Opinion
Canada : le flop de Pegida au Québec
Ahmed Bensaada
Djemila
Benhabib et son brulôt:
« Les soldats d'Allah à l'assaut
de l'Occident »
Mardi 31 mars 2015
Samedi 28 mars, vers 16h, je me retrouve
coin Jean-Talon et Pie-IX, en cette
belle mais froide journée de ce
printemps montréalais qui n’en finit
plus de se laisser désirer. C’était
l’endroit et l’heure que les
manifestants du groupe Pégida – Québec
(une « franchise » du mouvement
islamophobe allemand de même nom)
avaient choisis pour leur première
sortie publique, à quelques encablures
du quartier « Le Petit Maghreb »,
histoire de pousser la provocation à son
paroxysme.
« Depuis quand existe-t-il un
quartier maghrébin à Montréal?
Avons-nous déjà des quartiers islamisés
au Québec?» se demandaient sur
Facebook les militants de ce groupe.
« Le Petit Maghreb » est un de ces
quartiers à dénomination « ethnique » de
Montréal qui en compte d’autres comme
« Le Quartier Chinois » ou « La Petite
Italie ».
Immigration récente oblige, il est un
des derniers, mais non des moindres. Sa
création avait été fortement appuyée par
les élus municipaux de l’époque et,
naguère, sa fête annuelle drainait une
foule dense et bigarrée ainsi que le
gratin de la vie politique locale et de
la diplomatie maghrébine.
Mais où étaient les militants de Pégida ?
Un attroupement était bien visible à
quelques dizaines de mètres de
l’intersection et des drapeaux rouges
s’agitaient allègrement dans un ciel
fallacieusement bleu. Mais à mesure que
l’on s’en approchait, des sonorités
familières se faisaient entendre. En
tendant bien l’oreille, on en percevait
quelques notes.
« Ya rayeh, win msafer, trouh taaya
outwalli… »
(Toi le partant, vers où voyages-tu ? Tu
pars mais, fatigué, tu reviendras…)
Quoi ? Une chanson arabe dans une
manifestation antimusulmane ? Et
laquelle ! Celle de l’immigré qui devra
un jour ou l’autre rentrer au bled !
Pegida – Québec aurait-il décidé de se
mettre à la propagande musicale ou
a-t-il simplement compris que le quart
de ton ne participait pas à
l’islamisation du Québec ?
Dans une page Facebook truffée de fautes
de français, ce mouvement arborant la
fleur de lysée se définit comme le
« Regroupement des Québécois(es) contre
l'islamisation de l'Occident et des
Amériques ».
« Les musulmans doivent soit changer,
soit quitter le Québec » a déclaré
Jean-François Asgard, le leader proclamé
de Pegida – Québec.
Âgé de 33 ans, cet islamophobe-en-chef
suit de très près l’actualité française
et se dit « proche des idées du Front
National ». De mère québécoise et de
père serbe, il se dit aussi très
sensible à la cause… des Serbes du
Kosovo.
Pegida, Kosovo, FN ? Quel rapport avec
« Le Petit Maghreb » et la réalité
québécoise ?
Aucune autre information n’a filtré au
sujet du parcours du Serbo-Québécois
qui, apparemment, évite de trop
s’exposer. Aurait-il quelque chose à se
reprocher comme son mentor, le fondateur
de Pegida – Allemagne, Lutz Bachmann ?
En effet, ce dernier n’est qu’un
vulgaire repris de justice récidiviste,
condamné pour divers vols et trafic
de drogue.
Sur les médias sociaux, Pegida – Québec
s’en prend aussi au gouvernement du
Québec.
« Ils ne s’occupent pas de nous et
nous trahissent en acceptant
l’immigration massive qui contribue à
former des soldats d’Allah déjà
infiltrés sur le sol québécois afin
d’imposer une seule religion et une
seule loi LA CHARIA ».
Les « soldats d’Allah » ? N’aurais-je
pas déjà entendu cette expression ? Mais
bien sûr ! « Les soldats d'Allah à
l'assaut de l'Occident », le livre de
Djemila Benhabib, le « brûlot
catastrophiste sur l'Islam », « un bazar
de sophisme » selon le journaliste
québécois Marc Cassivi. Écoutons Patrick
Lagacé, un autre journaliste
montréalais, au sujet de ce « livre » :
« Les soldats d'Allah à l'assaut de
l'Occident se lit comme l'œuvre d'un
hystérique du péril rouge des années 50
recyclé, au XXIe siècle, dans le péril
barbu... »
Pegida – Québec aurait-il comme leader
un Serbo-Québécois et comme égérie une
Algéro-Chypriote ? Alors, vive le
multiculturalisme à la québécoise !
Mais au fait, on n’a pas entendu Djemila
Benhabib se prononcer au sujet de Pegida.
Étonnant pour une personne qui dégaine
plus vite que son ombre dès que l’odeur
d’un mot suggère une quelconque relation
avec l’islam.
Ni d’ailleurs ses acolytes, les
« chauffeurs de foule » anti-islam comme
Benoît Dutrizac, Richard Martineau, les
Jeannettes…
Peut-être les verrais-je tous à la
manifestation puisque leurs discours
haineux ont inexorablement contribué à
l’édification de Pegida – Québec ?
« Ya rayeh, win msafer, trouh taaya
outwalli… »
Arrivé à hauteur du rassemblement, la
surprise. Une ambiance festive et bon
enfant, des pancartes bariolées et
explicites et des personnes distribuant
des roses rouges.
« Pas de fachos dans nos quartiers »,
« Notre classe unie contre le racisme »,
« Pegida, fachos, racistes, décalisse »,
« Québec libre du fascisme !»,
etc.
J’avais finalement compris. C’était la
manifestation anti-Pegida organisée par
le groupe Action antifasciste Montréal.
Parmi ces centaines de personnes, il y
avait des communistes, des étudiants,
des membres de la communauté maghrébine
et musulmane dont des femmes arborant
hidjab, des membres du Parti Vert du
Québec ainsi que diverses organisations
de gauche.
Point de Pegida à l’horizon ? Ni même de
Benhabib ou de ses compères médiatiques
? Il a fallu pas mal d’efforts pour
trouver trois « Pegida », dont un
téméraire qui a osé affronter la foule.
Rapidement protégé par un cordon
policier, il est reparti avec, dans la
main, une …rose rouge.
Le chef de la police a finalement
annoncé à l’aide de son mégaphone que
Pegida – Québec avait annulé sa
manifestation. Le message a été suivi
par des applaudissements et des slogans
joyeusement scandés.
La contre-manifestation s’est
transformée en une courte et joyeuse
marche pacifique dans « Le Petit
Maghreb ».
Il ne manquait que le méchoui. Et une
température plus clémente, bien sûr…
Montréal, le 29 mars 2015
Cet
article a été publié par le
quotidien algérien
Reporters
et sur:
http://www.ahmedbensaada.com/...
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