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Actualité
La Californie, poule aux œufs d’or
d’Israël
Darwin Bond Graham
Lundi 20 octobre 2014
Par Darwin Bond Graham
(revue de presse : Counterpunch –
Washington Report)*
En août dernier, quelques milliers de
protestataires ont bloqué le terminal le
plus affairé du port d’Oakland en
Californie afin d’empêcher l’accostage
d’un bateau israélien. Après quelques
échauffourées avec la police, ils ont pu
déclarer victoire : le cargo de la
Zim Lines s’est éloigné et les
dockers n’ont pas eu à le décharger. Un
des militants a expliqué que le but de
cette opération était de « stopper
le flux de capital ». Bloquer ce
bâtiment qui effectue la traversée
quatre fois par mois en provenance
d’Israël était peut-être de faible
importance, mais un coup terrible pour
l’économie israélienne.
Pendant vingt ans, l’industrie
technologique de la Californie a pourvu
en milliards de dollars le développement
de l’industrie high-tech d’Israël,
devenue à cette époque son secteur clé.
Le flux de capital vers Israël est
digital : fonds et droits de propriété
intellectuelle. Et ce flux provient
principalement de décisions d’un nombre
réduit de petites entreprises ainsi que
d’une douzaine seulement de grandes
entreprises. Il n’engendre de plus aucun
mouvement social.
Le soutien financier des entreprises
de la Silicon Valley à l’économie
d’Israël est conséquent : en 2001, au
cours de la première année de la
deuxième Intifada, Sequoia Capital
Partners, dont le siège social est
à Mende Park, a collecté 150 millions de
dollars pour l’investissement dans les
sociétés de technologie d’Israël, et ce,
pour la deuxième fois. Séquoia
en est, en 2013, à son cinquième fond
avec 215 millions de dollars. Depuis
1999, Séquoia a injecté dans
les industries électronique et
informatique quelque 789 millions de
dollars. Une part importante de cet
argent levé par Séquoia avait
été allouée par des investisseurs
californiens, dont des sociétés exemptés
d’impôts comme le Trust J.P. Getty
et la Fondation Gordon and Betty
Moore.
Accel Venture Partners, un
des géants de la Silicon Valley, a mis
sur pied son premier système
d’investissement pour Israël en 2001.
Joseph Shoendorf d’ Accel a
confié à Haaretz qu’en 2007,
Accel y avait investi plus de
200 millions dans 20 entreprises et a
précisé que ces investissements ne
concernent pas les applications et
gadgets ordinaires si populaires parmi
les consommateurs lambda de Bray Area en
Californie même si Israël en produit
beaucoup.
Shoendord ajoute : « la sécurité
dans le monde va se détériorer, et en
conséquence l’ingéniosité va croître.
Les armées du monde cherchent des
solutions à un problème et cela
encourage à trouver des réponses
technologiques ». En mars dernier,
Accel a réussi à rassembler la
somme de 475 millions de dollars pour un
fond qui alimentera les industries
high-tech israéliennes (startups,
compagnies de télécommunications,
fabricants de puces, etc…).
Un certain volume des fonds
californiens a été dirigé vers des
industries militaires et de cyber
sécurité. La société israélienne
toujours sur pied de guerre et
d’occupation crée un environnement
propice aux entreprises de haute
technologie qui se voient en défenseurs
de la sécurité de l’Etat juif.
L’industrie technologique américaine
regorge aussi de sociétés d’armement et
de surveillance et d’entreprises
tournées vers la consommation ou de
marque comme Google, Microsoft
et Cisco qui produisent des
équipements informatiques militarisés
pour une utilisation « domestique »
et étrangère. La contribution de
Hewlett Packard à la création du
système biométrique de pistage israélien
pour contrôler les déplacements de
Palestiniens est très connue. Cette
société est aussi en charge de la
maintenance des serveurs du Ministère de
la Défense israélien, comme le faisait
avant elle, IBM .Ce n’est pas
tant la nature des technologies vendues
et les possibilités qu’elles offrent à
l’Etat juif et à ses organisations
militaires qui font des liens
économiques entre la Californie et
Israël, des liens forts mais, plutôt la
valeur réelle des leurs transactions.
Selon l’OCDE (Organisation pour
la coopération et le développement
économiques), Israël a reçu en
investissement direct des Etats-Unis
1,846 milliards en 2012, selon des
statistiques les plus récentes
existantes. Cela représente les 2/3 de
l’aide totale militaire américaine à
Israël pour la même année. La place des
investisseurs US dans l’économie
israélienne est de taille,
principalement au travers des valeurs
mobilières qu’ils possèdent dans les
grandes sociétés israéliennes. En 2012,
ils y possédaient des investissements de
19, 7 milliards plus que le double de
l’ensemble des pays européens. Et des
multinationales enregistrées aux Iles
Caïman, paradis fiscal où des milliers
d’investisseurs américains ont établi
des fonds offshore, possèdent quelque 8,
6 milliards de dollars dans l’économie
israélienne. Par exemple, Séquoia
Capital Partners a ramassé 215
millions en août dernier pour les
investir dans leur totalité en Israël,
le fond étant enregistré aux Iles Caïman
!!
Mellanox Technologies Ltd.
dont le siège est à Yokneam a reçu 64
millions de dollars de la Silicone
Valley et d’autres investisseurs parmi
lesquels Séquoia Venture, US Venture
Partners and Bessemer Venture Partners
ainsi que les géants IBM
et Inter . D’une entreprise de
petite taille, en 2002, Mellanox
est devenue un géant transnational de la
technologie d’une valeur actuelle de 1,
8 milliards de dollars. C’est le
fournisseur principal d’Hewlett
Packard, IBM et Intel
pour le matériel informatique.
