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Cirepal
Interview
de Ramadan Shallah, secrétaire général du Jihad islamique
Ramadan Shallah
14 novembre 2007
« Aucun règlement
n’est en vue. Il y a course entre ceux qui veulent la guerre et
ceux qui la refusent »
« Le
sommet d’Annapolis a pour but de masquer l’échec américain
et de préparer le camp de la modération pour une future guerre ».
Dans une
interview sur la chaîne al-Jazeera, diffusée le 12 novembre
dernier, le secrétaire général du Jihad islamique définit les
traits de la période présente en montrant la vanité des espoirs
de ceux qui accourent vers les propositions américano-sionistes.
(Exraits)
Ghassan
B.Jeddo (al-Jazeera) : Il y a quelques jours, nous avons
commémoré le 90ème anniversaire de la déclaration Balfour, et
aujourd’hui, nous continuons à vivre plus dramatiquement encore
ses conséquences désastreuses : une situation étrange en
Palestine, avec la division des Palestiniens, la division des élites
et des régimes arabes à propos des choix et des stratégies, le
retour à la formation de camps antagoniques, la poursuite de la
guerre israélienne contre une partie des Arabes.
Notre présent
indique des complications de la situation libanaise, semblables à
la grotte d’Ali Baba et les 40 voleurs, notre présent parle
d’une alerte syrienne, de champs minés irakiens, d’une
mobilisation iranienne, d’une inquiétude arabe, d’un rôle
saoudien, de la crainte des pays du Golfe, d’une crispation américaine,
d’un entêtement arabe et islamique passionné par la résistance
et le refus. Et parmi les symboles de cette résistance, qui ont réussi
effectivement à consolider ses positions, à affermir sa vision,
à maintenir son mouvement et proposer des choix à son courant
islamique général et spécifiquement palestinien, l’un de ceux
qui sont les plus poursuivis par le Mossad israélien, un
Palestinien jusqu’à l’os, qui est né et a grandi à Ghaza,
qui a étudié dans les universités anglaises et américaines, un
nationaliste par la formation politique, un islamiste par
l’identité et le choix, un radical par sa position et modéré
par sa culture, comme il l’affirme, un parcours général en
direction de la lutte et du refus de la logique du règlement, aimé
et admiré par les uns, contesté par les adversaires, des élites
et des décideurs. Nous parlons du docteur Ramadan Abdallah
Shallah, secrétaire général du mouvement du Jihad islamique en
Palestine.
Dr. Ramadan,
tu avais déclaré que dans la région, les questions sont entremêlées
et complexes, et qu’il y a course entre le règlement et
l’affrontement dans la région. Que voit ton regard palestinien ?
Dr.
Ramadan Shallah :
Tu as
parfaitement décrit la terrifiante situation que nous vivons,
mais permets moi de préciser que la course ne se déroule pas
entre le règlement et l’affrontement, et je commence par
affirmer qu’il n’y a pas de règlement, mais la course se déroule
entre la guerre dont on sent les préparatifs dans la région et
entre ceux qui veulent empêcher cette guerre. La course se déroule
entre ceux qui, à l’extérieur, veulent la guerre et ceux qui
veulent l’empêcher, les populations de la région, quelles que
soient leurs positions et leurs orientations. La région est
encore soumise à une vaste attaque supposée engendrer le nouveau
Moyen-Orient, une attaque américaine qui a commencé en Irak, qui
a touché la Palestine, qui menace la Syrie, le Liban et l’Iran,
ce nouveau Moyen-Orient et cette nouvelle carte qu’ils espèrent
instaurer par les canons, dans la région, les populations de la région
continuent à les refuser et à leur résister.
Il n’y a
donc pas une course entre le règlement et l’affrontement, mais
une course entre la guerre et ceux qui veulent l’empêcher.
- Al-Jazeera :
la guerre contre qui ?
