Opinion
En Argentine, la résistance populaire
met fin
aux projets de Monsanto
Capitaine Martin
Mercredi 9 avril 2014
Monsanto pensait bien voir son projet
aboutir en Argentine. Le numéro un sur
le marché des semences génétiquement
modifiées
avait à vrai dire mis le paquet : un
investissement de 160 millions de
dollars et la perspective de créer
quelque quatre cents emplois dans une
des régions les plus pauvres du pays.
L’urgence sociale, selon les dirigeants
de la multinationale, aurait dû faire
taire les protestations. Mais les choses
ont pris une tournure pour le moins
inattendue.
Les habitants de Malvinas Argentina et
des groupes de protection de
l’environnement ont réussi à obtenir de
la justice que leurs revendications
soient entendues. En effet, les travaux
entrepris par Monsanto sont pour le
moment arrêtés tant qu’un rapport n’aura
pas prouvé la non-dangerosité de ses
produits sur l’environnement. Mieux, la
pression sociale commencée il y a
quelques mois a conduit le gouvernement
provincial à revenir sur le projet-même
de l’entreprise. Federico Mavciocchi,
avocat de l’association « Malvinas
lucha por la vida » est très
clair : « nombre d’études ont déjà
été menées et toutes mettent en évidence
les dangers que Monsanto représente pour
l’environnement. On peut parler de
contamination ».
Le mouvement contre Monsanto gagne des
forces en Amérique latine ainsi que dans
les Caraïbes : les mouvements et les
populations locales, en Argentine mais
aussi en Haïti, au Brésil et au Pérou,
luttent pour l’interdiction des OGM et
des pesticides et pour un contrôle local
indépendant des semences et de
l’agriculture.
Les petits paysans se trouvent
aujourd’hui aux premières lignes de la
bataille contre l’augmentation des
cultures transgéniques, puisque ce
sont eux qui poussent vers la
souveraineté alimentaire et la mettent
en pratique. Le modèle agricole
néo-libéral pourrait être supplanté si
le modèle d’agriculture familiale, qui
actuellement produit la plus grande
partie de l’alimentation en Amérique
latine, recevait les investissements
publics destinés aux entreprises
agricoles industrielles pour les
cultures de canne à sucre, pour
l’éthanol, pour le soja et autres
monocultures agro-industrielles.
L’Argentine semble avoir pris la tête de
ce mouvement de contestation. En 2011,
un tribunal a confirmé une injonction
interdisant l’épandage de pesticides
près des habitations dans la province de Chaco.
Le tribunal a réaffirmé le principe de
précaution qui appelle à prendre des
mesures de protection en cas de risque
probable de dommages environnementaux.
Il a surtout mis l’accent sur la
priorité à la santé de la population qui
est plus importante que la production
agricole.
Ces décisions marquent une étape
importante et montrent l’intensification
nécessaire des luttes internationales
contre la production industrielle de
soja transgénique. Cette production doit
être arrêtée avant que l’utilisation de
pesticides toxiques, le déplacement en
masse de populations locales et
la commercialisation d’aliments
transgéniques dangereux ne créent
d’autres victimes.
Au moment où
la bonne santé du groupe américain est
saluée par la presse économique (un
chiffre d’affaires de 5,83 milliards de
dollars, en hausse de 6,6 %), le géant
Monsanto a été contraint de battre en
retraite. La globalisation a été cette
fois-ci du côté des luttes et de
l’espérance. David a vaincu Goliath en
terre argentine.
Capitaine Martin
Dossier Amérique latine
Les dernières mises à jour
|