Opinion
Liban 2005-2015 : d’une « révolution »
colorée à l'autre
Ahmed Bensaada
Samedi 3 octobre 2015
En 2011, en pleine effervescence sur la
place Tahrir, on questionna Srdja
Popovic sur les activités de formations
révolutionnaires de centre CANVAS
(Center for Applied Non Violent Action
and Strategies) qu’il dirige à Belgrade.
Il s’empressa de répondre, non sans une
petite pointe de fierté : « Nous
travaillons avec 37 pays. Après la
révolution serbe, nous avons eu cinq
succès : en Géorgie, en Ukraine, au
Liban et aux Maldives ». Dans son
empressement, il avait juste oublié de
mentionner le cinquième pays : le
Kirghizstan. Il ne se priva pas
d’ajouter : « Et maintenant
l’Égypte, la Tunisie et la liste va
s’allonger. Nous n’avons aucune idée du
nombre de pays où le poing d’Otpor a été
utilisé, probablement une douzaine… »
[1]. Cette déclaration n’est pas
anodine. Elle exprime l’évidente
relation entre les révolutions colorées
et les différents mouvements de
contestation qui ont touché le
Moyen-Orient, jusqu’au mal nommé
« printemps » arabe.
Les révolutions
colorées
Ces révolutions, qui doivent
leur dénomination aux noms avec lesquels
elles ont été baptisées (rose, orange,
tulipe, etc.), sont des révoltes qui ont
bouleversé certains pays de l’Est ou
ex-Républiques soviétiques au début du
21e siècle. C’est le cas de Serbie
(2000), de la Géorgie (2003), de
l’Ukraine (2004) et du Kirghizstan
(2005).
Plusieurs mouvements ont été mis en
place pour conduire ces révoltes : Otpor
(« Résistance ») en Serbie,
Kmara (« C’est assez ! ») en
Géorgie, Pora (« C’est l’heure
») en Ukraine et KelKel («
Renaissance ») au Kirghizistan. Le
premier d’entre eux, Otpor, est celui
qui a causé la chute du régime serbe de
Slobodan Miloševic. Après ce succès,
Popovic (un des fondateurs d’Otpor) a
créé CANVAS avec l’aide des activistes
du mouvement serbe. Comme indiqué par
Popovic, ce centre a aidé, conseillé et
formé tous les autres mouvements
subséquents. CANVAS a formé des
dissidents en herbe à travers le monde,
et en particulier dans le monde arabe,
à l’application de la résistance
individuelle non violente, idéologie
théorisée par le philosophe et
politologue américain Gene Sharp dont
l’ouvrage « From Dictatorship to
Democracy » (De la dictature à la
démocratie) a été à la base de toutes
les révolutions colorées et du
« printemps » arabe [2].
Aussi bien CANVAS que les différents
mouvements dissidents des pays de l’Est
ou des ex-Républiques soviétiques ont
bénéficié de l’aide de nombreuses
organisations américaines
d’« exportation » de la démocratie comme
l’USAID (United States Agency for
International Development), la NED
(National Endowment for Democracy),
l’IRI (International Republican
Institute), le NDI (National Democratic
Institute for International Affairs),
Freedom House et l’OSI (Open Society
Institute). Ces organismes sont financés
par le budget américain ou par des
capitaux privés américains. À titre
d’exemple, la NED est financée par un
budget voté par le Congrès et les fonds
sont gérés par un conseil
d’administration où sont représentés le
Parti républicain, le Parti démocrate,
la Chambre de commerce des États-Unis et
le syndicat American Federation of
Labor-Congress of Industrial
Organization (AFL-CIO), alors que l’OSI
fait partie de la Fondation Soros, du
nom de son fondateur George Soros, le
milliardaire américain, illustre
spéculateur financier [3].
Il a été montré que ces mêmes
organismes ont aidé, formé et réseauté
les cyberdissidents arabes impliqués
dans le fameux « printemps » qui a
balayé leurs pays [4]. On retrouve aussi
les « empreintes » de ces organismes
dans les évènements de Téhéran
(Révolution verte – 2009) [5], de l’Euromaïdan
(Ukraine – 2013/2014) [6] et, un peu
plus récemment, à Hong Kong (révolution
des parapluies - 2014) [7].
La révolution du Cèdre
Selon certains, le plus grand succès
de CANVAS dans la région MENA (Middle
East and North Africa) est certainement
le Liban (Révolution du Cèdre – 2005) et
son plus grand échec, l’Iran [8]. C’est
ce qui explique pourquoi Popovic avait
fièrement mentionné le Liban comme un
trophée dans son tableau de chasse
« révolutionnaire » et ne pipa aucun mot
sur l’Iran.
La révolution du Cèdre a été un
prélude au « printemps » arabe et,
ainsi, le premier pays arabe à connaître
cette « saison » fut le Liban. Cette
série de manifestations admirablement
bien orchestrées au début de l’année
2005 revendiquait, entre autres, le
retrait des troupes syriennes après
l’assassinat, le 14 février 2005, du
Premier ministre libanais de l’époque,
Rafiq Hariri.
