Syrie
Palmyre occupée, Palmyre martyrisée,
mais Palmyre libérée !
Bruno Guigue
Photo:
Sana
Samedi 26 mars 2016
Joyau de la
civilisation universelle, mariage
architectural des cultures arabe et
gréco-romaine, emblème du métissage
culturel de l'Antiquité tardive, Palmyre
fut livrée il y a dix mois aux
fanatiques de Daech. Pas une cartouche
ne fut tirée, en effet, contre les
colonnes infernales en provenance du
désert irakien qui atteignirent la ville
en plein jour, alors même qu'une
"coalition antiterroriste" de soixante
pays, adossée à l'armada
nord-américaine, prétendait lutter
contre le monstre. Pour libérer Palmyre,
disait alors un blogueur hébergé par "Le
Monde", il faut d'abord "faire chuter
Damas". Et la France, comble de la
lâcheté et de l'hypocrisie, laissa faire
Daech "pour ne pas aider Bachar".
Des centaines de
soldats syriens, en revanche, donnèrent
leur vie pour défendre la ville, et des
dizaines d'entre eux, faits prisonniers,
furent sommairement exécutés dans une
mise en scène macabre qui se déroula au
cœur de la cité antique, conférant une
allure de tragédie grecque à ce crime
odieux. L'armée syrienne a dû abandonner
la ville, la rage au cœur, devant
l'avancée de ces mercenaires lourdement
équipés de matériel US et grassement
rémunérés par les amis de l'Occident,
les rois du pétrole.
Bien sûr, on a
entendu tous les mensonges possibles,
toutes ces calomnies qu'on lit encore,
ici ou là, chez des charlatans qui se
prétendent journalistes. Daech, cette
"créature de Bachar", aurait pris
Palmyre parce que le régime y trouvait
son intérêt ! Le tyran de Damas aurait
même passé un accord avec ceux qui
décapitent ses soldats alaouites ! Comme
si l'armée arabe syrienne n'avait rien
fait pour défendre la ville, et comme
si, aujourd'hui même, ses soldats
n'avaient pas payé le prix du sang et ne
cueillaient pas, enfin, le bénéfice
d'une victoire chèrement payée !
Car cette victoire
sur la mort et la destruction n'est pas
seulement la victoire d'une armée
courageuse, une armée de conscrits, une
armée laïque dont les soldats sont de
toutes confessions. En arrachant Palmyre
aux griffes des djihadistes venus de
partout et de nulle part, cette armée,
avec l'aide de ses alliés, continue de
couper les tentacules de l'hydre qui a
frappé à Bruxelles, à Paris, à Bamako et
ailleurs. Aujourd'hui, au moment où les
Belges pansent leurs plaies, des soldats
arabes se font tuer pour vaincre ceux
que les dirigeants occidentaux et leurs
complices du Golfe ont armés.
Comparaison ne vaut
pas raison. Mais le 25 août 1944,
l'interminable escalier menant à
Notre-Dame-de-la-Garde, à Marseille,
était couvert de corps ensanglantés. Ces
corps étaient ceux des tirailleurs
algériens qui se firent tuer par
centaines pour libérer la cité
phocéenne, cette ville méditerranéenne
d'origine grecque, elle aussi, qui subit
douloureusement l'occupation étrangère
jusqu'à sa libération dans le sang et
les larmes.
Bruno Guigue (26
mars 2016).
Bruno Guigue est un haut
fonctionnaire, essayiste et politologue
français né à Toulouse en 1962. Ancien
élève de l’École Normale Supérieure et
de l’ENA. Professeur de philosophie dans
l’enseignement secondaire et chargé de
cours en relations internationales dans
l’enseignement supérieur. Il est
l’auteur de cinq ouvrages et d’une
soixantaine d’articles. Aujourd’hui
professeur de philosophie, Bruno Guigue
est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont
« Aux origines du conflit
israélo-arabe, l’invisible remords de
l’Occident » (L’Harmattan, 2002).
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