- Dr. Shallah :
Ceux qui veulent la guerre, ce sont Israël et le front américano-israélien,
qui dessinent le parcours de cette guerre prochaine, si jamais
elle a lieu. Pourquoi ? Je ne décrirai pas en détail la
situation dans la région, mais j’indiquerai comment l’ennemi
voit la région, puis je dirai comment nous, nous la voyons. Je
vais reprendre la description faite récemment par un des
orientalistes israéliens connus, un américain-israélien, Martin
Kramer, qui se trouve actuellement à Harvard, unn élève de
Bernard Lewis. Concernant la relation d’Israël avec la région,
le conflit avec Israël, il a défini trois étapes, la première,
l’étape arabo-israélienne, lorsque la région a résisté et
refusé la présence d’Israël, mais les Arabes ont subi des défaites,
et cette étape s’est achevée, d’après lui, en 1979 lorsque
l’Egypte s’est désengagée du conflit arabo-israélien. Puis
il parle d’une seconde étape, celle du conflit palestino-israélien
qui, selon Kramer, s’achève avec la mort de Arafat. La troisième
étape qui commence est celle du conflit islamo-israélien, que
les Etats-Unis considèrent comme un conflit islamo-occidental, et
dans lequel ils se sont engagés dans le monde entier sous le
slogan de lutte contre le terrorisme islamique.
Pour Kramer,
la guerre israélienne contre le Liban en 2006 n’est pas une
sixième guerre israélienne, mais une guerre israélo-islamique,
ce qui veut dire que pour Israël et les Etats-Unis, qui veulent
la guerre, Israël fait face à un danger qui menace son
existence, danger représenté par l’alliance islamique, qui
englobe les mouvements de la résistance, soutenue par la Syrie
ainsi que par de nombreux mouvements et groupes nationalistes et
islamiques arabes, ce qui s’appelle le front de la résistance
et du refus.
Au congrès de
Herzelia, qui s’est tenu au début de cette année, les six études
stratégiques présentées évoquent le danger qui menace
l’existence d’Israël. Israël affirme aujourd’hui qu’il
est menacé d’éradication de la carte de la région, et c’est
pourquoi il veut éradiquer tous ceux qui refusent Israël dans la
région. C’est la profonde nature des événements dans la région.
Al-Jazeera :
que penses-tu de la déclaration de Mofaz affirmant que toutes les
alternatives sont possibles pour stopper le programme nucléaire
de l’Iran, y compris l’alternative militaire. Penses-tu
qu’il est sérieux ?
R. Shallah :
Bien évidemment, l’incitation à la guerre dans la région au
sujet du dossier nucléaire iranien est une incitation israélienne.
Depuis des années, il essaie de convaincre l’administration américaine
de frapper l’Iran, et si la décision était laissée à Israël,
cette décision est déjà prise, aucune voix ne s’y oppose en
Israël, mais ils admettent aujourd’hui qu’ils doivent laisser
cette question à ce qui s’appelle la communauté
internationale, qui doit exercer des sanctions contre l’Iran,
mais l’alternative de la guerre est toujours là. La menace de
Mofaz intervient dans une course contre la montre,
l’administration américaine est toujours hésitante, ainsi que
le ministre de la défense et la ministre des affaires étrangères,
mais Dick Cheney et les nouveaux conservateurs souhaitent la
guerre car pour eux, l’Iran est la base du projet islamique qui
menace Israël. Lorsque la guerre contre le Liban a duré, ils ne
voyaient que l’Iran dont ils voulaient casser le bras, pour
l’isoler. Les attaques contre Barad’î font partie de cette
course contre la montre, ils veulent réunir les preuves et les
vendre à Bush, comme ils l’ont fait pour l’Irak, mais
Barad’î ne veut pas jouer ce rôle, c’est pourquoi il est
devenu la cible des Israéliens.
Al-Jazeera :
Si Israël a déjà pris la décision, est-ce qu’il est prêt à
frapper l’Iran ?
R. Shallah :
Je parle du souhait israélien, mais non de la capacité israélienne.
Si les choses sont laissées à Israël, il aurait pris la décision.
Mais est-ce qu’Israël peut frapper l’Iran et réaliser ses
objectifs ? C’est une autre question, plus complexe. Même
les Etats-Unis étudient encore la question, et ce qui retarde la
décision américaine, à mon avis, c’est qu’ils ne savent pas
quelle sera la réaction de l’Iran, les Etats-Unis n’ont pas
encore envisagé la nature des dommages qui pourraient en résulter.
