Centre
d'information sur la Résistance en
Palestine
"Retour sur un massacre : Kfar Qassem"
Sheikh Ibrahim Sarsour
Mercredi 4 novembre 2020
En commémoration du massacre de Kfar
Qassem, commis par l’entité sioniste le
29/10/1956, CIREPAL reprend l’article
écrit par sheihk Ibrahim Sarsour, à
l’époque président de la branche sud du
mouvement islamique (28/10/2005)
et traduit par l’équipe CIREPAL.
Peu après la déclaration d'indépendance
de l'Etat d'“Israël”, la direction
“israélienne” a été surprise de
découvrir une présence arabe à
l'intérieur de ses frontières. Cette
situation n'était pas admise.
Dès le début, le
mouvement sioniste avait essayé, y
compris les directions politiques,
militaires des organisations juives
avant et après la création de cet Etat,
de vider l'Etat de toute présence arabe,
même limitée. Ils ont voulu un Etat
"purifié" de toute présence "étrangère".
Ils ont voulu que
l'Etat soit uniquement Juif. Pour cela,
il était nécessaire de poursuivre la
politique de "nettoyage ethnique" qu'ils
n'avaient pas achevée, avant
l'indépendance.
La question qui
est restée en suspens pour Ben Gourion,
premier ministre et pour Dayan, ministre
de la guerre à l'époque, était :
comment, et quand ?
L'occasion..
Le procès des 11 criminels incriminés,
les soldats des garde-frontières ayant
commis le massacre à Kfar Qassem,
le 29 octobre 1956, qui a fait 49
victimes, hommes et femmes, vieillards,
jeunes et enfants, habitants du village
de Kfar Qassem, en route vers leurs
foyers et leurs familles, après une
journée de dur labeur.. ce procès a
dévoilé l’étroite relation entre la
bande de criminels ayant commis le
massacre et les directions supérieures
politiques et militaires (de
l’entité sioniste).
Les premiers ont appliqué les ordres
précis dont le but politique était
clair. Le groupe des garde-frontières à
Kfar Qassem fut l'outil conscient de ce
qui lui était demandé, et savait
parfaitement l'objectif de ce massacre.
La direction
supérieure, en l'occurence Ben Gourion,
Moshe Dayan, le chef des armées, et
d'autres dirigeants, ont cherché à
assouvir leur haine envers les Arabes et
les Musulmans, pour exécuter ce massacre
de la manière la plus horrible qui soit.
L'entrée
d'“Israël” en guerre contre l'Egypte,
lors de l'agression tripartite, aux
côtés de la Grande-Bretagne et de la
France, est restée problématique, chacun
de ces Etats agissant pour ses propres
intérêts, qui ne sont pas nécessairement
les mêmes à cent pour cent.
Pour ”Israël”,
cette participation devait réaliser
plusieurs objectifs :
• Le premier est l'obtention d'un
soutien franco-britannique au
développement de ses potentialités
militaires, notamment dans le domaine de
l'arme nucléaire, et c'est ce qui a
effectivement eu lieu.
• Le second objectif , celui qui n'a pas
cessé de hanter les esprits des
dirigeants sionistes, est de vider,
chasser, expulser les Palestiniens hors
des frontières de l'Etat Juif afin
qu'“Israël” soit l'Etat des Juifs
seulement.
L'occasion s'est
présentée pour les
dirigeants sionistes dès le début de
l'agression contre l'Egypte. Le monde
avait les yeux fixés sur ce qui se
passait au Sinaï. Les conditions étaient
donc propices pour réaliser le plan S59,
ou le plan nommé en hébreu (hafr firt)
qui prévoyait de chasser les
Palestiniens vivant dans la région du
Triangle, dans le cadre d'une guerre
possible avec la Jordanie.
Dans les minutes du
procès de Malinki, commandant de l'unité
des garde-frontières ayant accompli le
massacre, et du procès de Yaskhar Shadmi,
commandant d'un des bataillons
responsables de la frontière avec la
Jordanie, le plan hafr fit n'est
pas seulement un plan ou une idée, mais
il a été préparé pour être exécuté, en
entier, en préparation à la
guerre.
