : empêcher l’ascension de la
Russie en frappant sous la ceinture !
Deuxièmement :
Il est difficile de
trouver des différences essentielles
entre les deux partis US, Démocrate et
Républicain, soumis à l’impératif majeur
prohibant les guerres et les aventures
militaires du type de celles qui ont
caractérisé les deux mandats de Georges
W. Bush.
Depuis l'effondrement
de l'Union soviétique et l’entreprise
hégémonique US, des rivières de sang ont
coulé en ce monde qui a vu nombre
d’inversions d’équilibre, de changements
et d’évolutions dans les domaines
économique et militaire ; avec émergence
de puissances montantes à l’Est, face au
vacillement des puissances de l’Ouest
accompagné de la dépression de leur
influence sur les pays du monde.
Sujets d’ailleurs
traités par nombre d’écrivains, de
théoriciens et d’économistes
occidentaux, qui ont analysé ce
transfert de richesse de l'Ouest vers
l'Est, après des siècles de la première
révolution industrielle qui a inauguré
les guerres pour toutes sortes de
ressources et les conquêtes coloniales
ayant mené vers deux guerres mondiales.
Et alors que les
guerres coloniales du XXème
siècle ont mené à des catastrophes
innombrables et indescriptibles, le
monde contemporain paie le prix de
l'obstination US à refuser de
reconnaître les nouvelles réalités et de
s’adapter aux changements établis quant
à la carte des ressources mondiales et à
ce qu’elle impose de modifier dans
l’équilibre des forces et la nature les
relations internationales.
En d’autres termes,
devant la défaite de leur logique de
monopolisation du capital, de la
technologie et de la force, les
États-Unis sont déterminés à tenter
toutes les chances de sabotage des États
et Blocs internationaux qui leur
feraient concurrence, pour sauvegarder
leur hégémonie ; et ce, même sur des tas
de ruines, de gravats et de crânes.
Troisièmement :
Le « Centre Stratfor »
est couramment décrit comme une société
privée américaine qui œuvre dans l’ombre
de la CIA [Central Intelligence Agency],
ses prévisions et rapports étant
suspectés de plutôt « vendre » les plans
conçus par l’Agence, que de prédire sur
une base d’analyse des données et des
lois régissant les conflits du monde.
Or, fin février,
Stratfor a publié un rapport sous la
forme de prévisions concernant la
situation mondiale entre 2015 et 2025 [2].
L’essentiel de ces « prévisions » porte
sur :
-
la désintégration de la Russie et de
la Chine après une phase de désordre
et de violence sanglante qui
démarreraient de la rébellion de
certaines régions asiatiques ;
-
l’embourbement des pays arabes dans
des guerres tout aussi sanglantes et
usantes, avec désintégration des
États nationaux et des Armées ;
-
la montée en puissance de la force
turque qui étendrait son influence,
notamment en Asie centrale ;
-
la désintégration de l'Union
européenne suite à la sortie de
nombreux pays de ses rangs.
Le résultat global
escompté étant, bien entendu, la
pérennité de l’hégémonie des États-Unis
sur le monde.
Image virtuelle de la
future situation mondiale, fondée sur
les plans d’une guerre froide conçue
pour brider les capacités économiques
russe et chinoise et, aussi, sur la
détermination des États-Unis à continuer
d’utiliser l'Organisation Mondiale des
Frères Musulmans et ses produits
takfiristes et terroristes pour le
démantèlement des pays arabes, tout en
la préparant à des guerres par
procuration en Asie centrale contre la
Russie et la Chine. Ceci, sans oublier
le rôle essentiel d’une Turquie
agressive, sur laquelle misent les
planificateurs et stratèges US pour
leurs guerres à venir.
Il y a évidemment
maintes failles et faiblesses dans ce
rapport. Nous les aborderons plus tard.
Mais la leçon la plus importante est que
les États-Unis se préparent à dix années
de guerre froide et parient dessus pour
protéger leur domination unilatérale sur
le monde.
Par conséquent, ce
pari pose en lui-même un défi aux États
et aux peuples ciblés, surtout à nos
pays arabes, que l’esprit agresseur US
traite telles des scènes de jeu ouvertes
à ses outils de guerre hard ou soft,
légitimant la mainmise d’un mélange de
sociétés occidentales géantes et
ensauvagées sur la
formidable force énergétique de
notre région et lâchant les hordes
terroristes qui pratiquent un pillage,
sans précédent, du pétrole et du gaz en
Irak, en Syrie et en Libye, en
partenariat avec des pirates occidentaux
et turcs sous l’égide de l'OTAN et de sa
direction US.
Ghaleb Kandil
14/03/2015
Source :
New Orient News
http://neworientnews.com/index.php/news-analysis/8543-2015-03-14-07-30-53
Article traduit de
l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Notes :
[1] Hard Power, Soft Power, and Energy
Power.
The New Foreign Policy Tool
By
Michael T. Klare,
March 3, 2015
http://www.foreignaffairs.com/articles/143219/michael-t-klare/hard-power-soft-power-and-energy-power
[2] Decade Forecast: 2015-2025 /
February 23, 2015
https://www.stratfor.com/forecast/decade-forecast-2015-2025
Monsieur Ghaleb
kandil est
le Directeur du Centre New Orient News
(Liban)
Le
dossier Monde
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