Al-Jazeera :
Certains disent que la frappe sera plutôt contre la Syrie, considérant
qu’elle est l’anneau le plus faible ?
R. Shallah :
Si nous revenons à l’analyse de Kramer, il considère que le
danger vient de l’alliance islamique, dont la principale base
est l’Iran et le Hizbullah, qu’ils qualifient de Shi’ites,
pour ouvrir le conflit et la guerre interne entre Sunnites et
Shi’ites. C’est ainsi que les Israéliens et les Américains
préparent une stratégie délimitant l’Iran pour cible, ils ne
veulent pas se lancer dans une attaque contre les Arabes, c’est-à-dire
la Syrie, car frapper l’Iran est plus facile, à cause de ce
qu’ils nomment l’hostilité arabo-sunnite contre les
shi’ites ou les Safavides, comme ils le disent, donc ils
essaient de séparer la Syrie de l’Iran. Ils essaient donc la
politique du bâton et de la carotte envers la Syrie, mais cette
dernière n’est pas nouvelle en politique, elle a compris le
jeu. D’ailleurs, la guerre contre la Syrie n’est pas une
promenade.
Si nous
voulons comprendre comment pensent les Israéliens à propos de la
guerre dans la région, il nous faut revenir en arrière, lors du
désengagement de l’Egypte. Ils avaient dit à l’époque
qu’il n’y a plus de guerre dans la région sans l’Egypte,
mais la guerre de juillet 2006 a brisé cette règle. Ils considèrent
que si un groupe comme le Hizbullah peut mener une guerre presque
classique, avec une forme de guerilla et une capacité de
lancement de fusées jusqu’au cœur d’Israël provoquant le déplacement
de plus de 750.000 Israéliens, si le Hizbullah a réussi à faire
cela, que pourra faire la Syrie ? Cet ennemi considère
qu’il est menacé, il n’est pas à l’abri, il ne peut
frapper sans subir les conséquences, car la Syrie possède une véritable
capacité de se défendre. Avec la guerre de juillet, Israël a
compris la leçon qu’elle n’a pas apprise de l’Irak, c’est
que son aviation ne peut remporter la bataille. C’est pourquoi
Israël et les Etats-Unis manoeuvrent en direction de la Syrie,
pour la séparer de son alliance avec l’Iran.
Al-Jazeera :
Si telle est la situation, donc une menace très sérieuse de
guerre, où vous situez-vous ? Vous, le mouvement du Jihad
islamique, qui est présent à l’intérieur de la Palestine ?
R. Shallah :
D’abord, je dois te rassurer que je ne reconnais pas les frontières
de Sykes-Picot. Je suis Palestinien, par le passeport ou
l’identité, je suis un réfugié palestinien, je vis dans un
pays qui s’appelle la Syrie, qui nous a accueillis et reçus
lorsque le monde entier a fermé ses portes. Dans tout pays arabe
où nous nous trouvons, que ce soit la Syrie, l’Egypte, l’Arabie
Saoudite, si ces pays sont menacés par une invasion étrangère,
je suis légalement investi à défendre ce pays, si les autorités
de ce pays me le demandent. Mon engagement légal, national,
nationaliste, islamique, moral et humain me demandent de repousser
toute agression contre un pays arabo-musulman.
Al-Jazeera :
Plus précisément, vous êtes dans l’intérieur palestinien.
Est-ce que vous participerez, en tant que mouvement du Jihad
islamique, à l’intérieur et à l’extérieur des terres
palestiniennes ?
R. Shallah :
D’abord, à l’intérieur de la Palestine, notre guerre contre
l’ennemi israélien se poursuit sans relâche, nous menons une
guerre défensive et de consolidation.
Pour répondre
plus exactement, revenons à la guerre de juillet 2006. Nous
sommes au Liban, et c’est à la direction de la résistance, le
Hizbullah, de décider si elle souhaite ou non notre
participation. C’est pourquoi je ne peux dire à l’avance ce
qu’il en sera. Chaque terrain a ses dirigeants, mais nous, nous
sommes prêts à défendre toute parcelle de la terre
arabo-islamique, et comme nous nous battons en Palestine, nous
nous battrons pour défendre la terre arabo-musulmane.
