Alors que la
guerre contre le régime d'El Gueddafi
s'enlise
Le rôle de l'OTAN
en Libye ne fait plus l'unanimité
Zine
Cherfaoui
Jeudi 11 août 2011
La guerre menée par l’OTAN contre le
régime du colonel El Gueddafi, qui dure
depuis 145 jours, commence à faire de
moins en moins l’unanimité au sein de
l’opinion publique occidentale.
Des milieux politiques
commencent, du moins, à s’interroger
sérieusement sur son efficacité, sa
légitimité et ses objectifs. Les
interrogations se sont faites
insistantes depuis notamment que
tout le monde a clairement constaté
que les «Atlantistes» ont
outrageusement dépassé le cadre qui
leur avait été défini par les
résolutions 1970 et 1973 du Conseil
de sécurité de l’ONU.
«Comment ne pas s’interroger sur une
intervention militaire initialement
légitime, sous l’égide de l’ONU,
pour neutraliser le ciel libyen et
protéger les populations civiles de
Benghazi et constater qu’elle a
perdu ensuite de sa neutralité et de
sa raison originelle ?», affirment
quatre anciens députés européens –
trois Français et un Britannique –
qui se sont rendus début août à
Tripoli, où ils ont eu des contacts
avec des responsables libyens. A
l’issue de leur visite du 4 au 7
août à Tripoli, ce panel s’étonne
d’abord, dans une déclaration
envoyée hier à l’Agence France
presse, «de la sous-estimation par
l’OTAN du poids réel – politique et
militaire – de Mouammar El
Gueddafi de la surestimation
de la représentativité du Conseil
national de transition (CNT) et de
sa capacité à diffuser la révolte
au-delà de la région de Benghazi».
Ce n’est pas tout. Les quatre
ex-élus européens, parmi lesquels le
Français Thierry Cornillet (Parti
radical, centre-droit), président de
l’Association internationale des
régions francophones (AIRF), qui dit
avoir été sollicité par des élus de
pays de la région du Sahel pour
organiser cette visite, doutent
également de la capacité des
rebelles du CNT à renverser le
rapport de force en leur faveur. Et
cela même avec l’aide de la
puissante aviation de l’OTAN. Aussi,
parlent-ils d’enlisement et
craignent de voir la guerre s’étaler
dans la durée. «Au bout de 140 jours
de guerre menée par la coalition,
force est de constater que le
conflit OTAN-Libye est marqué par un
enlisement dont il semble difficile
de s’extraire», écrivent-il dans
leur communiqué.
Libye, un avenir des plus
incertains
Pour sortir du bourbier libyen, M.
Cornillet, Margie Sudre (UMP,
majorité présidentielle,
ex-ministre), Michel Scarbonchi
(ex-PRG, centre-gauche) et le
Britannique John Corrie
(conservateur) – qui disent soutenir
les efforts de médiation de l’UA
dans cette crise – préconisent la
tenue à Paris d’une «commission
préparatoire au dialogue
inter-libyen réunissant, sous
l’égide de l’ONU et de l’Union
africaine, les représentants de
l’OTAN, de l’Union
européenne, des autorités de Tripoli
et du CNT». Les quatre anciens
députés européens rejoignent
globalement le constat fait de la
guerre civile en Libye par l’ancien
patron de la DST française, Yves
Bonnet.
Dans un entretien accordé à la fin
du mois dernier au journal France
Soir, M. Bonnet n’avait pas hésité à
qualifier la politique de Sarkzoy en
Libye, de «grand n’importe quoi» qui
mène au désastre et casse un «verrou
contre Al Qaîda et l’immigration
clandestine». L’ancien patron de la
DST française, Yves Bonnet, avait
mis aussi en garde contre la «tour
de Babel» du CNT libyen. Derrière
des personnes avenantes se cachent
d’anciens hommes du régime et, pire
selon lui, des islamistes. Cette
thèse est notamment soutenue par une
mission d’experts, organisée par le
Centre international de recherche et
d’études sur le terrorisme et d’aide
aux victimes du terrorisme
(CIRET-AVT) et le Centre français de
recherche sur le renseignement
(CF2R), qui s’est rendue au mois de
juin en Libye.
La mission qui comptait justement
parmi ses membres l’ancien patron de
la DST française, Yves Bonnet – et
aussi l’Algérienne Saïda Benhabylès
– avait conclu que les Occidentaux
avaient fait preuve d’aventurisme
grave en soutenant un Conseil
national de transition, à la
composition hétéroclite et qu’en
œuvrant à faire dégager le colonel
El Gueddafi, ils pavaient le terrain
aux islamistes. Au terme de leur
mission, ces experts ont publié un
rapport intitulé : «Libye : un
avenir incertain». Celui-ci notait
que l’intervention occidentale
créait plus de problèmes qu’elle
n’en résout et affirmait que les
«manœuvres actuelles risquent fort
de déstabiliser toute l’Afrique du
Nord, le Sahel, le Proche-Orient, et
de favoriser l’émergence d’un
nouveau foyer d’Islam radical, voire
de terrorisme». Pis encore, pour
l’ancien patron de la DST, la
«révolution libyenne» n’est qu’une
manœuvre d’un clan du régime
obéissant à des motivations
tribales.
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