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Les médias occidentaux: marionnettes ou
agents inconscients de l’expansion
américaine ?
Alexandre Latsa
©
Photo. jamdesign
Lundi 9 février 2015
En mars et mai 2014 j’ai été invité à
m’exprimer (très brièvement) sur la
chaine française LCI, à propos de
l’évolution de la situation en Ukraine.
J'ai dit, à l'encontre de tout le mainstream médiatique ambiant de
l'époque, que la Russie n'avait aucun
intérêt à une partition de l'Ukraine, et
les européens non plus.
J'ai aussi affirmé que les
évènements en cours avaient leur source
hors d'Europe et plus précisément en
Amérique.
Il est vrai que quelques semaines
auparavant, la presse russe avait révélé
un
enregistrement bien embarrassant,
repris par le Huffington Post. La
secrétaire d'état adjointe (américaine)
chargée de l'Europe, Victoria Nuland, et
l'ambassadeur des États-Unis en Ukraine,
Geoffrey Pyatt, discutaient de la
situation chaotique qui s'installait en
Ukraine, et madame Nuland a prononcé une
phrase pas très diplomatique: Que l'UE
aille se faire foutre. Cette phrase
résume parfaitement la façon dont
Washington manage sa relation avec son
allié européen: L'UE n'a pas à donner
son avis sur les affaires européennes.
L'Europe a
lancé une véritable propagande
américaine
© Photo Johann Gudenus
Dès le début de cette crise en
Ukraine, les rares commentateurs qui ont
accusé Washington de déstabiliser la
région se sont fait traiter d'agents
russes. On entend bien que le
journaliste français de LCI qui
m'interroge me présente tout
naturellement comme: Le point de vue
russe, pour ne pas dire la voix de
Moscou, rien que ça! Pourtant je ne
représente ni la Russie ni la France, je
fais seulement partie des millions
d'Européens qui s'inquiètent de voir
l'Union Européenne transformée en
protectorat américain. Je fais aussi
partie de ceux qui, dans de nombreux
pays, souhaitent un monde multipolaire.
A ma connaissance du reste, LCI n'a
pas relevé que le président Barack
Obama, qui n'est pas la voix de Moscou,
vient récemment de confirmer ce que je
disais, en affirmant que
l'administration américaine a clairement
arrangé le changement de pouvoir en
Ukraine. Il confirme ainsi la
responsabilité américaine dans la
déstabilisation de la région.
Washington semble du reste être passé
à la vitesse supérieure dans la volonté
de déclencher un conflit en Europe
orientale avec la Russie. Le congrès
américain discute en ce moment de
l'alourdissement des sanctions contre la
Russie, et aussi de la livraison d'armes
lourdes à l'armée ukrainienne pour
qu'elle poursuive ses opérations dites
anti-terroristes, qui ont déjà couté la
vie à des milliers de civils dans l'Est
de l'Ukraine.
Simple effet de prisme et démonstration
de l'odieux double standard américain:
Imaginons qu'en Russie, en ce moment, la
Douma (le parlement russe) soit en train
de discuter de la livraison d'armes à
longue portée aux fédéralistes de l'Est
de l'Ukraine, pour que ces derniers
puissent bombarder Kiev. Est-ce qu'il
n'y aurait pas une grande indignation
dans la pacifique coalition occidentale
et internationale?
L'ex-secrétaire général de l'Otan
Anders Fogh Rasmussen vient
d'affirmer il y a quelques jours que
les ambitions de Vladimir Poutine vont
au-delà de l'Ukraine et qu'il pourrait
attaquer un état balte afin de tester la
solidarité de l'Occident justifiant
ainsi un
renforcement historique de l'OTAN à
l'est de l'Europe.
Certains analystes américains et
certains de leurs collègues européens
pensent avoir trouvé une explication à
ces comportements supposés qui
caractérisent le président russe: Il
souffrirait
d'autisme, ou plus précisément du
syndrome
d'Asperger! Très curieusement et
alors que c‘est une obscure
fonctionnaire du Pentagone qui a
fait un rapport dans ce sens il y a
plusieurs années, cette information a
inondé de façon unilatérale et
totalitaire cette semaine la
quasi-totalité des médias français sans
qu'aucune analyse n'allant pas dans ce
sens n'ai la moindre place dans le
paysage médiatique.
Cette obsession à vouloir que le
président russe ne soit pas quelqu'un de
normal est une manifestation de la
totale incompréhension de nombre
d'acteurs du bloc occidental à accepter
l'existence d'un agenda russe qui
diffèrent du leur. Ce n'est pas une
nouveauté loin de là. Déjà
en 1996 des experts militaires
américains jugeaient les russes pour la
plupart irrécupérables et un
fonctionnaire de l'alliance affirmait ne
jamais pouvoir s'habituer à Entendre
parler russe au QG de l'OTAN. C'est peut
être toute cette hystérie qui a
finalement contaminé jusqu'à Angela
Merkel qui l'année dernière affirmait
elle aussi que Vladimir Poutine vivait
dans un autre monde.
Tout ça ressemble beaucoup et surtout
à une hystérie anti russe dont on doit
se demander quels intérêts elle sert.
Qui aujourd'hui pourrait sérieusement
imaginer que la Russie ne souhaite ou
ait intérêt à attaquer un pays Européen
ou un pays de l'Otan? Pourtant, en mars
et septembre 2014, j'ai donné
deux conférences à Paris, au siège
de l'UMP, devant des membres de la
droite populaire, et à 6 mois
d'intervalle, le même étudiant polonais,
(représentant de je ne sais quelle
association franco-polonaise) qui
s'était assis au même endroit dans la
salle, m'a posé la même question:
Pensez-vous que la Russie va envahir la
Pologne?
On pourrait en rire si ce n'était pas
tragique. J'ai posé la question à cet
étudiant de savoir qu'est ce qui pouvait
lui faire penser ça, il n'a su me
répondre. Sans doute vivait-il, et
vit-il sans doute encore, dans un autre
monde. Un monde défini et modélisé par
ce Russia Bashing qui prédomine au sein
des soumis médias français.
Et puisque de nombreux médias
colportent cette hystérie collective au
nom de la liberté d'expression, il ne
faudrait pas qu'ils oublient un autre
noble aspect de la profession de
journaliste qui ne se limite pas à la
liberté de publier des caricatures, il y
a aussi la recherche de la vérité. Le 17
juillet 2014, l'avion malaisien MH17 a
été abattu au dessus de l'Ukraine, 298
personnes ont ainsi été assassinées. Que
sont devenues les preuves immédiatement
annoncées par les américains qui
accusaient la Russie ou les séparatistes
pro-russes de l'Est de l'Ukraine?
Pourquoi la commission d'enquête
internationale est-elle silencieuse
depuis des mois?
On aimerait que des journalistes
d'investigation arrêtent le Russia Bashing et, par exemple, s'intéressent à
ce dossier en tentant d'apporter des
faits et non des émotions.
© 2015 Sputnik Tous droits réservés.
Publié le 12 février 2015 avec l'aimable autorisation de
l'auteur
Le sommaire d'Alexandre Latsa
Le
dossier Ukraine
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