Proche-Orient
Israël-Palestine Attendre l’embrasement
Charles Enderlin
© Charles
Enderlin
Samedi 3 octobre 2015
En début de soirée, le premier
octobre, sur la route entre les colonies
Eilon Moreh et Itamar, à l’est de
Naplouse, Eitam et Naama Henkin ont été
abattus par des palestiniens armés de
Kalachnikov. Ils revenaient d’une
réunion d’anciens étudiants de la
yeshiva Merkaz Ha Rav et se dirigeaient
vers leur domicile dans la colonie Neria,
près de Ramallah. Leurs quatre enfants
âgés de 9 ans à 6 mois ont été épargnés.
Selon les experts militaires israéliens,
ce serait un message des meurtriers :
nous n’attaquons que les colons, pas
leur progéniture en bas Age. Il
n’empêche, assassiner des parents,
colons ou non, devant leurs enfants est
un crime. C’est l’instant décrit ainsi
par Albert Camus (L’Express 28.10 1955)
: « Quand l’opprimé prend les armes
au nom de la justice, il fait un pas sur
la terre de l’injustice ». La
transformation du révolté en bourreau.
Souveraineté
de facto
La descente en enfer paraît
inexorable. D’une semaine, d’un mois,
d’une année à l’autre le niveau de
violence et de répression va en
augmentant. Les Palestiniens, leurs
dirigeants, l’homme de la rue, savent
que la probabilité d’accéder à
l’indépendance de leur état est quasi
nulle. Ils suivent et publient toutes
les déclarations des responsables
israéliens. Par exemple, Madame Tzipi
Hotovely, la vice ministre des Affaires
étrangères, proclamant : « Un
retrait de Judée – Samarie ne fait pas
partie de la liste des options que nous
offrons aux Palestiniens. Le monde doit
réaliser que la Judée Samarie restera
sous la souveraineté de facto d’Israël.
Ceci n’est pas une monnaie d’échange et
ne dépend pas de la bonne volonté des
Palestiniens. C’est la terre de nos
ancêtres. Nous n’avons pas l’intention
de l’évacuer, certainement pas pour y
laisser l’État islamique, Al Qaeda, ou
une autre organisation extrémiste qui,
certainement, gagnerait le contrôle de
ce territoire. » Et de constater
qu’avec l’actualité internationale
absorbée par l’affaire iranienne, l’État
islamique, les vagues de réfugiés
arrivant en Europe, et la crise
grecque : « Les Palestiniens ont un
problème. Dans le passé, la communauté
internationale réagissait follement à
chaque manipulation palestinienne.
Aujourd’hui le monde est bien moins
attentif à la ‘’souffrance
palestinienne’’. Les gens doivent
comprendre que cela ne résoudra pas le
problème »
http://www.timesofisrael.com/eu-labeling-of-west-bank-goods-is-a-red-line-israels-top-diplomat-warns/
Pas d’état
palestinien
Madame Hotovely a été nommée à ce
poste par le chef du gouvernement qui
conserve la haute main sur les Affaires
étrangères. En l’occurrence, Benjamin
Netanyahu. Il a déclaré durant la
campagne électorale, en mai dernier : « Moi,
élu, il n’y aura pas d’état palestinien ».
Mahmoud Abbas se doutait bien que
l’objectif du premier ministre sortant
n’était pas d’œuvrer pour une Palestine
indépendante. La coalition
gouvernementale, qui a vu le jour après
le scrutin, l’a confirmé. Le processus
d’Oslo, dont le président de l’Autorité
autonome fut un des principaux
architectes est un échec. « Mort
peut être mais pas enterré ! » m’a
répondu en Twitter Aharon Miller, ancien
conseiller de Bill Clinton. Le cimetière
d’Oslo attend !
