Prisonniers
Campagne Eau et
Sel :
la détention administrative, un crime
contre l'humanité
Badia Dwaik
Dimanche 22 juin 2014
Cela fait aujourd'hui 59 jours
consécutifs que des détenus palestiniens
sont en grève de la faim. Nous venons de
recevoir des nouvelles des prisons, les
prisonniers refusent maintenant l'eau,
l'élément essentiel pour la vie, sans
lequel la mort est inévitable. Environ
100 grévistes sont actuellement à
l'hôpital et Netanyahu, le Premier
ministre d'Israël, a ordonné qu'ils
soient alimentés de force, ce qui est
une forme de torture qui viole les
conventions internationales. Le détenu
administratif Ayman Tbeisheh, de Dura,
près d'Al-Khalil, est en grève de la
faim depuis 114 jours.
La
détention administrative est un vestige
du mandat britannique. Elle autorise que
des gens soient arrêtés sans inculpation
ni procès, et elle est renouvelable par
ordonnance militaire. La détention sans
procès est autorisée dans le droit
international, mais elle ne doit
s'appliquer que dans des cas extrêmes,
lorsqu'il y a un danger imminent. En
ayant recours à la détention
administrative, l'Etat d'Israël enfreint
la Convention de Genève, dont il est
signataire. Le quotidien israélien
Ha'aretz décrit la détention
administrative :
"(...) comme l'une des mesures les plus
offensives qu'un régime peut prendre
contre les droits civils des individus.
En Israël, tout officier militaire dans
les territoires peut faire incarcérer
une personne presque indéfiniment et
sans supervision judiciaire. Les
procédures de détention administrative
n'exigent pas que le détenu soit informé
des charges retenues contre lui, les
avocats ne peuvent pas le défendre et
les preuves à son encontre ne font pas
l'objet d'un examen judiciaire."
Le droit international reconnaît la
détention administrative, mais il en
restreint l'usage en le limitant à des
cas impliquant un danger pour la
sécurité publique contre lequel il n'y a
pas d'autre prévention. Israël,
cependant, l'utilise à outrance dans les
territoires, principalement pour
protéger des sources ou empêcher que
soient exposées les méthodes des
services de sécurité du Shin Bet.
De plus, Israël pratique un système
d'apartheid. Les Palestiniens sont
traduits devant des tribunaux militaires
avec, d'après l'organisation israélienne
de défense des droits de l'homme
B'Tselem, un taux de condamnation de
97,7%. Il y a plus de 5.200 prisonniers
politiques dans les geôles de
l'occupation israélienne, et parmi eux
270 enfants de moins de 18 ans, en
infraction aux conventions
internationales pour les droits de
l'enfant.
La grève de la faim des détenus
administratifs n'a pas pour but une
amélioration des conditions de détention
mais elle est de nature politique. Le
principal enjeu est de fermer à jamais
le dossier de la détention
administrative comme forme violente de
détention. Parmi les témoignages des
détenus qui ont vécu ce type de
détention, Imad Abu Shamsieh raconte
qu'il a été détenu administrativement 6
fois :
"Lorsque vous êtes détenu, ils vous
interrogent et vous torturent
psychologiquement pendant plusieurs
semaines, puis ils vous transfèrent en
détention administrative sans aucun
procès. Ensuite, lorsque votre période
de détention est finie, vous dites
au-revoir à tous vos amis, et vous
montez dans l'autobus qui est censé vous
emmener loin de la prison, vous êtes
surpris quand ils vous apportent un
papier qui dit que votre détention est
renouvelée, et quelquefois, lorsque vous
êtes enfin à la maison, ils vous
arrêtent, ce qui affecte d'un point de
vue psychologique quiconque était privé
de liberté et qui en rêvait tous les
jours en prison."
La grève de la faim, connue sous le nom
de Campagne de l'Eau et du Sel, a
engendré une mobilisation notable qui
grandit au fur et à mesure que le grève
se prolonge. Même au plan international
on note davantage de soutien et de
sympathie pour les prisonniers
palestiniens. Dans le cadre de cette
grève, de nombreux événements sont
organisés dans toute la Palestine, y
compris dans la "Palestine à l'intérieur
de la Ligne Verte", qui unissent tous
les Palestiniens où qu'ils soient autour
d'une cause commune.
Attaque israélienne d'une
maison palestinienne à Halhul,
près d'Al-Khaélil, le 16 juin 2014 (Oren
Ziv / ActiveStills)
Campagnes pour la liberté,
enlèvement et châtiment collectif
L'objectif des nombreuses campagnes est
d'attirer l'attention sur les
prisonniers politiques, comme la
Campagne pour la libération de Shireen
al-Issawi, la soeur de Samer al-Issawi,
le super-héros qui a fait le plus longue
grève de la faim jamais enregistrée.
