Opinion
Il faut arrêter de dire que
la guerre d’Irak était une « erreur »
Dennis Kucinich
Photo:
D.R.
Jeudi 4 septembre 2014
(revue de presse:
Washington Report - septembre 2014)*
A mesure que l’Irak s’enfonce dans le
chaos depuis plus d’une décade après
l’opération « Mission accomplie
», politiciens et journalistes se sont
mis d’accord pour qualifier cette guerre
« d’erreur », ce qu’il faut
cesser de faire. Mais la rhétorique de
l’ « erreur » est une
rhétorique de la négation pas de
contrition car elle minimise les
conséquences désastreuses de cette
guerre, blanchit les consciences et
prive les Américains de toute chance de
tirer les leçons découlant de la
politique étrangère désastreuse de notre
génération. La guerre en Irak n’a pas
été « une erreur » mais le
résultat d’une tromperie calculée. Le
fait douloureux, cru est que l’on
nous a menti. Il est temps
maintenant de le dire.
La vérité sur l’Irak était là,
visible, mais ignorée. Il n’y avait pas
d’armes de destruction massive. Saddam
Hussein n’avait rien à voir avec le 11
septembre. La guerre n’avait pas pour
but de libérer le peuple irakien. Je
l’ai dit au Congrès en 2002. Les
millions d’Américains qui ont manifesté
aux Etats-Unis pour protester contre
cette guerre connaissaient la vérité
mais furent dénigrés par les deux partis
pour s’opposer au président en temps de
guerre et même accusés de ne pas «
soutenir les troupes ».
J’ai écrit et parlé largement sur ce
sujet mais aujourd’hui, je propose deux
manières d’aborder le sujet :
1) le Président Obama doit
nous dire la vérité sur l’Irak et quel
fut le faux scénario suivi pour
entreprendre cette guerre.
Quand Obama est entré en fonction, en
2008, il a annoncé que son
administration ne lancerait pas
d’enquête et ne poursuivrait pas les
auteurs de la guerre. En fait, il
suspendait le débat public sur la
guerre. Cela a pu paraître correct à
court terme pour ceux qui voulaient
aller de l’avant, mais quand on parle de
guerre fondée sur des mensonges, le
passé ne peut rester le passé.
La mauvaise volonté mise à se
confronter à la vérité à propos de
l’Irak a conduit à une sorte d’amnésie
dangereuse pour notre santé mentale. Des
souvenirs réprimés ne cicatrisent pas
mais ouvrent la porte à plus de
mensonges. Comme les analyses,
aujourd’hui, vont peut-être conduire à
des «solutions » militaires,
rappelons-nous pourquoi et comment nous
sommes intervenus en Irak en 2003.
2) Les journalistes et les
commentateurs doivent cesser d’allouer
du temps et de l’espace à des gens qui
se sont lourdement trompés dans leur
soutien à la guerre ou se sont obstinés
dans leurs arguments en faveur de cette
guerre.
En gros, tous ont accepté sans aucune
critique, l’impératif de la guerre tel
que décrit par de hauts fonctionnaires
ou des membres du Congrès et des
officiels du gouvernement. Par ailleurs,
la presse a soufflé sur les flammes de
la guerre sans offrir un créneau à ceux
qui militaient contre elle. Le Président
Obama n’a pas commencé la guerre en
Irak, mais l’occasion de dire la vérité
lui a été donnée. Que nous avions eu
tort de nous n’y jeter. Que le motif de
la guerre était injuste. Que
l’intervention militaire a créé plus de
problèmes qu’elle n’en a résolus. Que le
chaos actuel et la violence présente en
Irak sont la conséquence directe de la
décision que prit l’Amérique en 2003 de
se lancer dans cette guerre. Et, plus
d’une décade plus tard, de démontrer
qu’elle était fondée sur des mensonges
ne demande pas beaucoup de courage.
Traduction et synthèse :
Xavière Jardez
Photo : Dennis J.
Kucinich
Dennis Kucinich a été membre du
Congrès des Etats-Unis – où il
représentait l’Ohio - pendant 16
ans, et deux fois candidat à l’élection
présidentielle. Ancien maire de
Cleveland (77-79), il est connu
pour son opposition à l’invasion et à
l’occupation de l’Irak.
Version originale:
Stop calling the Iraq war a « mistake »
(Huffington Post – 18/6/14)
© G. Munier/X.
Jardez
Publié le 4 septembre 2014 avec
l'aimable autorisation de Gilles Munier
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