Sputnik
Offensive médiatique
contre l’intervention
russe en Syrie
Alexandre Latsa
© AP
Photo/ Bilal Hussein
Lundi 5 octobre 2015
Source:
Sputnik
La décision de Russie
de procéder à des opérations aériennes
en Syrie a surpris tous les
commentateurs par la rapidité de son
déclenchement.
L'intervention historique du
président russe à l'Assemblée générale
de l'ONU, intervention qui s'inscrit
historiquement dans la foulée de celle
de
Munich en 2007 ne laissait pourtant
que peu de doutes à ce sujet, le
président russe y affirmant clairement
la nécessité de "fournir une aide tous
azimuts au gouvernement syrien légal".
Pendant que les
Etats occidentaux campaient sur leurs
positions souhaitant un nécessaire
départ d'Assad, Moscou entamait ses
premières frappes sur le territoire
syrien,
prenant vraisemblablement de court
tant les services secrets américains que
français sur la dimension du dispositif
russe en Syrie et la détermination du
Kremlin à soutenir l'Etat syrien. Un
comble alors que la presse française
depuis maintenant trois ans ne cesse de
nous
rabâcher que le Kremlin s'apprêtait
à "Lâcher Assad".
Au passage,
l'ambassade américaine en Syrie a
confirmé avoir reçu
une requête des autorités russes
pour qu'aucun avion américain ou de la
coalition ne survole le territoire
syrien. Pour ceux qui avaient des
doutes, ces trois derniers jours ont
confirmé que quand Poutine dit quelque
chose, il le fait, mais aussi et surtout
que la Russie, qui au cours des
dernières années a confirmé son statut
de puissance régionale, confirme
également son statut de puissance
internationale.
Dès le discours de
Vladimir Poutine et "avant"
même les premières frappes, les réseaux
sociaux ont été submergés de témoignages
et photos affirmant que les frappes
russes seraient dirigées contre les
rebelles modérés et non contre Daech, ou
encore qu'elles auraient touché les
populations civiles.
Moins d'une heure après les frappes,
des
tweets sont apparus pour
dénoncer la mort de civils. Comme
on peut le constater
ici ou encore
là, de nombreuses photos sont
utilisées pour dénoncer les frappes
russes alors qu'elles ont été utilisées
au préalable ailleurs. Il est
intéressant de noter que dans cette
offensive médiatique, l'ONG White-Helmets,
qui se présente comme humanitaire, est à
la pointe de l'action. A ce titre,
Twitter regorge de témoignages et photos
qui semblent tendre vers une
collaboration réelle sur le terrain
entre cette soi-disant ONG et les
mouvements radicaux notamment le Front
Al-Nosra, comme on peut le constater par
exemple
ici,
là ou encore
là.
Cette guerre de
l'information a visiblement contaminé
tant le MAE Français que nos
spécialistes nationaux qui se sont levés
d'une seule voie pour affirmer que la
Russie ne frappait que l'opposition
modérée et non Daech. Dans une
déclaration commune, les Etats-Unis,
la France, l'Allemagne, le Qatar,
l'Arabie saoudite, la Turquie et le
Royaume-Uni ont demandé à la Russie de
cesser de viser l'opposition modérée
tandis que l'Arabie Saoudite a exigé de
la Russie qu'elle
cesse purement et simplement son
opération militaire.
Peu de temps après
ces manipulations médiatiques, c'est le
porte-parole de l'ONU en personne qui
s'est excusé et s'est vu contraint de
démentir l'authenticité des récentes
déclarations de l'organisation en
confirmant avoir été désinformé par des
ONG de terrain tel que
notamment les White-Helmets.
Pas de chance,
après avoir affirmé que la Russie ne
s'en prenait pas à Daech, les centres
occidentaux ont été contraints de revoir
leur copie lorsque la Russie s'est mise
à
frapper l'EI au cœur de son
sanctuaire: au sein de la région de
Raqqa. Paris et Washington sont
désormais contraints de changer leur
logiciel narratif et de demander la
Russie de ne frapper "que"
l'EI, oubliant ainsi la nébuleuse
islamiste comprenant le front Al-Nosra
(la variante syrienne d'Al-Qaïda) ou
encore l'Armée du Salut qui s'est
fortement implantée dans la zone d'Idlib
et comprend de nombreux mercenaires
turkmènes. Ces groupes radicaux
(Al-Qaïda!) ne doivent-ils pas être
combattus par la Russie?