Al-Jazeera :
Tu as considéré la guerre de juillet 2006 comme une victoire. Et
lors d’un discours télévisé dans le camp de Shaja’iya, à
Gaza, tu avais déclaré en octobre 2006 qu’Israël est en voie
de disparition, que nous devons pas penser aux négociations, ni
au règlement, qui ne servent à rien, que la libération de la
Palestine se fera par les armes car c’est par les armes et la
force qu’elle a été conquise. Ne penses-tu pas que cette façon
de penser est une contrainte envers toi-même, envers le
mouvement, envers le peuple et l’opinion arabe ? Se détourner
de toutes négociations ? Pourquoi ne pas les laisser essayer ?
R. Shallah :
Il n’y a aucune contrainte, ni envers moi-même, ni envers le
Jihad islamique. Je suis entièrement convaincu, ainsi que le
mouvement du Jihad islamique, qu’Israël doit disparaître, car
sinon, je mets en doute ma croyance en Dieu le Très-Haut. C’est
une question de foi, la Palestine est pour moi un verset du saint
Coran, elle est sacrée. Quant aux autres, je ne les contraint
pas, mais les conseille, je leur demande de cesser de courir après
cet égarement. Au Liban, il y a un adage : « celui qui
essaie ce qui a déjà été essayé, a l’esprit dérangé ».
Jusqu’à quand allons-nous poursuivre cet essai ?
Pour un règlement,
la solution doit être soit palestinienne, soit israélienne, soit
arabo-musulmane, soit internationale. Mais après la victoire des
Etats-Unis dans sa guerre froide, et après la guerre du Golfe et
l’effondrement de l’Union soviétique, on nous propose la
solution israélienne, avec un soutien international. Une solution
israélienne pour la question israélienne, la question juive.
L’Occident s’est opposé à Hitler et aux massacres nazis,
mais il ne s’est pas opposé au projet sioniste et à la déclaration
Balfour qui ont créé la question israélienne sur les ruines de
tout le peuple palestinien. 5 millions de réfugiés. Qu’ils se
rendent à Annapolis ou ailleurs et qu’ils nous proposent une
solution !
Depuis la déclaration
Balfour jusqu’à 1979, en passant par la Nakba de 48, ce fut le
rejet total d’Israël, nous ne les voulons pas, ils sont étrangers
à la région, ils sont venus implanter, par le feu et le sang,
une entité à la place d’un autre peuple. Quelle est cet
humanisme, cette humanité, cette démocratie qui permettent cette
oppression et cette sauvagerie ? Ils veulent actuellement
nous obliger à accepter Israël, par la force. Dans
l’imaginaire israélien, cette troisième étape est celle de
l’admission volontaire et absolue d’Israël, Israël veut être
notre être bien-aimé, notre voisin, il nous veut le bien, mais
nos ennemis sont la Syrie, l’Iran, le Hizbullah, le Hamas et le
Jihad. Nous inventons des ennemis illusoires de notre propre peau
et notre propre corps.
Deux visions
s’affrontent actuellement. Eux disent, votre crime c’est le
Hizbullah, le Hamas, le Jihad, la résistance, vous voulez entraîner
la région vers un conflit arabo-israélien, ou plutôt israélo-islamique,
avec la présence des Indonésiens, des Iraniens, des Turcs, comme
si l’arabité est opposée à l’islam ! Actuellement les
peuples réclament que le conflit revienne à ses débuts, ils
refusent la présence d’un corps étranger, ils résistent et
remportent des victoires. Le Hizbullah a résisté et a remporté
une victoire, mais les autres, Israël et les Etats-Unis veulent
obliger la région à admettre Israël. Que signifie admettre Israël
dans l’absolu ? C’est accepter qu’il soit une partie de
Sykes-Picot. Quand Saddam a envahi le Koweit, les Arabes, les Américains
et le monde entier se sont soulevés, et si un Palestinien, arabe
et musulman veut « envahir » Israël, il est brisé
par la communauté internationale pour préserver, protéger et
libérer « la terre d’Israël » qui se trouve au cœur
même de cette région. Il en serai ainsi lorsque le droit à
l’existence de cette entité sera reconnu comme une partie
indissociable de la région.
