Arabie saoudite
Collusion Wahhabo-sioniste en vue !
Bruno Guigue

Mercredi 2 novembre 2016
Mine de rien, et peut-être sans le faire
exprès, une députée israélienne vient de
découvrir le pot aux roses. Avec
ingénuité, cette élue du parti de gauche
"Meretz" a révélé les noms de 122
militaires israéliens et américains en
activité sur une base aérienne
saoudienne. Cette situation l'horrifie,
dit-elle, car ces militaires sont
inutilement exposés au "terrorisme
saoudien" ! On ne sait s'il faut
attribuer cette indignation à la candeur
des sionistes de gauche ou à leur
duplicité coutumière. Mais l'affaire a
le mérite de lever le voile sur la
collaboration militaire
israélo-saoudienne au moment où l'Arabie
saoudite est engagée dans une partie de
bras de fer avec l'Iran.
Selon
des sources citées par cette
parlementaire, l'opération viserait à
déployer un système antiaérien
extrêmement performant sur le sol
saoudien tout en consolidant le système
antimissile israélien "Dôme de fer". Un
accord en ce sens aurait même été
paraphé au cours de la visite de Barack
Obama à Riyad en avril 2016. Ainsi, la
Maison blanche ferait coup double. Les
Saoudiens nourrissant à l'égard des
missiles iraniens la même hantise que
les Israéliens à l'égard de ceux du
Hezbollah, l'Oncle Sam réunit ses deux
alliés régionaux en les gratifiant des
derniers joujoux du complexe
militaro-industriel.
D'étranges conciliabules laissaient
supposer que Riyad et Tel Aviv nouaient
clandestinement un partenariat militaire
malgré l'absence de relations
officielles entre les deux pays. On se
doutait bien que la non-reconnaissance
d'Israël par la pétromonarchie préférée
des Occidentaux n'était plus qu'un
héritage suranné, lié à la grande époque
de la "solidarité arabe" et voué par
l'esprit du temps à finir aux
oubliettes. De nombreux indices
nourrissaient le soupçon d'une telle
connivence, avivé par des convergences
d'intérêt qui n'échappent à personne.
Désormais, c'est fait. Un pas été
franchi. La coopération entre Israël et
les Saoud s'étale au grand jour avec la
bénédiction américaine. Il faut
d'ailleurs reconnaître que certains
Saoudiens avaient anticipé ce
rapprochement. Il suffit de rappeler les
déclarations prémonitoires du prince
Walid Ben Talal en octobre 2015.
Selon
le quotidien koweïtien "Al Qabas", il
déclara : "Je me rangerai du côté de la
nation juive et de ses aspirations
démocratiques dans le cas du
déclenchement d'une Intifada
palestinienne, et j'userai de toute mon
influence pour briser les initiatives
arabes sinistres visant à condamner
Tel-Aviv, parce que je considère
l'entente israélo-arabe et une future
amitié comme nécessaire pour empêcher
l'extension dangereuse de l'Iran". On
n'entendit guère les amis occidentaux
d'Israël, à l'époque, se scandaliser de
cette déclaration d'amour d'un coupeur
de tête esclavagiste pour la "seule
démocratie du Moyen-Orient" (si vous
êtes un laïque européen) ou la "lumière
des nations" (si vous êtes un puritain
américain).
Mais
continuons avec le prince Walid. "Par
conséquent, dit-il, l'Arabie Saoudite et
Israël doivent renforcer leurs relations
et former un front uni pour contrecarrer
le programme ambitieux de Téhéran". Fort
logiquement, la République islamique
d'Iran est en ligne de mire. Mais il y a
plus. Le quotidien koweïtien "Al Qabas"
précise que le prince Al-Walid BenTalal
s'est exprimé lors d'une tournée
régionale visant à obtenir un soutien
pour les rebelles saoudiens présents en
Syrie". Cette ultime précision dévoile
le fond de l'affaire. Car Washington,
Riyad et Tel Aviv ont le même désir de
provoquer la chute du président syrien.