Porte-parole centrale de cette campagne,
Shireen était avec un groupe d'autres
avocats et deux de ses frères Medhat et
Shadi. Elle a été arrêtée le 6 mars
2014. Medhat a déjà passé 18 ans de sa
vie en prison. Lui et Shireen sont
toujours incarcérés. Leur mère, Raafat
al-Issawi, militante politique bien
connue, m'a dit que le nombre total
d'années que sa famille a passé dans les
geôles israéliennes est d'environ 58
ans. Elle m'a dit que la détention de
Shireen et de ses collègues est une
vengeance.
Il y a d'autres campagnes, et parmi
elles la Campagne pour Lina Al-Jarboni,
qui a 40 ans et qui est en prison depuis
13 ans.
Maintenant trois Israéliens, dont deux
sont des colons et le troisième un
soldat dans l'armée israélienne, ont
disparu. On a dit qu'ils étaient dans le
bloc de colonies "Gush Etzion" avant
leur disparition, une zone sous contrôle
sécuritaire total d'Israël. Le
gouvernement israélien a accusé les
Palestiniens, en particulier ceux qui
vivent à Al-Khalil, d'être les
ravisseurs.
Israël a commencé, contre toute la
population de la Cisjordanie , une
campagne de châtiments collectifs qui
touchent 750.000 personnes. L'un d'entre
eux est l'interdiction de voyager par le
pont entre la Jordanie et la Palestine.
De plus, les Israéliens empêchent les
Palestiniens de Al-Khalil d'entrer en
Israël pour travailler même s'ils sont
en possession d'un permis de travail.
Ils ont également fermé plusieurs routes
qui relient la ville aux autres villes
et villages. Ils ont envahi plusieurs
quartiers, saccagé des maisons et le
mobilier. Ils ont arrêté près de 400
Palestiniens en quatre jours et placé
certains d'entre eux en détention
administrative.
Certains points valent la peine d'être
notés, au sujet de soi-disant kidnapping
des 3 colons : 10 heures se sont
écoulées avant la première déclaration
de l'opération kidnapping. Pourquoi
Israël a-t-il perdu ces précieuses
heures pour les retrouver ? Ensuite, une
grande confusion accompagne la campagne.
Quelquefois Israël accuse le Jihad
islamique, puis le Hamas, et la dernière
fut Tzipi Livni, qui a accusé la
soi-disant organisation Daash, une
organisation terroriste [L’Emirat
Islamique en Irak et au Levant, EIIL].
Aucune organisation palestinienne n'a
revendiqué l'opération. Accuser
l'organisation Daash est peut-être juste
une nouvelle tentative de lier la lutte
palestinienne et le terrorisme
international.
Enfin, Israël essaie de détourner
l'attention sur les Israéliens kidnappés
au dépens du sujet principal, qui est
l'occupation israélienne et en
particulier en ce moment, la question
des prisonniers. Les Israéliens veulent
que la grève de la faim passe au second
plan parce qu'elle suscite un soutien
populaire et même international.
Il y a quelques semaines, deux jeunes de
16 ans, Nadin Nuwara et Mohammed Abu
Taher sont morts sous les balles des
troupes israéliennes pendant la
manifestation du jour de la Nakba, en
Cisjordanie . La vidéo montre qu'ils ne
constituaient aucune menace aux forces
israéliennes au moment de leur mort.
Israël traite les Palestiniens comme
s'ils étaient des pierres sans sentiment
de dignité. Tout ceci se passe dans nos
vies quotidiennes et nous continuons de
lancer le message de paix et de justice
pour tous.
Le
déploiement de la terreur, Al-Khalil, 16
juin 2014
Un message de liberté et de paix
Enfin, mon message est un message de
notre peuple aux Israéliens, et en
particulier aux mères des kidnappés.
"Chères mères israéliennes, le temps est
venu pour vous de ressentir ce que nos
mères ressentent et souffrent. Nous
sommes des humains comme vous, et nous
avons le même sang. Notre sang n'est pas
gratuit. Nous avons des émotions et des
douleurs.
A cause de ce qui s'est passé, nous
avons besoin que vous fassiez pression
sur votre gouvernement pour qu'il libère
nos prisonniers politiques dans les
geôles israéliennes. Puisque nous
prêtons attention et avons des
sentiments pour vos mères, pourquoi ne
vous souciez-vous pas de nos plus de
5.200 fils dans les prisons israéliennes
? Nous voulons que nos garçons rentrent
à la maison sains et saufs. Nous pensons
qu'un humain est un humain. L'humanité
n'est pas divisée. Pourquoi ne vous
souciez-vous pas de nos vies sous
l'occupation israélienne ? Nous voulons
vivre en paix sans occupation et sans
prisonniers en prison. Nous ne sommes
pas un peuple sanguinaire. Nous ne
haïssons pas les Juifs parce que notre
ennemi est l'occupation, rien d'autre,
et nous sommes contre les bains de sang
et la haine. Nous souhaitons que tous
nos fils, des deux côtés, rentrent à la
maison."
Publié le 25 juin 2014 avec l'aimable
autorisation d'ISM
Le dossier des prisonniers palestiniens
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