Néanmoins, Sharmine Narwani explique,
dans un article détaillé sur le sujet,
que cette « révolution » avait été
planifiée environ un an avant la mort de
Hariri. La cellule de décision
comprenait un noyau d’activistes formé
par un trio d’amis : Eli Khoury, un
expert en communication et marketing
chez Quantum et Saatchi & Saatchi, Samir
Kassir, un essayiste qui dirigeait le
Mouvement de la gauche démocratique
(MGD) formé en septembre 2004 et le
journaliste Samir Frangieh [9].
Ajoutons à cela les noms d’autres
activistes qui ont joué un important
rôle : Nora Joumblatt (l’épouse du
leader druze, Walid Joumblatt), Asma
Andraous (membre du groupe 05AMAM, créé
après le 14 février 2005), Gebran Tueni
(à l’époque, directeur du journal An-Nahar)
et Michel Elefteriades (musicien,
producteur et homme d’affaires
gréco-libanais).
L’étroite relation entre les
activistes de la révolution du Cèdre et
les organismes américains de promotion
de la démocratie a souvent été
mentionnée.
En effet, le New York Post a rapporté
(en 2005) que, selon des sources du
renseignement américain, la CIA et
d'autres services de renseignement
européens ont donné de l’argent ainsi
que du soutien logistique aux
organisateurs des manifestations
anti-syriennes pour accroître la
pression sur le président syrien Bachar
Al-Assad et afin de le contraindre à
quitter complètement le Liban. Selon ces
sources, ce programme secret était
similaire à ceux que la CIA avait
précédemment mis en place pour aider les
mouvements pro-démocratiques en Géorgie
et en Ukraine et qui avaient également
mené à des manifestations pacifiques
impressionnantes [10].
Certains activistes, comme Bassem
Chit (décédé en 2014), ont reconnu avoir
été contactés par Freedom House dans le
but de « financer des mouvements de
jeunesse pour aider au processus de
démocratisation ». Selon Bassem
Chit, Jeffrey Feltman, l’ambassadeur
américain à l’époque, a invité un grand
nombre de dirigeants du mouvement
anti-syrien à des dîners et ce, durant
la révolution du Cèdre. Il affirme aussi
que l'ambassade américaine a également
été directement impliquée dans la
fomentation des manifestations
anti-syriennes [11].
Sharmine Narwani précise dans son
article précédemment cité que Gebran
Tueni était en contact avec Frances
Abouzeid, directrice de Freedom House à
Amman (Jordanie). C’est sur ses conseils
que Tueni a fait venir les formateurs de
CANVAS à Beyrouth. Il est important de
noter que Freedom House est le principal
bailleur de fonds du centre de formation
serbe.
Les serbes de CANVAS ont formé les
activistes libanais en utilisant les
locaux du journal An-Nahar. Ivan Marovic,
le cofondateur de CANVAS, avait lui-même
assuré des cours de formation à la
résistance non-violente.
Michel Elefteriades a rencontré Ivan
Marovic et ses collègues bien avant le
14 mars 2005 : « Gebran Tueni m’a
appelé et il m’a dit que je devrais
donner un coup de main à un groupe de
Serbes qui venaient nous aider. Ils
avaient l’air hyper-professionnels par
rapport à ce qu’ils voulaient faire. Je
voyais leur influence dans tout ce qui
se passait. C’étaient des spécialistes
des révolutions de couleur ». Et
d’ajouter : « Puis ils ont commencé
à nous dire ce qu’il fallait faire ou
non. Je les accompagnais à des réunions
avec les médias – rien que des médias
internationaux – et ils coordonnaient
les choses avec eux. Ils se
connaissaient tous très bien […]. Ils
nous ont donné une liste de slogans qui
devaient être diffusés par les
télévisions occidentales. Ils nous ont
dit, à nous et aux journalistes
occidentaux, où mettre les banderoles,
quand les brandir en l’air, et même la
taille qu’elles devaient avoir. Par
exemple, ils demandaient aux
journalistes de les prévenir des
créneaux horaires où ils allaient
passer, puis ils nous disaient de régler
nos montres et de brandir nos pancartes
juste à 15h05, en fonction du moment où
les chaînes télévisées retransmettaient
en direct depuis Beyrouth. C’était une
mise en scène totale » [12].
De son côté, Asma Andraous affirme
que « toutes les organisations
américaines pour la démocratie étaient
là. Ils ont appris aux jeunes comment
mobiliser, comment garder les militants
occupés, ils étaient très enthousiastes
» [13].
Certains activistes ont déclaré
s’être éloignés ou avoir gardé leurs
distances vis-à-vis des organismes
américains ou proaméricains de promotion
de la démocratie. C’est le cas de Michel
Elefteriades qui aurait refusé de
continuer à travailler avec les
formateurs de Canvas ou de Bassem Chit
qui aurait décliné les généreuses offres
de Freedom House. D’autres ont essayé de
minimiser le rôle de ces organismes ou
de prétendre qu’ils ne soient intervenus
que tardivement [14].