Avec une
participation arabe, bien évidemment. Je le rappelle, lorsque la
phrase « aventure irrefléchie » a été prononcée (lors
de la guerre de juillet 2006, à l’encontre du Hizbullah, ndlt),
certaines explications ont avancé que les Arabes avaient
l’intention d’accepter volontairement Israël alors que ce
dernier n’avait rien offert, ce qui a signifié que ce dossier a
été clos et il est retourné en arrière. Pourquoi Israël
refuse l’initiative arabe ? Car il sait que tous ceux qui
ont proposé cette initiative ont promis de normaliser leur
relation mais Sharon a considéré qu’ils vendaient une carte
qu’ils ne possédaient pas, qui est entre les mains de leurs
peuples. Avec qui allait-il signer ? Avec ceux qui les
combattent, combattent les Etats-Unis au Liban, en Palestine et en
Irak ou avec ceux qui les soutiennent déjà ? Il n’y a pas
de règlement, pas de solution définitive, Israël ne veut pas
admettre qu’il doit se retirer pour fonder un Etat palestinien.
Al-Jazeera :
Ceux qui t’entendent, les Israéliens, les Américains, et même
les Arabes, parler de cette sorte, dire que vous êtes prêts à
participer et riposter à la guerre, par investiture légale ou
considérations politiques, que vous êtes toujours attachés à
la disparition de l’Etat d’Israël, se posent la question :
est-ce que vous êtes toujours attachés à la résistance armée ?
y compris par les fusées, à l’intérieur de la scène
palestinienne ?
R. Shallah :
Si nous abandonnons notre droit à la résistance, par tous les
moyens dont nous disposons, il n’y a plus de justification pour
notre existence.
Nous sommes
attachés au choix de la résistance dans tous les cas, mais la
forme de la résistance, son moment, sa gestion, l’utilisation
de certains de ses outils, dépendent des conditions et des considérations
sur le terrain, de la situation de notre peuple, de nos relations
internes qui régissent la manière de mener le combat.
Al-Jazeera :
Ne donnez-vous pas le prétexte à Israël pour qu’il occupe
Ghaza à nouveau ?
R. Shallah :
Israël n’a pas besoin de prétextes, lorsqu’il a occupé la
Palestine et nous a jetés dans l’exil. Israël ne veut pas de
prétextes. L’Europe n’a pu régler la question juive, et Israël
essaie de la régler en massacrant le peuple palestinien, par
petites doses, cela devient une scène courante, normale. Même
pour le président de l’Autorité palestinienne. Au moment où
nous entendons qu’il y a cinq martyrs, ou dix martyrs en
quelques jours, il ne peut s’empêcher de visiter Olmert ou de
prendre soin de sa santé. Mais ceux qui sont écrasés par les
bulldozers d’Olmert, personne ne s’en soucie.
Al-Jazeera :
Nous sommes à la veille d’un sommet, celui d’Annapolis.
Comment le définir ? Pourquoi vous refusez cette réunion ?
Est-ce parce qu’il propose un règlement ou parce qu’il est
considéré comme une étape cruciale contraire à votre stratégie ?
R. Shallah :
D’abord, nous ne sommes pas gênés par ce congrès car nous
considérons qu’il représente une étape pour un nouvel échec
américain, Bush essaie d’en faire un succès pour masquer son
échec en Irak, et nous sommes contre ce congrès parce qu’il ne
vient pas d’une initiative palestinienne, arabe ou islamique, où
l’on perçoit, nous les Palestiniens, les Arabes ou les
musulmans, un intérêt car c’est un congrès avant tout israélien
et américain.
Bush souhaite,
par ce congrès, mobiliser et renforcer le camp de la modération.
Le camp de la modération arabe pour masquer ses préparatifs de
guerre l’Iran. Il veut masquer son échec en Irak, consolider la
position d’Olmert et masquer l’échec de ce dernier au Liban.
