Palestine
Des massacres sionistes
« exemplaires » :
de Majd al-Kroum (1948) à Kfar Qassim
(1956)
Fadwa Nassar
Mercredi 7 décembre 2016
L’histoire de l’entité coloniale
sioniste est pavée par les massacres des
Palestiniens et autres Arabes du Liban,
d’Egypte, de Jordanie ou de Syrie.
Mesurer la portée de ces massacres sur
les survivants est important, non
seulement pour reconstruire une histoire
à une voix, celle des survivants, mais
aussi et surtout pour empêcher une
solution basée sur la négation, l’oubli,
la négligence ou la minimisation du
caractère foncièrement criminel de
l’entité coloniale, fondée sur la terre
volée de la Palestine. Rappeler les
faits, tels que décrits par les
survivants, ou mentionnés dans les
archives sionistes que des chercheurs
palestiniens décortiquent, sert avant
tout à balayer les allégations sionistes
qui, bien que reconnaissant certains
massacres, les justifient par l’état de
guerre, état qui aurait permis des
« dérives » car les sionistes, sous
forme de bandes armées de colons
débarquant d’Europe, ou sous forme d’une
armée ayant regroupé en son sein ces
bandes de colons, auraient été, d’après
toute une littérature coloniale et
post-coloniale, européenne ou
occidentale, de gentils fermiers animés
par l’enthousiasme des pionniers
colonisateurs des terres « vierges » et
« en friche » mais menacés par des
sauvages autochtones ».
Ces pionniers colons n’ont jamais été
pacifiques, ni par le passé dans al-Jalil,
ni à présent dans les territoires
occupés de la Cisjordanie. Ils sont
venus pour s’emparer, par la force, des
terres et du pays qui ne leur
appartiennent pas, mais que la
communauté internationale de l’époque,
ou d’aujourd’hui, de gré ou de force,
leur a accordé le droit de s’y
installer. Armés jusqu’aux dents, hier
comme aujourd’hui, hier par les
occupants britanniques et les tchèques,
aujourd’hui par les Etats-Unis et
l’Europe, ils ont mené et mènent encore
aujourd’hui une politique systématique
de destruction de la Palestine, sur les
plans démographique (nettoyage
ethnique), sociologique, politique,
religieux, culturel et civilisationnel
(judaïsation d’une terre
arabo-musulmane, à partir de mythes
bibliques et d’une histoire forgée par
l’occident colonisateur).
Le massacre commis à Majd al-Kroum se
situe dans le cadre de l’opération
Hiram, menée par l’armée sioniste en
octobre 1948. La « menace » arabe
n’existait plus, il s’agissait pour les
sionistes de poursuivre leur occupation
et par conséquent, le nettoyage tehnico-religieux
de la région d’al-Jalil. Des dizaines de
villages côtiers avaient déjà été
détruits au début de 1948 et leur
population expulsée. Le 29 octobre 1948,
l’armée de secours arabe, qui était
basée à Majd al-Kroum, rassemble la
population pour lui annoncer son départ,
et lui demande de ne pas abandonner le
village, mais de rester pour ne pas tout
perdre. Selon l’historien Adil Manna,
qui reprend dans son dernier ouvrage
l’histoire des Palestiniens demeurés en
Palestine, après la Nakba, la même
demande avait été faite par les
volontaires arabes, à la population de
Nasra, avant leur retrait de Palestine.
Le 30 octobre, une unité de l’armée
sioniste, l’unité 123, pénètre à Majd
al-Kroum, qui remet les armes et accepte
la reddition. Une centaine de personnes
est réquisitionnée par l’armée
d’occupation pour nettoyer et dégager
les routes environnantes, ordre accepté
par les Palestiniens en signe de
soumission. Au moment où le village de
Majd al-Kroum remettait les armes et
signait sa défaite, l’armée sioniste
commettait des massacres dans des
villages avoisinants et expulsait ses
habitants, comme dans le village de
Ba’na, où l’armée de l’occupation a
exécuté 4 de ses habitants avant
d’expulser les autres vers le Liban,
dans les villages de Aylaboun, al-Rama,
et a commis le massacre de la population
des Arabes d’al-Mawassi, le 1er
novembre 1948, tuant de sang-froid,
après arrestation, de 12 Palestiniens,
dont des enfants. C’est également vers
cette période (fin octobre, début
novembre) que les villages de la région
de Safad furent décimés, comme celui
d’al-Safsaf, victime d’un horrible
massacre accompagné de viol.