Les Saoudiens sont les sponsors
officiels de ces hordes de mercenaires
décérébrés dont raffolent les
droit-de-l'hommistes. Mais Israël et les
USA sont les bénéficiaires ultimes de
cette tentative de destruction d'un Etat
syrien qui a trois fâcheuses manies : il
défend sa souveraineté, il soutient le
Hezbollah et réclame la restitution du
Golan.
Certains diront peut-être que les
relations entre Riyad et Washington ne
sont pas au beau fixe (on a beaucoup
entendu ce discours depuis le 11
septembre 2001). Ils noteront que depuis
la levée du veto présidentiel par le
Congrès les familles des victimes du 11
septembre peuvent saisir la justice
contre le pouvoir saoudien. Certes. Mais
il ne faudrait pas nourrir des illusions
démesurées sur la justice américaine.
Les services secrets des deux pays étant
mouillés jusqu'au cou, ils se couvriront
mutuellement. Le tandem infernal qui a
produit dans l'ombre les attentats du 11
septembre devrait traverser sans embûche
cette péripétie judiciaire.
Entre
les USA et l'Arabie saoudite, en
réalité, la relation est structurelle,
non conjoncturelle. Pétrole oblige ! La
soif d'hydrocarbures en est le ressort
historique. Mais ce n'est pas tout.
Depuis 1945, la doctrine rétrograde de
l'allié wahhabite présente aussi pour
Washington un gage rassurant de
conservatisme. Unis dans une même
aversion pour les rêveries des partageux
et une même envie de profit accumulé, le
puritanisme anglo-saxon et le rigorisme
wahhabite sont au diapason.
C'est
pourquoi, devant la triple menace qui se
profila à partir des années 50 (le
communisme pro-soviétique, le
nationalisme arabe, puis la révolution
iranienne), Washington joua résolument
la carte de l'obscurantisme religieux.
Le wahhabisme mondialisé est une force
de frappe idéologique, un redoutable
"soft power", une formidable machine à
décérébrer les masses musulmanes.
L'impérialisme l'utilisa, à grande
échelle, contre ces tentatives de
développement autocentré qu'incarnèrent
l'Egypte nassérienne, l'Algérie de
Boumediene, l'Irak baassiste, la Libye
de Khadafi, la République islamique
d'Iran et la Syrie d'Al-Assad.
Rempart contre l’influence soviétique,
antidote au nationalisme arabe
progressiste, opportun concurrent de
l'influence chiite : Washington prêta au
radicalisme wahhabite toutes les vertus.
En échange des livraisons de pétrole, il
laissa le champ libre à Riyad, qui
investit des sommes colossales dans la
formation de centaines de milliers de
prédicateurs obstinément littéralistes
et crétinisés par un fanatisme obtus.
Ces hordes de bavards prétentieux,
obsédés par la lettre et fermés à
l'esprit des textes, ont colporté depuis
un demi-siècle une doctrine qui est une
injure à la civilisation de l'Islam
classique et un affront à la modernité
éclairée par la raison. Cette propagande
religieuse d'une imbécillité crasse,
hélas, fut le vecteur insidieux d'une
régression culturelle sans précédent.
Plus
grave encore, le lavage de cerveau
wahhabite a contribué au désarmement
politique et idéologique du monde arabe.
Il l'a affaibli face aux convoitises
étrangères en frappant d'illégitimité,
au nom d'un panislamisme réactionnaire,
de jeunes Etats qui avaient l'audace de
vouloir incarner un pouvoir souverain,
moderne et séculier. La sauvage
agression contre la Syrie, en réalité,
est le dernier acte de cette
conspiration de l'impérialisme
occidental allié à l'obscurantisme
wahhabite contre la souveraineté
nationale arabe. Les pétromonarchies du
Golfe ne sont pas seulement les
bailleurs de fonds du terrorisme
takfiriste (quand il frappe des
musulmans) et djihadiste (quand il
frappe des non-musulmans). Avec la
bénédiction des puissances occidentales,
elles fournissent à ces mercenaires sans
foi ni loi leur dose quotidienne de
stupéfiant idéologique. Elles leur
inoculent cette haine toxique de la
différence religieuse qui est au
fondement de leur obscurantisme
sectaire. Le wahhabisme, c'est le
captagon des desperados du chaos.