Il veut consolider la position d’Abu Mazen, relever son moral
après les événements de Ghaza. Bush veut montrer au peuple américain
qu’il est toujours maître des initiatives, qu’il est toujours
le maître du monde, que les horizons de la paix sont entre ses
mains. Il veut refroidir la scène palestinienne pour entamer une
nouvelle phase. Bush prétend se conformer à l’idée de deux
Etats, il propose d’en discuter mais il sait très bien que
toutes les données sur le terrain ne le permettent pas. En réalité,
il veut consolider le front de la modération.
Les Israéliens,
quant à eux, veulent creuser la division en adoptant Abu Mazen
qu’ils considèrent comme leur allié. L’alliance avec Abu
Mazen et l’approfondissement de la division entre Palestiniens
signifient que le conflit n’est plus israélo-palestinien mais
palestinien-palestinien, ils veulent de nouvelles concessions,
graves, de la part d’Abu Mazen, relatives au programme de l’OLP
et de l’Etat sur les frontières de 67, et si tu veux qu’on
parle des détails, ils sont très graves.
Ils veulent
que l’Autorité revienne à la mission qu’ils lui ont inventée
à Oslo, celle de préserver la sécurité d’Israël, de
poursuivre les résistants en Cisjordanie, de fournir les
renseignements et de collaborer avec les forces sécuritaires de
l’occupation. Tout est dans leur intérêt, mais nos « amis »
se dirigent vers ce sommet, croyant pourvoir fonder des négociations
qui rapporteraient l’Etat de l’après-Hamas, consolider leur
position en Cisjordanie, la légitimité d’Abu Mazen et de l’Autorité
palestinienne à Ramallah, isoler Hamas. La question est donc
interne, c’est ce qui la rend dangereuse. Si ce sommet aboutir
à des négociations, leurs détails sont posés par Israël, et
non par la partie palestinienne.
Al-Jazeera :
Pourtant, l’Autorité lutte pour avoir des acquis, toutes les déclarations
vont dans ce sens.
R. Shallah :
D’abord, la situation n’est pas propice à des négociations,
et je n’ai pas confiance dans cette voie pour récupérer nos
droits. Malgré toutes les difficultés internes d’Olmert, il ne
fera pas de concessions à Abu Mazen. Les Israéliens disent :
si Olmert est un canard boiteux, Abu Mazen est un canard dont la
patte est cassée. Abu Mazen réclame un Etat dans les frontières
de 67, mais il n’y aura pas d’Etat dans ces frontières. Cela
fait des mois qu’ils discutent et négocient, tout ce à quoi
cela aboutira, c’est un échange de terrains, ils prennent des
terres de la Cisjordanie et nous donnent en échange des terrains
situés dans le Naqab, à l’Est de Ghaza, quelques mètres tout
au plus. Ils parlent de démantèlement des colonies, mais
regardez ce qui s’est passé dans la Palestine historique, où
il y a trois regroupements de population, à Tel Aviv, dans
al-Quds et à Haïfa. Un demi-million de colons, un second Israël,
se trouve dans la ville d’al-Quds et en Cisjordanie, ils seront
rassemblés dans trois regroupements, les colonies continueront à
démanteler la Cisjordanie, qui sera divisée en cantons.
Concernant les réfugiés, pour eux, il n’y a pas de retour des
réfugiés. Il y a un mensonge grossier officiel, arabe et
palestinien. Cent mille Palestiniens seront autorisés à
retourner, dans un laps de plusieurs années, Israël définira
leur âge, leur appartenance, leur poids, leur hauteur, ce
qu’ils doivent manger et ce qu’ils doivent boire. Ils ont dédouané
Israël de la question des réfugiés, qui ne se sentira plus
obligé, moralement, de considérer ce qui se passe hors des
frontières de ce qui s’appelle Israël. Que reste-t-il donc ?
Al-Quds ? La knesset israélienne a l’intention de prendre
une décision relative à l’indivisibilité d’al-Quds, qui
sera la capitale de l’Etat d’Israël. Al-Quds consiste
actuellement en quelques ruelles et quartiers.. Vous voulez
discuter des questions religieuses ? L’accord de Wadi Araba
a rattaché al-Quds à la Jordanie, au niveau des questions
religieuses. Dans tous les cas, la Jordanie a un rôle à jouer,
je ne suis pas entré dans les détails, mais quand j’ai évoqué
l’analyse de Kramer concernant le conflit israélo-palestinien
qui s’est achevé avec le décès de Arafat, l’intérêt
palestinien était présent, mais actuellement, nous sommes occupés
par les détails et sommes devenus des négociateurs.
