Syrie
Syrie / ONU :
Les contrevérités d’un euphémisme
meurtrier
Bachar al-Jaafari

Samedi 19 septembre 2015
Le 16 septembre 2015 s’est tenue une
séance du Conseil de sécurité consacrée
à la situation humanitaire au
Moyen-Orient et à l’examen des
résolutions 2139, 2165 et 2191, adoptées
en 2014. Le Secrétaire général adjoint
aux affaires humanitaires, M. Stephen
O’Brien, a lu le rapport sur la
situation humanitaire en Syrie [1][2].
Voici la réponse de Dr Bachar
al-Jaafari, Délégué permanent de la
Syrie auprès des Nations Unies.

Monsieur le
Président,
J’aimerais remercier
M. O'Brien pour son important exposé
d’aujourd'hui [1], mais permettez que je
vous donne mon avis sur certains points
de son discours.
M. O'Brien a eu
raison de souligner la nécessité de
traiter les causes profondes de la crise
syrienne, lesquelles causes sont à
l’évidence politiques et non
humanitaires. Un premier point, sur
lequel je m’expliquerai en partant des
propos, certes très importants, que le
Secrétaire général adjoint vient de
tenir, non pour le critiquer ou
critiquer le rapport du Secrétaire
général, mais plutôt pour éclairer
l’image globale, telle qu’elle a été
donnée, de la situation humanitaire dans
mon pays, la Syrie.
Comme vous le savez,
Mesdames et Messieurs, ce respecté
Conseil a adopté une série de
résolutions pour lutter contre le
terrorisme et, il y a deux jours, la
Présidence russe, que nous remercions, a
organisé un événement à l'occasion du
dixième anniversaire de l’adoption de la
Résolution 1624, laquelle a été suivie
par la Résolution 1989, puis la
Résolution 2199 ; autant de résolutions
contraignantes interdisant l'incitation
au terrorisme, le financement du
terrorisme, le soutien du terrorisme,
avant tout aux États membres de l’ONU
tenus de ne pas recourir au terrorisme
comme politique de pression sur d’autres
États membres ; ce qui est merveilleux
d’un point de vue théorique, mais n’est
pas appliqué en pratique.
Ainsi, en Syrie :
-
Au nord, sévissent des
groupes hors la loi de terroristes
armés surnommés l’« Armée de la
conquête » [Jaïch al-Fath], financée
par le Qatar et la Turquie, et qui
envoie tous les jours des milliers
d’obus sur Alep, tuant des centaines
et mutilant des milliers de nos
citoyens, les empêchant de subvenir
à leurs besoins élémentaires au
quotidien.
-
Au sud, sévit une
autre armée terroriste financée par
l'Arabie saoudite et la Jordanie,
état membre de cette organisation,
pays frère et voisin de la Syrie.
Une armée qui procède de la même
manière par d’abjects actes
terroristes contre nos citoyens dans
cette région.
-
Dans les banlieues de
Damas, sévit une autre armée encore,
à partir de la ville de Douma
mentionnée par M. O’Brien ; un
groupe de terroristes financé par
l’Arabie saoudite, se faisant
appeler l’« Armée de l’Islam » [Jaïch
al-Islam].
Rapidement et en une
minute, je viens de vous résumer l’image
globale de ces terroristes qui
constituent trois armées, la première
sous commandement de la Turquie, la
deuxième sous commandement de la
Jordanie, la troisième sous commandement
de l’Arabie saoudite et du Qatar ; alors
qu’à notre grand regret, le rapport du
Secrétaire général les qualifie de «
groupes armés non-étatiques ».
Nous parlons de
groupes terroristes. Il parle de «
groupes armés non étatiques » ! Une
expression des plus neutres et, comme
vous le savez, sans aucun rapport avec
les vertus de vos résolutions en matière
de lutte contre le terrorisme.
Par conséquent, il
s’agit d’un problème politique par
excellence. Il est la cause de
l’augmentation paroxystique des
souffrances humaines en Syrie ; le
phénomène des réfugiés n’étant qu’un des
aspects, devenu la principale
préoccupation de l'opinion publique, de
la presse et des médias internationaux.
La tragédie vécue par
le peuple syrien est immense, mais
malheureusement jusqu’ici ce respecté
conseil n’a même pas effleuré la
véritable raison qui pousse certains
Syriens à quitter le pays contre leur
gré.