Mellanox se situe au cœur de la
Silicone Wadi d’Israël (wadi en
arabe veut dire rivière, mais en hébreu
signifie « vallée »). Avant 1948,
Yokneam ou Qira en arabe était un
village palestinien qui a été «
dépeuplé » et occupé par les forces
israéliennes et, plus tard, colonisé et
transformé pour être une ville des plus
affluentes.
De nombreuses entreprises de la
Silicon Valley se sont établies en
Israël et plus particulièrement à
Herzliya Pituach , quartier résidentiel
de l’élite de cette ville. Bessemer
Venture Partners a ses bureaux sur
la marina des yachts de Marinalli et
Séquoia Venture Partners possède un
bureau à Ramat Yam dans l’une des hautes
tours qui donne sur la Méditerranée.
Les liens entretenus entre la Silicon
Valley et Israël sont loin d’être
apolitiques car nombre des investisseurs
US et hauts dirigeants d’entreprises
sont des partisans indéfectibles des
causes israéliennes. Ils ont fondé de
nombreuses organisations de charité pour
renforcer les liens politiques et
économiques entre la Californie et
Israël. La Chambre de Commerce
israélo-californienne a été créée
avec des financements de la Silicone
Valley, dont Paypal,
Silicon Valley Bank et Morrison
Foerster. Les dirigeants de ces
compagnies siègent au conseil
d’administration et on y trouve aussi le
consul général d’Israël et le Directeur
de la Silicon Valley Bank d’où
leurs relations avec le lobby
pro-israélien. Un de ses membres, Zvi
Alon, dirige une fondation familiale à
partir de chez lui. Il a accordé une
donation à la Chambre de 9,900 dollars
en 2011 et une autre de 36 000 dollars
Aux Amis des Forces Armées
Israéliennes. On pense qu’il a créé
un journal en ligne Israël 21 « qui
est la source d’informations les plus
diverses et sûres sur l’Israël du 21
siècle ». Installé face au consulat
d’Israël à San Francisco, Israël 21
fait la promotion des sociétés de
technologie israéliennes et des articles
récents publiés par le groupe incluent
« les 20 technologies supérieures
nées du conflit » et une
description du « penseur
non-conformiste » derrière le
système de défense « Iron Dome
» (le Dome de Fer). Un film
récent compare Tel Aviv à un épicentre
de startups similaire à San Francisco….
Tout ce qui précède ne procède pas
d’un seul effort privé. En mars 2014
Gerry Brown, gouverneur de Californie, a
signé un Mémorandum avec Benjamin
Netanyahou sur une consolidation des
liens économiques entre Israël et la
Californie permettant à Israël d’avoir
un accès facilité aux infrastructures
technologiques de la Californie, dans un
lieu prestigieux qui est le Musée de
l’Histoire de l’Informatique de Mountain
View. Au cours de cette même visite,
Netanyahou s’est rendu au siège
social d’Apple, Cupertino, où
il y a discuté avec les chefs de cette
entreprise. La présence du premier
ministre israélien visait à battre en
brèche le mouvement de solidarité en
faveur des Palestiniens, à savoir la
campagne de boycott et de sanctions qui
a flambé dans les campus, les
universités et autres institutions
publiques de Californie.
Netanyiahou a remercié G.Brown pour
sa campagne de désinvestissement en Iran
: en 2012, la Californie avait
virtuellement interdit aux compagnies
d’assurance de posséder des avoirs
iraniens et demandé que les fonds de
pension se retirent. En conséquence, le
fonds de pension des enseignants,
CALSTRA, doit consulter l’AIPAC
(lobby pro-israélien américain - ndlt)
pour ses investissements. Sachons aussi
que les fonds de pension CalPERS et
CalSTRS, des fonctionnaires offrent
des bénéfices considérables à Israël, ce
sont des investisseurs d’importance pour
l’économie israélienne.
Le Mémorandum émanait du bureau de
Bob Blumenfield, membre de l’assemblée
de Californie, qui est aussi l’auteur de
plusieurs lois pour des sanctions contre
l’Iran et est conseillé municipal
actuellement de Los Angeles. Partisan
irréductible d’Israël, il a dernièrement
organisé un rassemblement avec des élus,
dont le maire Eric Garcetti au cours
duquel il a déclaré : « Nous nous
tenons aux côtés d’Israël contre le
régime du Hamas qui terrorise les
Israéliens du ciel et maintenant de
dessous la terre ». Ce à quoi
Garcetti a répondu : « Israël est
notre allié le plus solide dans une
région tumultueuse »….
La Chambre de commerce
israélo-californienne doit organiser en
octobre un sommet international
d’affaires au campus de Microsoft
où innovation et investissement
seront les sujets prioritaires de
l’agenda. On comprend alors l’anxiété
des militants du mouvement de solidarité
avec la Palestine…..
Photo: Affiche de la
campagne BDS à Oakland
Darwin Bond Graham est
sociologue et journaliste
d’investigation.
Version originale parue dans
Counterpunch (20/8/14) :
Israel’s Most Important Source of
Capital: California
et dans Washington Report
d’octobre 2014 (Other voices)
Traduction et Synthèse :
Xavière Jardez
© G. Munier/X.
Jardez
Publié le 20 octobre 2014 avec
l'aimable autorisation de Gilles Munier
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