Analyse
La Libye, une confrontation
multidimensionnelle
Antoine Charpentier
Lundi 27 janvier 2020 Depuis
l’intervention militaire occidentale en
Libye le 19 mars 2011, sous l’égide de
l’ONU et ce pays vit une situation très
complexe agrémentée par des divisions et
des guerres internes, le tout couronner
par des ingérences étrangères de tous
types.
À travers plusieurs
stratagèmes bien rodés et une multitude
de mensonges, le camp occidental a fait
voter à l’ONU la résolution 1973, qui
lui a permis d’intervenir en Libye sous
prétexte d’en finir soi-disant avec la
dictature du colonel Mouammar Kadhafi,
dans le but d’instaurer la liberté et la
démocratie. Toutefois, il convient de
préciser que le président libyen n’était
pas totalement un ennemi juré de
l’Occident.
L’intervention
occidentale en Libye a engagé ce dernier
dans une voie qui semble pour le moment
sans issue. La Libye a été mise en sac,
sans que des pays comme la Russie ou
encore la Chine puissent s’opposer au
désastre, comme ce fut le cas pour la
Syrie. Aujourd’hui le conflit libyen
s’éternise, menaçant en même temps la
fragile stabilité africaine, mais
également européenne. La récente arrivée
de la Turquie sur la scène libyenne, sa
confrontation idéologico-politique avec
l’Égypte d’une part et l’Arabie Saoudite
d’autre part rend la situation encore
plus complexe.
Nous constatons en
prime abord des divisions européennes au
sujet de la Libye, ce qui n’est pas le
cas pour la Syrie où le camp européen
semble uni, de bon gré ou de force. La
chancelière allemande Angela Merkel
affirme haut et fort que la solution en
Libye est politique. Toutefois, il
n’existe aucune solution sérieuse
proposée par les européens. Le conflit
libyen dégénère aux portes de l’Europe
attirant une multitude de mercenaires et
de terroristes, ainsi que l’intervention
de la Russie ou encore la Turquie, avec
qui l’Europe n’est pas vraiment en bon
terme. Le 19 janvier 2020 Berlin a
organisé une conférence internationale
au sujet de la Libye en présence de 12
États et 4 organisations internationales
ainsi les chefs libyens en conflit,
Khalifa Haftar et Fayez Sarraj, ceci
sans aucun résultat tangible.
La situation en
Libye préoccupe également l’Europe d’un
point de vue de l’arrivée massif de
réfugiés sur ses côtes. Cette dernière
est bien consciente que toutes
dégénérations totales en Libye
pourraient aboutir à une déferlante de
barque de réfugiés vers son territoire.
À cela s’ajoute les menaces quasi
permanentes du président Recep Tayyeb
Erdogan de renvoyer les réfugiés syriens
et autres vers l’Europe. Ce qui a
nécessité le 24 janvier une visite de la
Chancelière allemande en Turquie.
La Russie revient
en force sur la scène libyenne et malgré
ses déclarations d’être l’intermédiaire
entre Fayez Sarraj et Khalifa Haftar,
elle semble plus soutenir ce dernier.
Ceci se traduit par son veto au Conseil
de Sécurité des Nations Unis en sa
faveur. Il convient également de prendre
en compte que la réussite de la Russie
en Syrie, motive cette dernière
d’intervenir en Libye, comme dans
d’autres régions dans le monde. Tout de
même, la Russie tente de prendre sa
revanche en Libye, après l’erreur
stratégique qu’elle a commise en 2011 se
privant de mettre son veto à la
résolution 1973 de l’ONU. La Russie
aspire également à avoir une plus grande
part du pétrole et du gaz libyen,
notamment après la signature effectuée
en février 2017 entre le président de la
firme nationale libyenne de pétrole et
l’entreprise Rosneft russe.
Actuellement la
Libye est un champ de confrontation
entre Istanbul et le Caire. Cette
dernière voit dans l’intervention turque
une réelle menace. Tandis que les
objectifs de la Turquie sont multiples,
allant du fait de briser son isolement
opérant au-delà de ses frontières,
jusqu’au maintenir une position
confortable en méditerranée, afin
d’avoir une belle part des ressources
gazières. L’intervention turque en Libye
permet à Ankara de se positionner comme
un interlocuteur privilégié en
méditerranée, surtout face à l’Europe.
Enfin, par son intervention en Libye, la
Turquie semble vouloir déplacer les
factions armées qui lui sont liées en
Syrie, afin d’éviter leur éparpillement
sur son territoire à l’issue de la
bataille d’Idleb, en Syrie.
Plusieurs acteurs
interfèrent dans la crise libyenne,
ayant chacun ses propres intérêts et sa
propre stratégie, prenant parti pour
Fayez Sarraj ou pour Khalifa Haftar.
Tandis que d’autres envie les richesses
naturelles de la Libye ainsi que sa
place géographique.
La confrontation en
Libye est multidimensionnelle, elle
comporte en premier lieu une guerre
entre les forces libyennes de Sarraj et
de Haftar, puis une confrontation
européenne notamment entre l’Allemagne
et la France. L’affrontement est
également entre la Turquie et l’Égypte.
Enfin, l’Algérie tente d’impliquer les
pays africains voisins à la Libye afin
d’unir leurs efforts, contribuant à une
solution viable. Toutefois, elle demeure
dans une confrontation implicite avec le
Maroc dans le dossier libyen.
Une chose est
certaine est que la guerre en Libye
continue bel et bien, sans avoir à
l’horizon une solution politique
quelconque ou un cesser le feu durable.
Reçu d'Antoine Charpentier pour
publication
Le
sommaire d'Antoine Charpentier
Le dossier
Libye
Les dernières mises à jour
|