Néanmoins, le modus operandi de la
révolution du Cèdre suit minutieusement
le procédurier des révolutions colorées
orchestrées par CANVAS. Parmi les 199
méthodes d’actions non violentes listées
dans le manuel de CANVAS (distribué
gratuitement sur Internet), on peut
citer, par exemple, celle qui porte le
n°33 : « La fraternisation avec
l’ennemi » qui s’exprime sur le
terrain par la distribution de fleurs
aux forces de l’ordre (en général par le
biais de jeunes et jolies jeunes filles)
[15]. Cette méthode a été observée
dans toutes les révolutions colorées,
dans les pays arabes « printanisés »
ainsi que dans les rues de Hong Kong,
lors de la révolution des parapluies
[16].
D’autre part, Aleksandar Maric,
l’ex-activiste d’Otpor et formateur de
CANVAS n’a-t-il pas déclaré que son
organisation avait établi des contacts
avec les dissidents libanais et ce,
avant la révolution du Cèdre [17] ?
Cette précision a le mérite de
corroborer les dires de Sharmine Narwani
sur la planification de la
« révolution » bien avant l’assassinat
de Hariri.
En outre, tout le monde aura remarqué
que le « Mouvement du 14 Mars »,
coalition de forces opposées à la Syrie
créée après le meurtre du Premier
ministre libanais, a choisi comme logo
le poing d’Otpor légèrement modifié par
l’ajout d’une branche verte.
Rappelons que le poing d’Otpor a été
largement utilisé lors des différentes
révolutions colorées et des
manifestations qui ont accompagné le
« printemps » arabe [18].
Il est curieux de savoir que la
dénomination « révolution du Cèdre »
n’est pas celle qui a été utilisée à
l’origine par les activistes libanais.
Les contestataires avaient plutôt opté
pour « intifada de l’indépendance »,
« intifada du Cèdre », « printemps du
Liban » ou « printemps du Cèdre ».
Michel Elefteriades raconte que le
mot « intifada », qui fait allusion aux
révoltes palestiniennes, ne plaisait pas
aux spécialistes de CANVAS : « Dès
le premier jour, ils me dirent que nous
ne devions pas l’appeler notre mouvement
‘l’intifada du Cèdre’, parce qu’on
n’allait pas aimer le mot intifada en
Occident. Ils disaient que l’opinion
arabe n’était pas importante, que ce qui
comptait c’était l’opinion occidentale.
Alors, ils ont dit aux journalistes de
ne pas utiliser le mot intifada »
[19].
En fait, l’expression « révolution du
Cèdre » était plus agréable aux oreilles
de l’administration Bush. Selon le
journaliste Jefferson Morley du
Washington Post, cette appellation a été
inventée par Paula J. Dobriansky, la
sous-secrétaire d'État à la démocratie
et aux affaires internationales
(2001-2009) sous les administrations
Bush fils. Vantant la politique
étrangère du président Bush lors d’une
conférence de presse tenue le 28 février
2005, elle a déclaré : « Au Liban,
nous voyons un élan grandissant pour une
Révolution du Cèdre qui unifie les
citoyens de cette nation à la cause de
la vraie démocratie et la liberté de
l'influence étrangère. Des signes
d'espoir couvrent le monde entier et il
devrait y avoir aucun doute que les
années à venir seront grandes pour la
cause de la liberté » [20].
Cette similitude entre l’appréciation
de CANVAS et celle de l’administration
américaine prouve (une fois de plus) une
évidente concertation étant donné que le
centre de formation serbe est
essentiellement financé par les
organisations américaines
d’« exportation » de la démocratie, en
particulier Freedom House, l’IRI et
l’OSI [21].
Il faut signaler que Paula J.
Dobriansky est non seulement membre du
CA de Freedom House mais aussi titulaire
de la Chaire de Sécurité nationale à
l’U.S. Naval Academy. Elle est également
membre fondatrice du think tank
néoconservateur (néocon) « Project for
the New American Century » (PNAC) qui a
eu une influence considérable sur
l’administration Bush fils. Son nom
figure parmi les 75 signataires d’une
lettre envoyée en août 2013 au président
Obama, lui recommandant d’attaquer la
Syrie de « Bachar » en l’exhortant de «
répondre de manière décisive en
imposant des mesures ayant des
conséquences significatives sur le
régime d’Assad » [22].
On retrouve le nom d’Eli Khoury dans
la liste des invités à une conférence
internationale sur la « Démocratie et la
sécurité » qui s’est tenue à Prague
(République Tchèque), du 5 au 6 juin
2007. Cette rencontre a regroupé de
nombreuses célébrités dans les domaines
de la dissidence, de l’espionnage, de la
politique et de la sphère académique.
Citons, pêle-mêle, l’ancien Président
tchèque Vaclav Havel, l’ancien Premier
ministre d’Espagne, Jose María Aznar, le
sénateur américain, Joseph Lieberman,
l’ancien directeur de Freedom House,
Peter Ackerman, l’égérie de la
révolution orange et ancienne Premier
ministre de l’Ukraine, Ioulia Timochenko
ou le « néocon » Joshua Muravchik, lui
aussi membre du PNAC [23]. Dans cette
conférence, Khoury a également côtoyé
l’activiste égyptien Saad Eddin Ibrahim,
le dissident soviétique (actuellement
israélien), anticommuniste et sioniste
Natan Sharansky et l’opposant russe
Garri Kasparov.
Saad Eddin Ibrahim est le fondateur
du l’« Ibn Khaldoun Center for
Development Studies », ONG très
généreusement subventionnée par la NED.