Un autre Deir
Yassine, mais...
Les conséquences désastreuses du
massacre de Deir Yassine, sur l'ensemble
du peuple palestinien, après avoir
appris la nouvelle, furent la
réalisation du rêve d'“Israël”, avec
l'exil de la majeure partie du peuple
palestinien, loin de sa terre. La
direction responsable directement du
massacre de Deir Yassin avait ce
souvenir en tête.
Un même plan pour
un même résultat... Un plan pour un
massacre dans un lieu paisible, contre
une population paisible.
Kfar Qassem fut
choisi pour ce but, pour différentes
raisons que nous n'aborderons pas ici.
Mais le but était de pousser les
Palestiniens du Triangle, au moins, à
s'enfuir vers la Jordanie, toute proche,
sous l'effet de la peur, de la panique,
des échos du massacre, tout à fait
comme cela a eu lieu lors du massacre de
Deir Yassine. Mais les plans des
dirigeants n'ont pas réussi.
La
volonté sioniste a dû se plier à la
volonté d'un peuple qui a appris la
leçon à partir d'une expérience
précédente. Il décida de rester, planté
sur sa terre, quel que soit le prix à
payer et quels que soient les sacrifices
que cela lui coûterait.
Les témoignages des
bouchers de Kfar Qassem, les
garde-frontières, le confirment : le
commandant de la 2ème unité de Malinki,
a parlé d'un plan préétabli pour chasser
les Arabes du Triangle, et Benyamin Kol,
qui était officier sous la direction de
Malinki, a témoigné disant : "j'ai
compris de la note reçue que la guerre
serait sur le front oriental avec la
Jordanie, il fallait frapper fort les
Arabes du Triangle pour les obliger à
s'enfuir de l'autre côté des frontières,
et qu'ils fassent après ce qu'ils
veulent".
Les criminels Gibra'il
Dahan et Ofer Adalia ont également dit
que les ordres donnés par Malinki au nom
de la direction supérieure militaire et
politique signifiaient qu'“Israël” était
intéressé par l'exécution du massacre
pour "pousser les Arabes à
s'enfuir vers la Jordanie, sous la
pression de la peur et de la panique".
“Israël” voulait
que la Jordanie entre en guerre contre
lui, pour pouvoir exécuter ce plan
d'expulsion, comme partie des opérations
militaires. Mais la volonté sioniste a
dû faire face à la volonté britannique,
qui gérait les affaires de la Jordanie,
et la Grande-Bretagne était de plus liée
à un accord de défense commune
avec le royaume hachémite.
“Israël” s'est
donc contenté de ne pas agresser la
Jordanie, selon l'accord tripartite
signé entre les gouvernements de la
France, de la Grande-Bretagne et
d'“Israël”, à Sèvres, en France. Le 5ème
article de l'accord établit que : "“Israël” s'engagera
à ne pas attaquer la Jordanie au
cours des opérations contre l'Egypte,
mais en cas d'agression de la part de la
Jordanie contre ”Israël”, le
gouvernement britannique s'engage de ne
pas intervenir aux côtés de la Jordanie".
Le gouvernement
jordanien de Sulayman Nabulsi n'a pas
répondu aux provocations
« israéliennes », pour des raisons liées
à la capacité de la Jordanie à s'engager
dans un conflit armé, au moment où Ben
Gourion s'était engagé à ne pas
agresser la Jordanie, jetant ainsi le
trouble au sein de la direction
“israélienne” dont le plan d'expulsion
dépendait d'une telle guerre.
Il semble que la
direction “israélienne”, après avoir
échoué à créer le climat propice
pouvant l'aider à réaliser son but
d'expulsion des Palestiniens, ait eu
recours à son style ancien et nouveau à
la fois, qu'elle maîtrise parfaitement.
Il n'y avait,
pour ”Israël”, que de massacrer les
habitants de Kfar Qassem, sous divers
prétextes, pour pousser les Palestiniens
arabes à l'exil comme cela a été
démontré dans les témoignages des
criminels des garde-frontières.