A la veille du massacre commis dans Majd
al-Kroum, ce village comptait 2000
habitants auxquels se sont ajoutés des
réfugiés d’autres villages décimés. Bien
que le village ait été « pacifié » et
soumis, une unité de l’armée
d’occupation y pénètre le 5 novembre, et
impose le couvre-feu. Elle ordonne à la
population de se réunir dans la place
al-Ayn, la principale place du village.
Elle réclame que les armes soient remis,
mais le maire explique que toutes les
armes avaient déjà été remises le 29
octobre. L’officier sioniste insiste et
déclare qu’il compte exécuter, toutes
les demi-heure un jeune du village, si
les armes ne sont pas remises. Les
soldats de l’occupation fouillent les
maisons pendant ce temps. 5 Palestiniens
furent ainsi exécutés, des réfugiés ou
des jeunes du village. Deux autres
jeunes sont exécutés, alors qu’ils
étaient en route vers le village, deux
femmes également, lors des fouilles. Le
massacre ne s’arrête que parce qu’un
officier sioniste arrive sur les lieux
et affirme que le village avait été déjà
« pacifié ».
De Majd al-Kroum à Kfar Qassem, la liste
des massacres commis par les sionistes
pour fonder l’entité coloniale, est
horriblement longue. A Kfar Qassem, à la
veille de la guerre tripartite menée par
la Grande-Bretagne, la France et
l’entité sioniste contre l’Egypte de
Nasser, un couvre-feu est imposé le 29
octobre 1956, alors qu’une partie de la
population travaille hors du village. A
son retour, l’armée sioniste embusquée
tire : 49 Palestiniens, hommes, femmes
et enfants sont froidement massacrés.
Non seulement l’entité coloniale a
remercié les assassins ayant donné
l’ordre de tirer et ceux qui ont
froidement exécuté des Palestiniens
désarmés, c’est la commémoration même du
massacre par les survivants qui gêne à
présent les colonisateurs, qui cherchent
à l’interdire depuis quelques années.
Après le 15 mai 1948, date de la
fondation officielle de la colonie
sioniste, ce ne sont plus des bandes
armées anarchiques qui commettent des
massacres contre les Palestiniens,
emportés par leur enthousiasme colonial,
mais bien une armée fortement équipée et
soutenue par l’occident impérialiste et
l’Europe soviétique, qui assassine et
exécute froidement les Palestiniens, en
vue d’expulser un peuple hors de sa
patrie. Le processus est toujours en
cours, les colons envahisseurs qui
dévastent aujourd’hui al-Quds et la
Cisjordanie portent la même idéologie de
ceux qui ont jadis dévasté al-Jalil au
nord, al-Naqab au sud et toute la zone
intermédiaire, dont les villes côtières
de la Palestine et l’armée qui a
jadis commis les massacres dans al-Jalil,
dans la région de Safad et dans Kfar
Qassem, commet aujourd’hui des massacres
dans al-Quds, dans la bande de Gaza, à
Jénine ou al-Khalil. La seule différence
gît dans la légalisation par l’ONU et la
« communauté internationale » des crimes
commis par les premiers, sous le
prétexte fallacieux de donner une terre
à « un peuple sans terre ».
Le rapport de forces militaires ou le
déséquilibre stratégique ne saurait
travestir les données ni être la base
pour des solutions au conflit.
L’histoire nous apprend qu’ils peuvent
être renversés, sinon modifiés.
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