Honoré par Freedom House, cet ancien
professeur de l’université américaine du
Caire a déjà été membre du conseil
consultatif du « Project
on Middle East Democracy » (POMED),
un organisme américain qui travaille de
concert avec Freedom House et qui est
financièrement soutenu par la NED [24].
Mais ce qui attire l’attention dans
cette liste, c’est le très grand nombre
de participants de premier plan en
provenance d’Israël dont l’ambassadeur
de cet état en république tchèque Arie
Arazi et son homolgue tchèque Michael
Zantovsky, le responsable des affaires
économiques de l’ambassade d’Israël aux
États-Unis, Ron Dermer ainsi que de
nombreux universitaires israéliens.
Néanmoins, le clou de la conférence a
été, sans conteste, la présence du
président G.W. Bush qui profita de
l’occasion pour faire un discours sur la
liberté, la démocratie, la dissidence et
l’activisme politique [25].
La conférence a été organisée par le
« Prague Security Studies Institute »
(PSSI) et l’« Adelson Institute for
Strategic Studies » [26].
Financé, entre autres, par l’OSI, le
PSSI compte dans son conseil consultatif
James Woolsey, l’ancien directeur de la
CIA (et ancien président du CA de
Freedom House) et Madeleine Albright, la
64e Secrétaire d’état
américaine et, accessoirement,
présidente du CA de la NDI [27].
L’« Adelson Institute for Strategic
Studies » est un institut de recherche
créé par un généreux don de l’« Adelson
Family Foundation » (Miriam and Sheldon
G. Adelson). Il est dédié « à
l’exploration des défis mondiaux
auxquels Israël et l’Occident font face
» et à l’étude de sujets tels que ceux
qui sont reliés à l’avancement de la
liberté et de la démocratie au
Moyen-Orient [28]. Mentionnons que
Sheldon G. Adelson est un milliardaire
américain d’origine juive ukrainienne
(comme Natan Sharansky). Considéré comme
un des plus grands mécènes de l’État d’
Israël, il finance, à coup de millions
de dollars, des voyages de juifs en
Israël dans le but de resserrer les
liens entre Israël et la diaspora [29].
En effet, la mission primaire de sa
fondation tient en une seule ligne : « Renforcer
l'Etat d'Israël et le peuple juif »
[30]. Selon le journaliste Nathan
Guttman, l’idéologie de Sheldon G.
Adelson est un mélange de soutien au
Premier ministre israélien Benjamin
Netanyahu, de sympathie pour le
mouvement des colons et d'hostilité
envers l'Autorité palestinienne [31].
Comment se fait-il qu’Eli Khoury se
retrouve dans une conférence aussi
prestigieuse, regroupant des présidents,
des Premiers ministres, des
ambassadeurs, des faucons « néocons »,
d’illustres dissidents et un club select
d’officiels israéliens ? Serait-ce pour
le remercier pour son rôle proactif dans
la révolution du Cèdre ?
En fait, Eli Khoury n’est pas un
inconnu pour l’administration
américaine. Le câble Wikileaks
« 06Beirut1544_a » nous apprend
qu’environ un an avant cette conférence,
il était invité à un dîner organisé par
l’ambassadeur américain à l’occasion de
la visite de Kristen Silverberg,
secrétaire d'État adjoint aux
organisations internationales. Jeffrey
Feltman identifie Khoury comme directeur
général de Saatchi & Saatchi (une
compagnie publicitaire) et le décrit
comme « un stratège de la publicité et
un expert créatif » qui a contribué au
« branding » de la révolution du Cèdre
[32]. En réalité, le rôle de cette
compagnie a été tellement important, que
certains n’hésitent pas à qualifier la
révolution du Cèdre de « révolution
Saatchi » [33] ou même, en tenant
compte de l’implication des
organisations américaines, de « révolution
parrainée par l’USAID et Saatchi &
Saatchi » [34].
Et ce n’est pas tout. Eli Khoury est
cofondateur de la « Lebanon Renaissance
Foundation » (LRF), une ONG établie en
2007 à Washington qui se définit comme
« un organisme éducatif indépendant,
non gouvernemental et non-sectaire dont
les fondateurs ont été impliqués à
travers leurs propres activités
professionnelles dans la promotion de la
pratique de la non-violence et de
l'activisme démocratique » [35]. On
retrouve ainsi, dans cette description,
des termes chers aux « prophètes » des
révolutions colorées, Srdja Popovic et
Gene Sharp.
Cette fondation est une « organisation
qui reçoit une partie substantielle de
son soutien d'une unité gouvernementale
[américaine] ou du grand public »
[36]. Après avoir essentiellement reçu
des fonds gouvernementaux américains,
elle finance, à son tour, différents
programmes ou organisations domiciliées
au Liban. Citons, par exemple, le « Sustainable
Democracy Center », ONG libanaise qui a
été financée (entre autres) par l’USAID
et la NED (2003 et 2005) [37], ou l’ONG
MARCH qui, elle aussi, reçoit
directement ou indirectement des
subventions provenant de plusieurs
organisations pro-démocratie américaines
(NED, USAID, etc.). Plus de détails
seront donnés sur ces deux ONG
libanaises dans la section suivante.