Après avoir échoué
dans sa bataille politique avec la
Grande-Bretagne et la Jordanie, ”Israël”
a voulu que le sang innocent du paisible
citoyen, dont les droits devaient être
acquis parce qu'il avait une carte
d'identité “israélienne”, que ce sang
soit la voie vers la réalisation du rêve
« israélien », son rêve criminel, et ce
fut le massacre de Kfar Qassem.
Des épisodes qui
font frissonner
Nous pouvons indiquer quatre épisodes
pour ce massacre.
Le premier concerne
l'ensemble des ordres reçus avant le
massacre et ayant préparé son exécution
Le second concerne le massacre : les
actes atroces commis avec sang-froid.
Le troisième
concerne le procès formel qui a prononcé
des condamnations, réduites ensuite, et
qui ont fini par être supprimées par le
président de l'Etat, pour ensuite
l'obtention de ces mêmes criminels de
hauts postes dans l'Etat.
Le quatrième
concerne la conciliation qui n'est,
selon tous les critères, qu'un massacre
moral, contre les victimes, leurs
familles et la population de Kfar Qassem,
en général.
Au début :
le général Tseve Tsor, dirigeant de la
région centre, le colonel Yiskhar Shadmi,
dirigeant de la sous-région dans la
région du centre, envoie une série de
messages pour imposer le couvre-feu dans
la région du Triangle et maintenir la
tranquillité sur le front oriental lors
des opérations dans le Sinaï.
Le colonel Shadmi ordonne
à son tour au dirigeant Malinki,
dirigeant de l'unité des
garde-frontières d'exécuter le plan de
couvre-feu, avec force et vigueur.
Malinki ordonne cela à son tour en
précisant d'utiliser les armes pour
tuer.
Si nous suivons la
suite des ordres donnés, nous remarquons
les expressions : que Dieu ait son
âme, ce que dit Shadmi à propos d'un
citoyen qui revenait de son travail,
sans avoir été mis au courant du
couvre-feu, ou bien "je préfère
quelques tués plutôt que de faire des
prisonniers", fut la réponse de Malinki,
ou "il n'y aura pas de blessés",
en réponse à la question d'un
soldat demandant que faire des blessés,
"sans sentiments", en réponse à
la demande d'un autre sur le sort des
femmes et des enfants.
Ce furent des
ordres clairs, précis, appelant à
tirer avec sang-froid, indistinctement,
dans le but de tuer. L'objectif étant de
chasser ceux qui resteraient vivants...
Le massacre : et il commença.. Le
meurtre et la tuerie collective.
Ouvriers, paysans, de tous âges et de
tous les milieux, sont arrivés au lieu
de l'exécution, à l'unique entrée du
village.
L'unité des
gardes-frontière leur demanda de
s'aligner, puis tira les coups de feu.
Les coups de feu se sont poursuivis
jusqu'à ce que les monstres se soient
assurés de la mort de leurs victimes.
Le fait que ces
victimes avient la carte d'identité
“israélienne” n'a pas pesé bien lourd,
ni même le fait qu'ils étaient fatigués,
faibles, exténués après une journée de
travail. Ni même l'enfance des enfants,
ni la candeur des jeunes filles, ni les
plaintes des blessés.
“Israël” a décidé
de les exécuter. Ce fut le massacre, un
acte barbare qui rejoint tous ceux
commis par les puissants et les tyrans
de ce monde.
Ils furent
enterrés, sans un regard ni adieu. Après
l'émission des ordres de cesser les
exécutions, les corps des martyrs furent
transportés vers un lieu proche, pour
être enterrés. Les criminels n'ont pas
donné aux parents des martyrs le droit
de jeter un dernier regard sur leurs
aimés.
Les criminels ont
ordonné à des Palestiniens de
Jaljoulia de creuser 49 tombes, dans le
cimetière de Kfar Qassem. Ils ne
savaient pas pourquoi.
Puis le camion
portant les dépouilles des martyrs est
arrivé, les dépouilles furent jetées les
unes sur les autres.