Parce
qu'il est logé par les hasards de la
géologie sur une nappe d'hydrocarbures,
ce régime qui devrait être aboli séance
tenante par mesure de salubrité publique
est un partenaire de premier plan pour
Washington. Le complexe
militaro-industriel abonde en armements
dernier cri une dynastie dégénérée qui
rêve les yeux ouverts de gloire
militaire. Ne sachant que faire de leurs
montagnes de pétrodollars, ces parasites
jouisseurs goinfrés de pognon entrent
massivement dans le capital des
multinationales et placent leurs
excédents de liquidités en bons du
Trésor américain. Business is business !
Prêts à vendre leur mère pour amasser
davantage, ces ploutocrates du désert
communient avec ceux de Wall Street dans
la même dévotion pour le dieu-dollar,
ils se vautrent devant le Veau d'Or avec
la même ferveur, sans doute persuadés
d'être élus de Dieu, les uns et les
autres, pour goûter tant de félicité
terrestre.
Certes, vue des USA, l'Arabie saoudite
rend bien des services. Mais Washington
a une autre corde à son arc. Riyad
n'occupe pas le sommet du podium. La
fortune colossale accumulée par la
finance new-yorkaise a créé une
puissante oligarchie israélo-américaine.
Pour cette caste richissime, Israël est
beaucoup plus qu'un allié des
Etats-Unis. C'est le miroir où la nation
américaine contemple son modèle. Car
Israël est le peuple élu dont l'Amérique
reproduit l'épopée. L'Amérique est le
second Israël voué à civiliser le
Nouveau Monde en y répandant les
bienfaits de la libre entreprise. Même
croyance en une "destinée manifeste",
même métaphysique de l'élection. Cette
oligarchie prédatrice ne doute de rien.
Elle attribue sa puissance à la faveur
divine. Elle se croit choisie par Dieu
pour guider les nations.
Dictée
par le lobby pro-israélien, la politique
extérieure des Etats-Unis sert donc les
intérêts sionistes. L'immunité d'Israël
est garantie par le droit de veto
américain au Conseil de sécurité de
l'ONU. La colonisation israélienne,
cette injure au droit des peuples, peut
se poursuivre en toute impunité,
réduisant en miettes ce qui reste de la
Palestine. Barack Obama n'a rien fait
pour la freiner. Avant de tirer sa
révérence, il a pris la précaution
d'accorder à Tel Aviv une aide militaire
sans précédent de 38 milliards de
dollars. Le résultat ne s'est pas fait
attendre. Goldman Sachs a annoncé son
soutien à Hillary Clinton. Les millions
de dollars coulent à flots. Deux
candidats se disputent le pouvoir comme
des pantins désarticulés. Les docteur
Folamour du Pentagone rêvent d'atomiser
la Russie. En attendant, Wall Street
encaisse ses dividendes par milliards de
dollars.
Pour
exercer sa domination au Moyen-Orient,
l'impérialisme peut compter sur ses deux
garde-chiourme. Leur coopération
militaire est une divine surprise, une
formidable aubaine. Israël est une force
de frappe militaire dont la fonction est
de soumettre la nation arabe.
Ouvertement complice du projet sioniste,
l'Arabie saoudite est une force de
frappe idéologique dont la fonction est
de débiliter les masses. La force
militaire, l'argent sans limites, la
puissance de l'idéologie qui formate les
esprits. Le "hard power" au sionisme, le
"soft power" au wahhabisme. En tout cas,
c'est désormais officiel. Leur collusion
au service de la stratégie du chaos est
exposée au grand jour. Ces deux pustules
ont partie liée pour contaminer toute la
région. Alors les jeux sont faits ? Pas
sûr. Le vaccin est en préparation.
Bruno
Guigue (02/11/2016)
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