Selon son rapport d’impôt 2013 [38],
LRF a financé le « Lebanese Advocacy and
Legal Advice Center » (LALAC), un
organisme de lutte contre la corruption
qui reçoit aussi des fonds du « Center
for International Private Enterprise »
(CIPE) [39], un des 4 satellites de la
NED [40]. Il faut savoir que le centre
LALAC est une initiative du « Lebanese
Transparency Association » (LTA), une
ONG libanaise fondée en 1999 et qui est
subventionnée par le CIPE, le NDI, le
MEPI et l’OSI [41]. Le MEPI (Middle East
Partnership Initiative) est un programme
qui dépend directement du Département
d'État des États-Unis, par
l’intermédiaire du Bureau des Affaires
du Proche-Orient [42].
Finalement, il est important de
mentionner que Samir Kassir et Gebran
Tueni n’ont malheureusement pas eu
l’opportunité de participer au dîner de
l’ambassadeur Feltman, ni à la
conférence internationale sur la
« Démocratie et la sécurité » : ils ont
été assassinés, respectivement, le 2
juin 2005 et le 12 décembre 2005.
Finalement, il est important de
mentionner que Samir Kassir et Gebran
Tueni n’ont malheureusement pas eu
l’opportunité de participer au dîner de
l’ambassadeur Feltman, ni à la
conférence internationale sur la
« Démocratie et la sécurité » : ils ont
été assassinés, respectivement, le 2
juin 2005 et le 12 décembre 2005.
Beyrouth et la « ligue
arabe du Net »
Comme dans le cas de l’Ukraine après
la révolution orange [43], les
organisations américaines
d’« exportation » de la démocratie n’ont
pas quitté le Liban après la révolution
du Cèdre, bien au contraire. Les
rapports de la NED montrent, qu’entre
2005 et 2014, cet organisme a distribué
plus 7 millions de dollars aux ONG
libanaises. Entre 2005 et 2012, le NDI a
reçu à lui tout seul plus de 2 millions
de dollars pour financer ses activités
au Liban.
La formation et le réseautage des
cyberactivistes arabes a conduit à la
création de ce que le journaliste
français Pierre Boisselet a nommé la
« ligue arabe du Net » [44]. De
nombreuses rencontres entre les
activistes-blogueurs arabes ont été
organisées avant et après le
« printemps » arabe. Les deux premiers
« Arab Bloggers Meeting » ont eu lieu à
Beyrouth. Le premier (du 22 au 24 août
2008) a réuni 29 blogueurs provenant de
9 pays arabes (Liban, Égypte, Tunisie,
Maroc, Arabie Saoudite, Bahrein,
Palestine, Irak et Syrie) [45]. Lors du
second meeting, qui s’y est déroulé du 8
au 12 décembre 2009, le nombre de
cyberactivistes arabes a dépassé les 60
[46]. S’y sont rencontrés les
« vedettes » arabes du Net : les
Tunisiens Sami Ben Gharbia, Slim Ammamou
et Lina Ben Mhenni, les Égyptiens Alaa
Abdelfattah et Wael Abbas, le
Mauritanien Nasser Weddady, le Bahreïni
Ali Abdulemam, le Marocain Hisham
AlMiraat (alias Khribchi), le soudanais
Amir Ahmad Nasr, la syrienne Razan
Ghazzaoui, etc [47].
Bien que les deux meetings aient été
organisés par le « Heinrich Böll
Stiftung » [48], l’OSI de Soros a
cofinancé le second [49]. À noter
l’intéressante participation aux
ateliers de formation de l’« illustre »
Jacob Appelbaum dans la seconde édition
(2009). Sa présentation traitait de
contournement, de sécurité et d’anonymat
en ligne [50]. Pour les non-initiés,
Jacob Appelbaum est un « hacktivist »
qui représente la face publique de
l’entreprise américaine qui développe
TOR, un logiciel qui permet la
navigation anonyme sur Internet et,
ainsi facilite le contournement de la
surveillance et de la censure étatiques.
Appelbaum voyage à longueur d’année pour
rencontrer des cyberdissidents à travers
le monde et leur montrer comment
utiliser gratuitement le
produit TOR. Pour avoir une idée de
l’utilisation du programme TOR, il faut
savoir qu’il a été téléchargé plus de 36
millions de fois au cours de l’année
2010 seulement [51].
La révolution des
« ordures »
La série de manifestations qui a eu
lieu au Liban durant l’été 2015 a été
baptisée « crise des déchets » par
certains, révolution des « ordures » ou
des « poubelles » par d’autres. Elle
s’est déclenchée à la suite d’un
problème de ramassage et de gestion
d’ordures, mais les revendications des
manifestants ont rapidement viré à la
contestation du gouvernement et à la
dénonciation de la corruption et de la
faillite de l’État.
Le collectif citoyen créé dans la
foulée de ces manifestations a été
baptisé « Vous puez !» (Tal3at
Rihatkom, en arabe). Ce nom court
et percutant correspond merveilleusement
bien aux méthodes préconisées par
CANVAS. Il s’inscrit dans la même veine
que le « Otpor » serbe (Résistance), le
« Kmara » géorgien (C’est assez !)
ou le « Pora » ukrainien (C’est
l’heure).
