Palestine
Journée de la terre en Palestine
occupée :
la bataille d’al-Rawha
Fadwa Nassar
Dimanche 29 mars 2015
Le 30 mars 1976, les masses
palestiniennes de l’intérieur se sont
soulevées contre l’occupation,
inaugurant une nouvelle étape de la
lutte de libération nationale du peuple
palestinien. C’est autour de leur lutte
pour la défense de leurs terres que
l’ensemble du peuple palestinien s’est
rassemblé, considérant que la bataille
pour préserver la terre palestinienne
des confiscations et de la judaïsation
représente une étape importante et
cruciale sur le long chemin de la
libération. Le 30 mars est un moment de
lutte, avant d’être une commémoration
folklorique, ce qu’il est devenu avec
l’instauration de l’Autorité
palestinienne sur des morceaux épars de
la Palestine. Le 30 mars 1976, des
martyrs sont tombés, parce qu’un peuple
menacé par la lente disparition de son
identité arabe palestinienne a relevé la
tête et osé affronter l’occupant. Les
150.000 Palestiniens demeurés en 1948
(après la Nakba) dans leur patrie,
transformée en colonie juive israélienne
reconnue par les Nations-Unies, sont
devenus un demi-million de Palestiniens
(de l’intérieur) en 1976 et comptent
aujourd’hui plus d’un million et demi de
personnes, vivant dans al-Jalil, al-Muthallath
(« Triangle » ) et al-Naqab, ainsi que
dans les villes côtières. Malgré les
mesures négationnistes (et pas seulement
racistes) des autorités sionistes prises
à leur égard, depuis 1948, les
Palestiniens de l’intérieur ont
développé leurs outils de lutte et de
résistance, défiant à la fois
l’occupation sioniste de leur pays et la
communauté internationale qui les
considère encore comme des « citoyens
israéliens » réclamant leur
participation et leur égalité avec des
colons venus d’ailleurs.
Si la Journée de la
terre du 30 mars 1976 reste le symbole
de la lutte palestinienne pour la
préservation et la récupération de la
terre en Palestine, la bataille d’al-Rawha
dans al-Muthallath fut un autre moment
décisif dans la longue lutte des
Palestiniens de 48, s’étant déroulée en
1998 après les funestes accords d’Oslo,
et peut être considérée comme une sorte
de « répétition générale » avant le
déclenchement de l’intifada al-Aqsa en
septembre 2000 et de « Habbat al-Aqsa »
en octobre 2000, lorsque les
Palestiniens de 48 se sont soulevés en
masse pour défendre la mosquée al-Aqsa,
et la terre et le peuple de Palestine,
sacrifiant 13 martyrs sur le chemin de
la libération.
Comme à son
accoutumée, l’entité coloniale décide de
confisquer 28.000 dunums des terres
d’al-Rahwa, située entre Umm al-Fahem,
Ara et Ar’ara, dans la vallée de ‘Ara et
proclame le terrain « zone militaire ».
La population se mobilise et les comités
populaires des villages menacés se
rassemblent dans un comité populaire de
la vallée de ‘Ara, pour mener la lutte.
Le comité décide d’investir la zone en
septembre 1998 et de planter la tente de
la résilience sur les terres d’al-Rahwa.
Bientôt, ce sont de délégations unifiées
de plusieurs régions de la Palestine
occupée en 48 qui viennent soutenir la
lutte, bravant l’interdiction non
seulement d’entrer mais de s’installer
dans une « zone militaire ». Des
pourparlers sont engagés entre la
direction sioniste et le comité
populaire, mais au même moment, les
forces militaires de l’occupant
chargent : 600 Palestiniens sont blessés
par balles réelles, et l’école de Umm
al-Fahem est investie par les forces
sécuritaires. Des centaines sont
arrêtés, mais la lutte se poursuit. Le
comité populaire, fort de l’unité
massive autour de lui, pose ses
revendications : les terres d’al-Rawha
appartiennent aux Palestiniens. Au terme
d’une lutte de plusieurs mois, les
sionistes reculent et 14.000 dunums (la
moitié des terres menacées) sont rendus
aux villages et villes arabes, selon un
accord conclu entre l’entité sioniste et
le comité populaire. Jusqu’à présent,
les Palestiniens de 48 se réjouissent
qu’une première a été réalisée lors de
cette bataille, puisque les autorités de
l’occupation ont été obligées de
conclure un accord avec un comité
populaire, qui a réussi à faire l’unité
autour de lui en représentant les
revendications populaires.
Cependant, il faut
signaler que la bataille des terres
d’al-Rawha porte deux autres leçons
aussi importantes : d’abord, l’unité
palestinienne est la condition de toute
victoire, même après les accords d’Oslo,
qui ont divisé et effrité le peuple
palestinien. Toute bataille engagée
contre l’occupant et exprimant les
revendications nationales aboutit
nécessairement à une victoire
palestinienne, à la seule condition de
ne marchander, ni l’unité réalisée ni
les acquis obtenus, car tout marchandage
ou en termes plus politiques, toute
négociation avec l’occupant sur la base
de ces acquis entraîne automatiquement
un recul palestinien et la perte de ces
acquis, tant que le rapport de forces
régional et international n’est pas
encore en faveur de la lutte de
libération nationale du peuple
palestinien et des peuples arabes. C’est
plutôt une accumulation des « petites
victoires » qui permet de faire reculer
l’occupant et de le mettre en situation
difficile et même en crise
existentielle.
Ensuite, défier
l’occupation en refusant son ordre
colonial. Installer une tente de
protestation sur des terres déclarées
« zone militaire », reconstruire plus de
80 fois le village menacé d’al-Araqib
dans al-Naqab, oser envoyer ses fusées
et roquettes sur les colonies
considérées comme des installations
légales par la communauté
internationale, tirer sur des soldats ou
des colons ou les écraser, et ne pas se
contenter du champ de « la libre
expression » accordé par le régime
colonial, qui se rétrécit d’ailleurs de
plus en plus au fur et à mesure que la
lutte nationale se développe. Car la
présence même de l’occupation sioniste
est illégale et par conséquent, toutes
les mesures qu’elle adopte. Seul le
refus global et sans concessions de la
présence de l’entité coloniale en
Palestine permet de tracer la voie de la
libération, et toute autre démarche ou
vision (Etat ni-national, deux Etats,
égalité des citoyens ou toute autre) ne
fait que brouiller l’objectif de la
libération et entraîne, par conséquent,
la division du peuple palestinien.
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