C’est le terrorisme,
Mesdames et Messieurs, qui est la
principale raison de la crise
humanitaire et de la fuite de ce grand
nombre de Syriens en dehors de mon
pays ; le terrorisme en premier lieu,
puis les mesures coercitives
unilatérales associées, imposées au
peuple syrien et qualifiées improprement
de sanctions économiques. Ce sont là les
raisons majeures de la paralysie de la
vie économique, de la destruction des
infrastructures, de la fermeture de
centaines voire de milliers d’usines, et
donc de la destruction des emplois, de
l’augmentation du chômage et de
l’oisiveté.
La troisième raison
de cette tragédie est l’exploitation de
l’invasion continue par des vagues de
terroristes et de mercenaires venus, par
dizaines de milliers de partout dans le
monde à partir d’une centaine de pays
membres de cette organisation
internationale, dont l’Australie, les
États-Unis, la Grande-Bretagne, la
France, la Belgique, l'Espagne, la
Libye, la Tunisie, l’Arabie Saoudite, le
Qatar, les Émirats arabes unis, le
Koweït… C’est ce qui ressort d’un
rapport que vous avez vous-même rédigé.
C’est vous qui avez donné toutes ces
précisions.
Ils détruisent les
richesses archéologiques en Syrie comme
en Irak et s’enrichissent de la
contrebande de leurs antiquités vendues
aux enchères à Londres. Comment
sont-elles arrivées jusqu’à Londres ?
Ils volent le gaz et le pétrole syriens
et irakiens et les vendent à l’Union
européenne par l’intermédiaire de
négociateurs turcs, ce qui les nourrit
encore plus. Ils capturent et
maltraitent les femmes syriennes et
irakiennes. Quant à l’image du petit Aylan, elle aura en quelque sorte rendu
service au peuple syrien, car elle a mis
en lumière certains aspects du
terrorisme, négligés par les médias, les
politiciens et les diplomates, et
notamment pourquoi les enfants ne vont
plus à l’école. Pourquoi ?
Désormais, il est
clair que si nos enfants ne fréquentent
plus les écoles dans nombre de nos
régions, c’est parce qu’elles ont été
détruites ou contrôlées par ces
terroristes qui leur dispensent un
enseignement inspiré des programmes de
l'Arabie saoudite et des Pays du Golfe :
les méthodes de décapitation, la haine
de toutes les religions, la haine de
tous ceux qui ne partagent pas leurs
opinions.
Daech est-il né du
néant ? Non, il n’est pas né du néant.
Il est né de ceux qui l’ont adopté,
soutenu, financé, et lui ont permis de
s’enrichir par la contrebande des
antiquités et du pétrole.
En dépit de tout ce
qui précède, certaines délégations
persistent à tourner dans leur cercle
vicieux avec l’unique souci de diffamer
le Gouvernement syrien, le Président
syrien et l’Armée syrienne ; alors que
d’autres n’ont tenu compte que des
témoignages d’un Irakien et d’un Syrien,
organisant sous la Formule Arria, une
réunion intitulée « Groupes vulnérables
dans les conflits : poursuite du groupe
des LGBT par Daech », comme si le
travail du Conseil de sécurité ne se
réduisait qu’à cela et pouvait le
dispenser de travailler à une solution
politique conduite par les Syriens
eux-mêmes, sans ingérence étrangère
selon vos propres résolutions.
Aujourd'hui même,
j’ai adressé à l'attention du Président
du Conseil de sécurité plusieurs
lettres. La première est la réponse du
gouvernement syrien au dix-neuvième
rapport du Secrétaire général sur
l'application des Résolutions 2139, 2165
et 2191. Les autres donnent les noms et
prénoms des centaines de victimes
tombées à Alep et à Damas sous les obus
des « groupes armés non étatiques »
comme le veut le rapport du Secrétaire
général, ces mêmes « armées
terroristes » dont je viens de vous
parler ; alors qu’au cours de ces
dernières années nous n’avons cessé
d’attirer votre attention sur les
exactions des terroristes armés et
financés par la Turquie, le Qatar,
l'Arabie saoudite et la Jordanie.
Mais la mise en scène
se poursuit jusqu’à cet instant précis,
puisque certains font mine de ne pas
savoir et persistent à désigner des
terroristes par l’étiquette : « groupes
armés non étatiques ».