Parmi les leaders les plus médiatisés
de ce mouvement de contestation, on peut
citer Imad Bazzi, Marwan Maalouf, Assaad
Thebian et Lucien Bourjeilly.
Imad Bazzi est un cyberactiviste
libanais très impliqué dans la
blogosphère arabe. Selon le chercheur
Nicolas Dot-Pouillard, Bazzi a été
proche des activistes d’Otpor et un
fervent partisan du retrait syrien en
2005 [52]. Faisant partie lui aussi de
la « ligue arabe du Net », il reconnait
avoir étroitement travaillé avec les
cyberdissidents syriens. « Il est
normal que quelqu'un en Syrie veuille
aider quelqu'un en Égypte, et que
quelqu'un en Tunisie veuille aider
quelqu'un au Yémen » a-t-il
déclaré. « Nous partageons les mêmes
problèmes, nous souffrons tous de la
corruption locale, de l'absence de la
règle de droit et l'absence de
démocratie » [53].
Bazzi a participé à différentes
conférences dédiées au cyberactivisme.
Dans l’une d’entre elle (2010), il
côtoya les cyberactivistes égyptiens du
« Mouvement du 6 avril » qui ont joué un
rôle indéniable dans la chute du
président Moubarak (Bassem Samir, Israa
Abdel Fattah,..) et dont les activités
étaient financées par de nombreuses
organisations américaines de promotion
de la démocratie [54]. Cette conférence
était co-sponsorisée par Google et
Freedom House [55].
En 2011, l’université américaine de
Beyrouth a organisé la 16e
conférence annuelle de l’« Arab-US
Association of Communication Educators »
(AUSACE) [56]. Dans cette rencontre
financée par l’OSI de Soros, Imad Bazzi
était jumelé à Sami Ben Gharbia dans le
même panel. Rappelons que Sami Ben
Gharbia, cofondateur du site Nawaat, est
un cyberactiviste tunisien de premier
plan qui a été très impliqué dans la
« printanisation » de la Tunisie [57].
Soulignons qu’Imad Bazzi a aussi été
« program fellow » de Freedom House [58]
et chef de projet du « Sustainable
Democracy Center » cité précédemment
[59].
Le 5 septembre 2011, soit quelques
mois après la chute de Moubarak, Bazzi a
été arrêté par la police égyptienne à
l’aéroport du Caire. Il a déclaré à la
fondation « Maharat » (une ONG libanaise
financée par la NED qui milite pour les
droits des journalistes [60]) qu’il s’y
rendait pour travailler comme consultant
pour une institution. Il a été détenu
pendant plus de dix heures pendant
lesquelles il fut questionné sur ses
relations avec les cyberactivistes
égyptiens comme Wael Abbas. Il a été par
la suite expulsé vers Beyrouth [61].
Pour terminer le portrait, signalons
qu’Imad Bazzi est membre du forum « Fikra »,
un forum créé par le lobby américain
pro-israélien. Parmi les participants,
on y trouve de nombreux cyberactivistes
arabes, tels Bassem Samir, Israa Abdel
Fattah ou Saad Eddin Ibrahim et les
dissidents Syriens
Radwan Ziadeh et
Ausama Monajed (anciens membres du
Conseil national syrien - CNS). Il va
sans dire que tous ces « contributeurs »
sont financés par les organismes
américains d’« exportation » de la
démocratie [62]. On y trouve aussi les
noms de faucons « néocons » comme Joshua
Muravchik (anciens collègues de Paula J.
Dobriansky) et même celui du Dr. Josef
Olmert, frère de l'ancien Premier
ministre israélien Ehud Olmert [63].
Marwan Maalouf est une des
principales figures du mouvement « Vous
puez ! ». Selon plusieurs observateurs,
il aurait participé, en 2005, aux
manifestations de la révolution du
Cèdre au sein d’un mouvement estudiantin
[64]. Par la suite, son parcours a été
imprégné de militantisme « made in
USA », jugez-en.
En effet, de 2008 à 2011, il a été
administrateur de programme pour Freedom
House à Washington, chargé de la région
MENA, tout particulièrement de la Syrie,
la Tunisie et l’Algérie. Il s’est
ensuite installé en Tunisie (de 2012 à
2013) pour diriger l’« Institute for War
and Peace Reporting » (IWPR) [65]. Cet
institut qui « soutient les
reporters locaux, les journalistes
citoyens et des militants de la société
civile » et contribue « à la
paix et la bonne gouvernance en
renforçant la capacité des médias et la
société civile de prendre la parole
» [66] est financé par plusieurs
organismes dont la NED, l’USAID et le
Département d’État (via l’ambassade des
États-Unis à Tunis et le programme MEPI)
[67].
Marwan Maalouf est cofondateur de
l’institut de recherche « Menapolis »
spécialisé dans la gouvernance et le
développement dans la région MENA. Parmi
ses « experts » figure le nom d’Imad
Bazzi et, parmi ses clients, on trouve
(bien entendu) l’IWPR, Freedom House et
le MEPI [68].
Selon Martin Armstrong, journaliste
britannique basé à Beyrouth, Assaad
Thebian est le cofondateur et
porte-parole du mouvement « Vous puez !»
ainsi que le principal organisateur des
manifestations actuelles [69].