Pour la petite
histoire et sur le thème des opposants
modérés, j'incite les lecteurs de
Sputnik à consulter cet article qui
résume l'épopée (il n'y a pas d'autres
mots) de
l'armée mexicaine des Etats-Unis en
Syrie. Un échec tel que Washington vient
d'affirmer cesser (provisoirement?) son
programme de formation de rebelles
soi-disant modérés.
On ne sait trop si
c'est une forte incompétence, une
mauvaise foi insensée ou un manque de
courage qui ronge les diplomaties
occidentales…. Le cas de la France est
sans doute pour les Français le plus
préoccupant. En décembre 2012, notre
ministre des Affaires étrangères
affirmait que les jours d'Assad
étaient comptés et rappelait les grands
principes du droit international: "il ne
peut pas y avoir d'intervention
militaire (en Syrie) s'il n'y a pas une
décision internationale légale".
On peut ainsi
mesurer, en 36 mois, l'absence totale de
visibilité de la France dans ce dossier.
On pourrait en rire si ce n'était
tragique.
Par conséquent,
sans trop de surprises au vu de
l'occupation territoriale par les
différents acteurs présents sur le
territoire syrien, la
première vague de frappes russes a
visé le contour est et nord-est de la
bande côtière sous contrôle de l'Etat,
pour sécuriser les grands axes
permettant de relier la capitale et l'Alaouitistan
côtier.
Il est du reste
intéressant qu'après un an de
bombardement de cette gigantesque
coalition qui s'en est soi-disant pris
au terrorisme en Syrie, celui-ci n'ait
cessé de croître, les groupes radicaux
prenant le contrôle de 60% du territoire
contre 30% il y a un an. Pour
Alexey Pushkov, président de la
commission des Affaires étrangères à la
Douma russe, la coalition n'a
"volontairement pas bombardé l'EI depuis
un an mais s'est contentée de bombarder
le désert vide".
Il est difficile de
dire ce qui devrait se passer en Syrie.
Les opérations
militaires russes devraient durer selon
les dernières informations publiées par
la partie russe au minimum trois à
quatre mois et sensiblement
s'intensifier. Des troupes au sol ne
seraient pas envisagées à ce jour, bien
que
selon le chef de la diplomatie
syrienne Walid Mouallem, les frappes
aériennes menées sans coordination avec
l'armée régulière sont insuffisantes
pour venir à bout des groupes
terroristes opérant dans le pays. Le
message est-il adressé à la Russie ou à
l'Iran? Peut-on imaginer un scenario
rocambolesque qui verrait l'armée
iranienne lancer une offensive terrestre
contre Daech en binôme avec un soutien
tactique, logistique et aérien russe?
En Syrie, les
troupes russes devraient
vraisemblablement concentrer leurs
frappes sur quatre grandes zones:
— La province
d'Idlib, aux mains d'Al-Qaïda et de
l'Armée du Salut, pour éviter que ces
groupes ne s'approchent de la côte zone
côtière de Lattaquié d'où est originaire
la minorité alaouite et où sont
installées les bases russes;
— La zone au nord
et à l'Est d'Alep pour libérer la ville
de la pression de l'EI, permettre aux
loyalistes de se concentrer sur la
reprise des parties de la ville qui leur
échappent et surtout briser la dynamique
en cours à la frontière turco-syrienne
d'où des centaines de combattants
s'infiltrent en Syrie;
— Le sud-est d'Homs
et la zone de Palmyre pour sécuriser
les grands axes Sud-Nord et
Est-Ouest, et tenter de désenclaver la
ville de Deir-El-Zor;
— La bande
territoriale du nord-est du pays, autour
de Raqqa, qui est considéré comme le
fief de Daech.
La surveillance
aérienne de l'aviation russe devrait
permettre d'éviter que ne se reproduise
un scénario à la Palmyre où des
centaines de combattants de l'EI avaient
pu traverser le désert de Syrie pourtant
surveillé par la coalition
internationale pour prendre la ville aux
forces d'Assad en coupant ainsi un axe
vital pour le régime et menacer ce
trésor de l'humanité. Dans le meme temps
les forces russes
pourraient (et devraient) intervenir
en Irak également avec sans doute
l'objectif de détruire les connexions
terrestres entre les deux pays.
Signe des temps,
pendant que la Russie combat l'EI sur le
terrain, l'OTAN lance ses plus
importantes manœuvres militaires en
dix ans en Europe, en y incluant ses
"partenaires" tel que l'Ukraine en
faillite.
Washington ne se
trompe-t-il pas, une fois de plus,
d'ennemi?
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Publié le 5 octobre 2015 avec l'aimable autorisation de
l'auteur
Le sommaire d'Alexandre Latsa
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dossier Russie
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