|
Le Web de l'Humanité
Gaza « Les chars avancent, les gens fuient les combats, moi, je
reste,
je n'ai pas où aller »
Ziad Medoukh
Photo Palestine Solidarité
Vendredi 16 janvier 2009 « Les chars israéliens s’approchent,
ils sont à environ un kilomètre et demi de chez moi au parc de
Barcelone. Ils tirent des obus, pendant que les F16, les Apache
balancent des missiles et que la marine israélienne tire sur
Gaza. Auparavant j’entendais les explosions avant d’aller voir.
Maintenant, de ma fenêtre, je vois ces bombes exploser pas loin
de mon quartier. À 500 mètres de chez moi, un bâtiment de quatre
étages a été complètement détruit par un missile tiré par avion.
C’est pire que les autres jours. Il n’y pas de mots pour
expliquer ce qui se passe.
Il y a beaucoup de fumée. Celle dégagée par les bombes au
phosphore (ça ressemble à un feu d’artifice quand ça explose)
est pour le moment détournée par le vent vers la mer. Les
bombardements se sont intensifiés à partir de mercredi 20
heures. Et ça n’a pas arrêté. Personne n’a dormi. Notre vie est
un vrai cauchemar. La situation est très délicate. On s’attend
au pire. Là, au moment où je parle, les chars israéliens font
mine de reculer avant d’avancer. Visiblement le centre-ville
semble être leur objectif. Il y a des combats dans notre
quartier. Les Israéliens tirent même sur les ambulances du
Croissant-Rouge palestinien. En plus, sans électricité, on est
sans information, sans nouvelles de nos proches et de nos amis
car le portable ne fonctionne pas en ce moment.
Gaza est encerclée, bombardé des quatre côtés : est, ouest,
nord, sud. Les Israéliens s’acharnent sur le quartier de Tell
Hawa, là où se trouve l’hôpital Al-Qods et l’université du même
nom où je travaille. Ce n’est pas loin de chez moi. Al-Qods est
un hôpital moderne de sept étages où sont soignés les cas les
plus graves. Plus de 2 000 blessés s’y trouvent et sont pris en
charge par 60 médecins. Les 30 ambulances de l’hôpital sont
coincées, elles n’ont pu sortir pour porter secours aux blessés.
La pharmacie de l’hôpital et les entrepôts de médicaments ont
été bombardés. C’est terrible.
Des chars ont tiré (ils tirent encore) sur les 15 tours se
trouvant près de l’hôpital : ce sont des bâtiments de 20 et de
28 étages où logent entre 1 000 et 1 500 personnes dans chacune
d’elles. Les gens qui ont quitté ces immeubles, ils n’ont pas eu
le temps d’emporter grand-chose, se sont précipités vers le
siège de l’UNRWA (Office onusien d’aide aux réfugiés) croyant
être à l’abri. Mais sous prétexte que se trouvaient parmi les
réfugiés des activistes du Hamas, les Israéliens ont bombardé le
bâtiment de l’ONU, blessant beaucoup de civils. D’autres
s’agglutinent autour de l’hôpital. D’ailleurs, on vient de me
dire que l’ONU vient de suspendre ses activités. Ça veut dire
que 175 000 personnes vont rester sans aide alimentaire. Tiens
voilà, voilà, trois missiles qui viennent d’exploser presqu’en
même temps. Ça continue.
Depuis hier soir, au fur et à mesure de la progression des
chars et des combats, les gens fuient leurs maisons. Ceux qui y
avaient trouvé refuge auprès de parents proches fuient en même
temps que leurs hôtes pour la deuxième, certains pour la
troisième fois. Depuis ce matin, en file indienne, des hommes
portant des enfants, tenant les plus âgés par la main, des
femmes, avec quelques effets personnels, se dirigent vers le
centre-ville, vers des lieux qu’ils croient plus sûrs. De toute
manière, ils n’ont pas où aller.
Les centres d’accueil sont débordés, les familles aussi. Dans
certains appartements, ils sont plus de 50 à s’y entasser.
Certains n’hésitent pas à occuper des immeubles déjà vidés par
leurs occupants aux premiers jours de la guerre. Au train où
vont les choses, le centre-ville va être bientôt submergé par la
vague de réfugiés arrivant de toutes parts. Les habitants de
Gaza sont isolés, piégés, contraints de subir les raids aériens
et les bombardements après avoir subi un blocus de deux ans.
Le message des Israéliens est clair. Ils veulent prouver aux
Palestiniens que le Hamas est incapable de les protéger. Ils
s’adressent à ces pays arabes qui veulent la tenue d’un sommet
des chefs d’État qu’Israël ne tiendra pas compte de ce qu’ils
vont décider. Ils s’en fichent de la communauté internationale.
Elle est de toute manière complice. Personne n’a été assez
courageux pour leur dire : « Ça suffit, il faut arrêter ! » Ils
ne sont pas pressés. Ils vont continuer à détruire. Ils veulent
nous casser, casser la société palestinienne mais ils n’y
arriveront pas… Tiens, voilà, ça bombarde de plus en plus fort…
Quant à moi, je ne bouge pas. Pour aller où ? J’ai décidé de
rester ici chez moi. Et je prie Dieu que rien ne nous arrive.
Propos recueillis par Hassane Zerrouky
© Journal
l'Humanité
Publié le 17 janvier 2009 avec l'aimable autorisation de
l'Humanité.
|