Le profil « LinkedIn » d’Assaad
Thebian montre qu’il fait partie du
groupe (privé) des « anciens » du MEPI
(chapitre du Liban) [70]. Sur la
description de ce groupe, on peut lire :
« MEPI, un programme du département
d'Etat [américain], est actif dans toute
la région. Le réseau des anciens
comprend plus de 128 participants à des
programmes de MEPI. Le réseau fournit
une avenue pour les anciens élèves à
poursuivre leurs efforts pour renforcer
la société libanaise. MEPI se concentre
sur quatre domaines distincts ou «
piliers » : la démocratie, l'éducation,
l'économie et l'autonomisation des
femmes. Le chapitre libanais du réseau
des anciens comprend des individus de
diverses origines qui ont participé à
une série de programmes dans les quatre
domaines. […] Avec le lancement
du chapitre libanais du réseau des
anciens, les différentes compétences que
les individus ont acquises peuvent être
utilisées pour permettre une
participation active continue au Liban
» [71].
Le 29 janvier 2014, l’association
libanaise des « anciens » du MEPI a
organisé un évènement à Beyrouth, en
présence de l’ambassadeur étasunien au
Liban, M. David Hale. Il s’agissait, à
l’occasion du 10e
anniversaire du MEPI, d’« honorer
les réalisations exceptionnelles »
de dix « anciens » du chapitre libanais.
Évidemment, Assaad Thebian faisait
partie du groupe [72]. À ce titre, un
trophée sur le pupitre, il prit la
parole pour lancer quelques flèches vers
le gouvernement libanais, sous les
applaudissements de M. Hale [73]. Un
prélude à la révolution des
« ordures » ?
Depuis 2011 jusqu’aujourd’hui,
Thebian œuvre comme consultant en medias
numériques et communication. Parmi ses
clients figurent de nombreuses ONG
telles que la « Lebanese Association for
Democracy of Elections » (LADE) et la
« Civil Campaign for Electoral Reform »
(CCER) [74]. Un bref coup d’œil sur le
site du NDI permet de voir que cet
organisme d’« exportation » de la
démocratie a un partenariat de 17 ans
avec la LADE et travaille étroitement
avec la CCER [75].
Contrairement aux autres leaders du
mouvement « Vous puez ! », Lucien
Bourjeily est un homme d’art. Écrivain
et réalisateur, il a été choisi en 2012
par CNN comme l’une des 8 personnalités
culturelles les plus importantes du
Liban [76].
En 2013, il défia le gouvernement
libanais avec une pièce de théâtre qui
critique sévèrement la censure étatique.
La pièce intitulée « Bto2ta3 Aw Ma
Bto2ta3 » (littéralement « Tu coupes ou
te ne coupes pas ? ») a été interdite de
présentation publique par le bureau de
la censure, ce qui lui a valu une
immense publicité. En 2014, Bourjeily a
encore eu des problèmes avec les
autorités libanaises pour une histoire
de renouvellement de passeport, incident
qui a agité la blogosphère [77].
La pièce de théâtre en question a été
produite par l’ONG « MARCH » (citée
auparavant en relation avec Eli Khoury)
qui a pour mission « d’éduquer, de
motiver et de responsabiliser les
citoyens à reconnaître et à se battre
pour leurs droits civils fondamentaux,
élever une société libanaise ouverte
tolérante afin de favoriser la diversité
et l'égalité et de parvenir à une
véritable réconciliation entre les
différentes communautés ». Cette
organisation est conjointement financée
par la NED [78], l’USAID, SKeyes Media
et Maharat [79].
Le rapport annuel 2014 de la NED
indique clairement que la tâche de
MARCH est de « monter une production
de " Bto2ta3 Aw Ma Bto2ta3" et de
documenter les efforts pour obtenir
l’approbation d’une pièce vis-à-vis de
la censure » [80]. Mission
accomplie : l’interdiction de la pièce a
été levée le 25 septembre 2014 et la
nouvelle fut fortement médiatisée [81].
SKeyes est l’acronyme stylisé de
« Samir Kassir Eyes » (les yeux de Samir
Kassir, le leader de la révolution du
Cèdre). Ce centre a été fondé à Beyrouth
en novembre 2007, suite à l’assassinat
de Samir Kassir. Selon ce qui est
mentionné sur son site « le centre
se veut l’œil de surveillance des
violations de la liberté de la presse et
de la culture ; il entend également
défendre les droits des journalistes et
des intellectuels ainsi que leur liberté
d’expression » [82]. De nombreux
documents montrent que SKeyes est
financé par la NED et le NDI [83].
D’autre part, avant d’être Directeur
exécutif de SKeyes (depuis 2011), M.
Ayman Mhanna avait travaillé pour le NDI
comme administrateur principal de
programme (2007-2011) [84].
Petite précision : Lucien Bourjeily
et Imad Bazzi sont, tous deux, membres
du conseil consultatif de MARCH [85].