Pourquoi cette
étiquette n’est-elle réservée qu’à la
Syrie ? Je ne sais pas !
Pourquoi seul le
terrorisme qui opère en Syrie et en Irak
est qualifié d’« armée non étatique » ?
Pourquoi n’importe
quel individu ayant commis un acte
terroriste aux États-Unis, en France, en
Espagne, en Grande Bretagne ou en
Belgique, est-il qualifié de
terroriste ?
Pourquoi le couvrir
quand il s’agit de la Syrie ?
Pourquoi lui chercher
des excuses ?
Pourquoi cette
appellation de « groupes armés non
étatiques » ?
Le Gouvernement
syrien est un gouvernement légitime et
il est de son devoir de protéger ses
citoyens, de faire respecter leur
Constitution et de combattre le
terrorisme. Mais nous ne pouvons le
faire seuls. Nous avons besoin de votre
soutien, de votre vigilance et de votre
compréhension pour réduire le danger
terroriste auquel nous sommes confrontés
en Syrie, en Irak, et dans toute notre
région ; un danger qui commence à
menacer vos pays aussi.
Je souhaite
sincèrement que vous traitiez la crise
syrienne à l’écart des agendas
politiques interventionnistes de
certains gouvernements, y compris ceux
d’États membres de ce Conseil de
sécurité. Les souffrances du peuple
syrien s’accumulent et se multiplient.
C’est assez !
Nos souffrances ne
sont pas une marchandise à vendre et
nous ne sommes pas dans un bazar de
« business immoral » qui fait commerce
de la douleur de notre peuple. Nous ne
voulons pas que notre peuple émigre vers
d’autres pays. Nous voulons que ceux qui
ont quitté reviennent ; mais avant,
arrêtez ce terrorisme, arrêtez de le
soutenir. Arrêtez les sanctions
économiques. Arrêtez les ingérences
turque, saoudienne, qatarie et
jordanienne. Arrêtez les entraînements
militaires de l’« opposition terroriste
modérée ! ».
Arrêtez, et tout sera
prêt pour la solution politique. Le
Gouvernement syrien est ouvert à une
telle solution et ouvert à s’entendre
avec l’« opposition patriote modérée »,
non avec des terroristes que vous ne
voudriez même pas côtoyer.
Encore une fois, nos
souffrances sont devenues immenses.
Notre douleur est grande. Et notre
regret est profond devant toutes ces
ingérences étrangères dans nos affaires
intérieures, et devant toutes ces
lectures erronées de la situation en
Syrie par certains États. Car, couvrir
les agissements de Daech, de Jabhat al-Nosra,
de Jaïch al-Fath, de Jaïch al-Islam et
de tout le reste de ces organisations
terroristes, c’est leur signifier que
leurs actions sont légitimes et que
certains États les protègent.
C’est pourquoi ils
continuent de terroriser, alors que nous
avons besoin de la concrétisation de
l’initiative avancée par le président
Poutine visant à créer une coalition
internationale efficace pour combattre
le terrorisme.
Merci, Monsieur le
Président.
Dr Bachar al-Jaafari
Délégué permanent de
la Syrie auprès des Nations unies
16/09/2015
Source :
vidéo YouTube [Nizar Abboud], à partir
de 14’30’’
Why UN Officials Euphemistic When
Mentioning Terrorists in Syria
https://www.youtube.com/watch?v=4QF1GOcKhkQ&feature=youtu.be
Transcription et
traduction par Mouna Alno-Nakhal
Notes :
[1] Middle East (Syria) - Security
Council, 7524th meeting
16 Sep 2015 - The
situation in the Middle East (Syrian
Arab Republic)
Report of the Secretary-General on the
implementation of Security Council
resolutions 2139 (2014), 2165 (2014) and
2191 (2014) (S/2015/698)
http://webtv.un.org/meetings-events/security-council/watch/middle-east-
syria-security-council-7524th-meeting/4489503853001
[2] UNDER-SECRETARY-GENERAL FOR
HUMANITARIAN AFFAIRS AND EMERGENCY
RELIEF COORDINATOR, STEPHEN O’BRIEN
https://docs.unocha.org/sites/dms/Documents/16
Sept 15 USG Syria Sec Co.pdf
Le
dossier Syrie
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
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