Al-Jazeera :
où se situe le danger ?
R. Shallah :
Le danger ? Il faut lire l’article de Dani Rubenstein, qui
affirme que le mouvement national palestinien est fini, soit le
mouvement conduit par l’OLP. Qui va à présent combler ce vide ?
Les mouvements islamiques, l’Egypte, la Jordanie. Oui, la
Jordanie, qui va partager le rôle sécuritaire avec le reste de
l’Autorité palestinienne de Ramallah, l’autorité de Abu
Mazen et de Salam Fayyad. La situation est extrêmement grave !
Al-Jazeera :
Cela est grave ! Donc, les négociations ne concernent pas
les frontières de 67 ?
R. Shallah :
Ils doivent cesser leurs mensonges ! Les négociations ne
concernent pas les frontières de 67. Israël n’autorisera pas
autre que le Jourdain comme frontière. Les Arabes assumeront leur
responsabilité s’ils acceptent cela.
Al-Jazeera :
Ceux qui vont à Annapolis vont-ils l’accepter ?
R. Shallah :
A Annapolis, les lignes seront tracées pour parvenir à cette
formule, mais espérons que nous n’y arriverons pas, le peuple
palestinien ne peut l’accepter, Fateh ne doit pas l’accepter.
Et je l’affirme, la solution des deux Etats est finie, la
solution des deux Etats est actuellement une proposition israélienne.
Shimon Pérès a déclaré que si nous voulons vivre dans un Etat
démographiquement juif, il faut à nos côtés un Etat
palestinien qui protège Israël, en tant qu’Etat juif.
Al-Jazeera :
Par la même occasion, un rapport récemment émis par Fox, à la
demande des Israéliens, consiste à préparer la réunion
d’Annapolis. Les six points devant être définis sont :
deux Etats d’après les frontières modifiées de 67, une
solution juste pour les réfugiés, deux capitales dans al-Quds, où
Israël domine les parties juives et les Palestiniens dominent les
parties arabes, avec des arrangements pour les lieux sacrés qui
seront ouverts à toutes les religions, et des arrangements sécuritaires,
dont un Etat palestinien désarmé.
R. Shallah :
Evidemment, j’ai consulté le rapport en entier. Ils
reconnaissent la modification des frontières, ils reconnaissent
qu’il n’y aura plus une question de réfugiés, ils ont inventé
une capitale à Abu Dis, soit une capitale sur deux mètres carrés.
Il n’y aura pas de solution. Concernant la Jordanie, et
j’indique un point important, les républicains ne veulent pas
d’un Etat palestinien, ils considèrent que la solution est une
confédération avec la Jordanie. Ce sommet est une étape, mais
il n’apportera pas de solution. Israël considère que la guerre
se prépare dans la région, il veut jouer un rôle, il ne veut
pas régler le conflit, mais que nous payions le prix.
Al-Jazeera :
Pour finir, rapidement, comment envisagez-vous de gérer la
situation à Ghaza ?
R. Shallah :
Il est important de sortir de la situation conflictuelle interne
et de retrouver l’unité et la collaboration entre nous. Nous
voulons réduire les pertes. Personne, pour l’instant, ne peut réaliser
des acquis, nous sommes dans la période de réduction des pertes
et non celle de la réalisation des acquis. C’est pourquoi il
faut un rôle arabe qui soutienne l’unité des rangs
palestiniens, au lieu de réunir Abu Mazen avec les Israéliens et
de superviser des accords de ce genre. Il faut que les Arabes
jouent un rôle de rapprochement entre Fateh et Hamas, de
rassemblement des rangs palestiniens. Il faut nous mettre
d’accord pour contrôler la situation palestinienne et ne plus
revenir aux combats inter-palestiniens. Si les combats de ce genre
se poursuivent, la Palestine sera perdue, et nous supporterons la
responsabilité, cette fois-ci, plus que notre ennemi.
Traduction : Centre d'Information sur
la Résistance en Palestine
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