Al Aqsa et
le mont du Temple
En quittant son QG à Ramallah, pour
se diriger vers le poste frontière du
pont Allenby – après avoir dument
demandé aux autorités israéliennes
l’autorisation de franchir les
checkpoints – Abbas constate, en
regardant autour de lui, que les
colonies s’élargissent de semaine en
semaine. 400 000 israéliens habitent
aujourd’hui la zone C qui s’étend sur
60% de cette peau de panthère qu’est
devenue la Cisjordanie. Plus que jamais,
un accord paraît impossible en raison du
point de fixation qu’est, à Jérusalem
Est, Al Aqsa, le troisième lieu saint de
l’Islam, qui est aussi le mont du Temple
pour le Judaïsme. De plus en plus
nombreux, des Juifs religieux le
visitent cinq jours par semaine sous la
protection de la police. Certes, ils
n’ont pas le droit d’y prier à voix
haute, mais pour les palestiniens, et le
monde musulman, ces groupes de jeunes
coiffés de kippas, accompagnés de leurs
rabbins, sont annonciateurs de la
volonté d’Israël de changer le statut de
ce lieu saint islamique. Benjamin
Netanyahu dément et affirme que ce n’est
absolument pas le cas. Il l’a répété au
roi Abdallah de Jordanie, mais en
accusant le Waqf, l’administration
musulmane – qui dépend d’Amman-
d’autoriser des jeunes lanceurs de
pierres palestiniens à y affronter la
police.
Chaussures
Le premier octobre au cours d’une
réunion des pays donateurs à l’Autorité
palestinienne aux Nations Unis à New
York, Mme Hotovely a, dans son discours,
expliqué aux délégations présentes que
traditionnellement, les Juifs, qui se
rendent sur le mont du Temple durant la
fête de Souccot, sont bénis. Elle a
accusé Mahmoud Abbas d’inciter à la
violence en déclarant que les Israéliens
se rendant à Al Aqsa profanent ce lieu
saint avec leurs chaussures. Nasser
Judeh, le ministre jordanien des
Affaires étrangères qui prenait ensuite
la parole, a mis de côté son discours
pour lui répondre : « Lorsque
des militaires israéliens pénètrent dans
la mosquée Al Aqsa avec des chaussures,
ils portent atteinte à la sensibilité
d’un milliard et demi de musulmans de
par le monde » Évoquant les permis
de travail en Israël accordés au
Palestiniens selon Hotovely, il a
ajouté : « A l’entendre on pourrait
croire que la situation en Cisjordanie
n’a jamais été meilleure. Il semble que
pour elle, il est inutile de négocier
une solution à deux états. Israël peut
se contenter de faire quelques gestes
économiques ! »
La
résignation
La marge de manœuvre de Mahmoud Abbas
est donc extrêmement limitée. Il a fini
par réaliser que sa stratégie tournée
vers les États Unis est un échec. Les
relations tendues entre Barack Obama et
Benjamin Netanyahu ne se sont pas
traduites par un rapprochement entre le
dirigeant palestinien et le président
américain qui n’a aucun soutien au
congrès, pour, le cas échéant, faire
pression sur Israël. Inutile de revenir
sur l’échec de la mission du secrétaire
d’état John Kerry en 2014. Tactiquement,
Abbas considère qu’il n’a plus que deux
voies possibles. Proclamer l’échec du
processus de paix, dissoudre l’Autorité
autonome, rendre les clés de la sécurité
et de l’administration des zones A et B
de Cisjordanie à Israël. Ou bien – peut
être simultanément- obtenir de l’Onu une
déclaration définissant la Palestine
comme un état sous occupation.
Évidemment cela plongerait la région
dans une crise encore plus grave.
A Washington, comme dans les
capitales européennes, on s’est résigné
à laisser la situation dégénérer en
attendant une crise si grave qu’Israël
sera bien obligé de demander
l’intervention de la communauté
internationale. La résignation c’est
donc attendre l’événement catastrophique
capable d’embraser la région.
(papier écrit au moment
où se déroulait un nouvel attentat au
couteau dans la vieille ville de
Jérusalem. Deux israéliens tués. Trois
blessés dont deux graves et un enfant de
deux légèrement touché. Le palestinien
auteur de l’attaque, tué par un
policier. Il était âgé de 19 ans. )
C.Q.F.D.
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