Les activistes dont il a été question
précédemment font partie des figures les
plus médiatiques de la révolution des
« ordures », mais la liste est loin
d’être exhaustive. Néanmoins, le
dissident qui fait le lien entre la
révolution du Cèdre et celle des
« ordures » est très certainement Michel
Elefteriades, sorte de « chaînon
manquant » du Liban révolutionnaire
coloré. Une décennie plus tard, celui
qui a fréquenté les spécialistes de la
résistance non-violente de CANVAS
revient au-devant de la scène de la
contestation populaire.
Et d’utiliser le langage d’apparence
naïve du « profane » en expliquant la
révolution des « ordures » : «
C’est une sorte de révolution populaire,
un mélange de beaucoup de mouvements -
une certaine anarchie dans le bon sens
philosophique comme le refus de la
centralisation du pouvoir – c’est
vraiment un mouvement populaire, donc je
ne pense pas qu’il va s’arrêter »
a-t-il déclaré.
Et de se contredire un peu plus
loin : « il y a des intellectuels et
des leaders d'opinion qui surveillent
(les protestations). Nous sommes là pour
surveiller s’il n'y a pas de
glissements, ni d’intrus qui dirigent
les manifestations dans une autre
direction » [86].
Dans l’élan créé par la révolution
des « ordures », Michel Elefteriades a
fondé « Harakat El Girfanine » (le
mouvement des dégoûtés) [87]. Une
preuve qu’il n’a pas oublié les leçons
de CANVAS. En effet, le logo de ce
mouvement n’est autre que le poing d’Otpor
et son nom s’apparente à celui des
cyberdissidents soudanais « Girifna »
(on est dégoûté) [88].
Bien que les multiples revendications
du mouvement « Vous puez ! » expriment
un réel ras-le bol de la population
libanaise, il faut se rendre à
l’évidence que les inextricables
relations entre les leaders de la
révolution des « ordures » et les
différentes organisations américaines
d’« exportation » de la démocratie ne
sont pas anodines. Ces connivences
latentes sont le résultat d’un travail
de fond qui a précédé la révolution du
Cèdre, qui s’est poursuivi jusqu’à ce
jour et qui continuera très certainement
dans le futur. À l’instar des autres
pays arabes, la situation sociopolitique
du Liban est un terreau si fertile que
n’importe quelle minuscule graine de
contestation peut générer un chaos
indescriptible. Le « printemps » arabe
en est la parfaite illustration.
D’autant plus que le Liban est un
pays clef dans l’équation
moyen-orientale de par sa proximité avec
Israël, sa relation géopolitique avec
l’exsangue Syrie et la présence d’un
irritant majeur pour les Occidentaux :
le Hezbollah.
Finalement, il est intéressant de
faire le parallèle entre le Liban et
l’Ukraine. À environ une dizaine
d’années d’intervalle, ces deux pays ont
été le théâtre de deux révolutions
« noyautées » ; leurs populations ne
présentent pas d’uniformité nationale
(ethnique, cultuelle ou linguistique) ;
ils sont géographiquement situés à
proximité de pays de grande importance
politique pour l’Occident (Israël/Syrie
d’un côté et Russie de l’autre) de sorte
qu’ils peuvent être utilisés comme
chevaux de Troie pour l’atteinte
d’objectifs géostratégiques.
Les révolutions orange (2004) et du
Cèdre (2005) ont été parmi les plus
grands succès de CANVAS. L’implication
« planifiée » de violents groupes
néonazis lors de l’Euromaïdan
(2013-2014) a engendré des
bouleversements dramatiques en Ukraine.
Au Liban, des relents « colorés »
s’exhalent des monceaux de détritus qui
jonchent les rues. Et une question se
pose : de quoi va « accoucher » la
révolution des « ordures » ?
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-
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http://lb.boell.org/en/2014/03/03/second-arab-bloggers-meeting-statehood-participation
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voir les photos du « Second Arab
Bloggers Meeting 2009 » :
https://www.flickr.com/groups/1272165@N24/pool/with/4193262712/
- Pour connaitre
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-
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https://lb.boell.org/sites/default/files/downloads/Bloggers_Meeting_Report_2009.pdf
-
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https://advocacy.globalvoicesonline.org/2009/12/14/interview-with-jacob-appelbaum-from-tor/
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http://english.alarabiya.net/articles/2011/04/09/144862.html
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https://www.facebook.com/marchlebanon/photos/a.397998033570929.77264.348852438485489/
741637102540352/?type=1
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SKeyes, « Qui sommes-nous ? »,
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Voir, par exemple : Frank Smyth, «
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looks ahead », Committee to Protect
Journalists (CPJ), 22 août 2013,
https://cpj.org/blog/2013/08/animated-journalist-survival-guide-looks-ahead.php
-
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https://www.linkedin.com/in/aymangmhanna
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MARCH, « Missions and Objectives »,
http://www.marchlebanon.org/en/About-Us
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- Al
Joumhouria, « Michel Elefteriades est
“dégoûté et descend se promener à la
place des Martyrs” », 24 août 2015,
http://www.aljoumhouria.com/news/index/255178
-
Siavash
Golzadeh,
« Girifna – a part of Sudan’s
non-violent history », Peace
Monitor, 10 septembre 2013,
http://peacemonitor.org/?p=836
Publié sur
Afrique Asie
et
Reporters
Le sommaire d'Ahmed Bensaada
Le
dossier Liban
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