Arrêt sur Info
Des milliers de Frères Kouachi ravagent
le
Nord syrien avec l’aide de l’Occident
Bahar Kimyongür

Le cheikh
saoudien Abdallah al Mouhaysni et l’émir
Al Muslim le tchétchène,
2 des commandants de la bataille de Jisr
al Choughour
Jeudi 30 avril 2015
Plus personne ne met en doute le soutien
apporté par les USA au terrorisme
djihadiste en Afghanistan du temps de
l’URSS et à l’un de ses chefs, le
Saoudien Oussama Ben Laden. Cette vérité
fait partie de ces généralités que
Monsieur tout le monde sort volontiers
dans une discussion de comptoir ou au
coin du feu sans que cela ne choque.
Aujourd’hui, la collaboration
machiavélique entre les barbares de
Washington, leurs alliés « sunnites » du
Conseil de coopération du Golfe, Ankara
et Al Qaeda est accueillie avec le même
flegme. Mais attention au retour de
flamme. Car la Syrie n’est qu’à
mi-chemin entre Paris et Kaboul.
Un « tout petit carnage » à Charlie
Hebdo de 12 morts, tout petit comparé
aux dizaines de milliers d’Arabes
victimes du terrorisme et de la guerre
au Moyen Orient, et le président
Hollande déclarait la France « touchée
dans son coeur ».
Depuis 4 ans, le coeur des Syriens
est chaque jour criblé de balles, des
mêmes balles que celles qui ont décimé
la rédaction de Charlie Hebdo. Rien que
ces dernières semaines, des centaines de
soldats et de civils syriens ont été
massacrés à Alep et Idlib au Nord, à
Hama au centre et à Deraa au Sud. Depuis
un mois, le coeur des Yéménites saigne
aussi. Ce pays du bout de la Péninsule
arabique est pris en étau entre une
« coalition sunnite » aérienne conduite
par l’Arabie saoudite et une « coalition
sunnite » au sol conduite par Al Qaeda.
Les auteurs du carnage de Paris, les
frères Kouachi, se revendiquaient
précisément d’Al Qaeda au Yémen, cette
organisation terroriste appuyée par le
Conseil de Coopération du Golfe (CCG)
lui-même allié de l’OTAN contre les
forces patriotiques yéménites.
Au même moment, une autre « coalition
sunnite » conduite par le Front al Nosra,
branche syrienne d’Al Qaeda lançait une
offensive sans précédent dans le Nord
syrien depuis le territoire turc.
En moins d’un mois, cette coalition
qui se fait nommer « l’Armée de la
Conquête » (Jaysh al Fath) s’est emparée
de deux villes stratégiques situé à
quelques kilomètres seulement de la
Turquie : Idlib et Jisr al Choughour.
Des milliers de Frères Kouachi ont
ainsi déferlé depuis la province
d’Antioche en territoire turc sur la
province d’Idlib armés de missiles
anti-tanks américains TOW et de MANPAD
anti-aérien américains.
Rien ne semble pouvoir arrêter cette
armada terroriste qui ravage tout sur
son passage à coup d’attaques kamikazes
de masse.
Seule la noria d’ambulances turques
évacuant les combattants terroristes
vers les hôpitaux de la ville turque
d’Antakya semble témoigner du degré d’implicaton
d’Erdogan dans les batailles faisant
rage à Idlib.
Mais il y a aussi des indices clairs
d’une implication US directe tant du
point de vue de la logistique que de la
stratégie. L’invasion du Nord de la
Syrie par le Front al Nosra depuis la
Turquie survient en effet au moment du
lancement par Washington et Ankara d’un
programme d’entrainement sur mesure pour
les « rebelles syriens modérés »
(« modérés » par rapport à Daech, c’est
dire…) dans les casernes de la
gendarmerie turque.
Ce programme appelé en turc ’Egit-Donat’
(Formation et Equipement) a suscité la
colère de la population d’Antioche qui a
manifesté ce samedi en arborant des
drapeaux syriens et des portraits d’Assad.
Les experts en stratégie militaire
sont unanimes sur un point : « l’Armée
de la Conquête » pro-Al Qaeda doit son
succès dans le Nord syrien à la
réconciliation entre le sultan turc
Erdogan, le Roi saoudien Salmane et
l’émir qatari Tamir. Cet aveu révèle les
liens profonds qui existent entre
l’organisation de Ben Laden et les
alliés « sunnites » de l’Occident. (*)
Il banalise l’idée que l’organisation
barbare qui a abattu les tours jumelles
à New York en 2001, ensanglanté Madrid
en 2004, Londres en 2005 et Paris en
2015 est l’allié de l’Occident contre
tous les Etats et entités non alignés du
Moyen-Orient : la Syrie, l’Iran, le
Yémen et le Hezbollah.
Un simple rappel à toutes les belles
âmes qui considèrent Al Qaeda comme un
moindre mal en Syrie : les terroristes
qui occupent aujourd’hui Jisr al
Choughour se sont livrés à des
exécutions publiques et autres scènes
d’horreur dans toute la campagne de la
province d’Idlib.
Ces mêmes terroristes ont envahi la
côte syrienne le 4 août 2013, massacrant
et prenant en otage des centaines de
villageois alaouites de la province de
Lattaquié. L’ONG HRW a publié un rapport
accablant à ce sujet intitulé : « On
peut encore voir leur sang ».
Au printemps 2014, ils ont occupé et
pillé le village arménien de Kessab dans
la province de Lattakieh avant d’être
repoussés par l’armée syrienne et les
Forces de défense nationale (NDF).
Il y a quelques jours, le village d’Ichtibraq
dans la province d’Idlib a subi un raid
terroriste. Les survivants de ce village
aujourd’hui désert évoquent le massacre
d’une trentaine de civils, vieillards et
enfants inclus, par le Front al Nosra
(Al Qaeda en Syrie). Le crime des
suppliciés ? Simplement être des
alaouites, des « mécréants noussayris »
selon la rhétorique de leurs bourreaux.
Bienvenue dans la Syrie « libérée » par
Al Qaeda !
(*) Le mot « sunnite » est placé
entre guillemets pour 2 raisons : 1.
Tous les Etats sunnites ne se sentent
pas forcément représentés par la
coalition saoudienne. L’Algérie sunnite
et le Sultanat d’Oman, membre du CCG,
n’en font pas partie de la coalition
anti-Yemen. 2. Les cibles visées par les
différentes coalitions pro-Saoud sont
elles aussi sunnites : l’armée syrienne
est majoritairement composée de soldats
sunnites et la rébellion houthie au
Yémen est elle aussi alliée à plusieurs
tribus sunnites.
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