Les hommes de
Jaljoulia n'ont pas pu poursuivre. Ils
se sont mis à pleurer, à
crier, à se lamenter. Ils ont vu
leurs compagnons ensanglantés, des
cadavres figés.. L'enterrement a eu lieu
mais il ne fut autorisé aux parents et
aux habitants de Kfar Qassem d'aller se
recueillir dans le cimetière que trois
jours après.
Tentative d'enfouir le crime
Le gouvernement a
essayé de cacher ce massacre. Ben
Gourion a parlé la première fois d'un
"événement qui a eu lieu dans un village
arabe frontalier".
Le gouvernement a
refusé de reconnaître le massacre,
jusqu'à ce que des médias, et
quelques dirigeants politiques arabes et
juifs, parmi eux Tawfiq Tibi, Latif
Douri, Uri Avneri, obligent le
gouvernement à découvrir la
réalité de ce qui s'est passé.
Le tribunal et la conciliation
Les criminels ont
été traînés à un procès public, qui
s'est terminé également par un nouveau
massacre à l’encontre Kfar Qassem, le
jour où les condamnations allégées ont
été prononcées contre les criminels,
malgré l'aveu par le tribunal de
l'horreur du massacre.
Mais aussi le jour
où les criminels ont été amnistiés, par
un décret présidentiel, et finalement
lorsque la plupart de ces criminels ont
obtenu des postes élevés dans l'Etat,
comme Malinki, qui fut responsable dans
la centrale atomique de Dimona, et Dahan,
qui prit le poste de directeur du
département arabe dans la ville de
Ramleh !!
Puis, quelques
années plus tard, une autre page
noire. ”Israël” impose une conciliation
entre l'Etat et Kfar Qassem.
Les journaux et
les médias israéliens humilient la
population de Kfar Qassem, parlant de
"15 moutons et 100 poulets égorgés,
selon la loi hébraïque, sur le compte de
l'armée “israélienne”" (en signe de
conciliation).
“Israël” a imposé
la conciliation pour pouvoir amnistier
Malinki et clore le dossier tout entier.
Et pour empêcher
les victimes de réclamer des réparations
à l'Etat, premier responsable du
massacre, et surtout pour ne pas faire
porter à l'Etat des
responsabilités futures concernant ce
dossier.
Nous n'oublions
pas et nous ne pardonnons pas...
Aujourd'hui, jour de la 49ème
commémoration du massacre, nous ne
percevons aucun changement dans la
politique
“israélienne”. ”Israël” continue à
voir dans les Arabes Palestiniens,
habitant du pays, un danger sécuritaire
et démographique.
L'Etat continue à
éduquer ses appareils à la haine
contre les Arabes et à les
opprimer.
L'Etat continue à
utiliser la politique du mensonge envers
le milieu palestinien arabe, comme lors
de la journée de la terre, en 1976, les
événements et le massacre d'octobre
2000. Les pratiques “israéliennes”
quotidiennes confirment les déclarations
du rapport Ur que l'Etat et ses
appareils sont incapables, 56 ans après
l'instauration de cet Etat, d'intégrer
les citoyens
palestiniens. ”Israël” continue à
choisir la voie de la confrontation avec
nous et avec l’ensemble du peuple
palestinien.
Selon les derniers
sondages, les Israéliens ne croient
toujours pas à notre droit de
vivre en toute dignité sur notre terre
et dans notre partie.
Quant à nous,
nous n'oublions pas et nous ne
pardonnons pas.
28/10/2005
Source : www.arabs48.com
Note : la
branche sud du mouvement islamique
participe aux élections du Knesset
sioniste. C’est d’ailleurs un des sujets
de discorde avec la branche nord,
dirigée par sheikh Raed Salah,
aujourd’hui détenu dans les prisons de
l’occupation. Bien que CIREPAL ne soit
pas d’accord sur certains termes
utilisés par l’auteur, qui légalisent
plus ou moins l’occupation en 1948, nous
les avons laissés tels quels, mais avons
mis le terme « Israël » entre
guillemets, ce qui n’est pas dans
l’article d’origine.
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