|
Opinion
Le Maghreb se
soulève contre les dictateurs
Zehira Houfani Berfas
Vendredi 7 janvier 2011
Après la Tunisie, l’Algérie renoue avec la révolte populaire
Ce début de l’année 2011 sera marqué par le mouvement de
révoltes populaires qui secouent présentement le Maghreb. Des
révoltes de la faim, disent certains, mais sûrement pour la
justice et la fin des dictatures et autres régimes maffieux, qui
gouvernent ces pays par la force et la répression. Alors qu’en
Tunisie les émeutes se poursuivent depuis plusieurs semaines, en
Algérie, depuis mercredi, les quartiers populaires de la
capitale et des grandes villes d’Algérie s’embrasent dans
l’explosion de la colère des jeunes, nourrie par un quotidien
des plus absurdes dans un pays, qui croule sous les
pétrodollars, détournés ouvertement par les despotes au pouvoir
depuis des décennies.
La jeunesse algérienne est estimée à plus de 70 % de la
population, mais rien dans les politiques officielles n’offre
d’ouverture, ni de prise en charge sérieuse de ces millions de
jeunes livrés à eux-mêmes sans le moindre espoir à l’horizon.
Ils sont acculés à un chômage endémique, à la toxicomanie et la
prostitution, à la hogra (injustice en tous genres) et au
harraguisme, souvent suicidaire, de même qu’à l’indigence, ce
vide culturel et politique sidéral dans un pays déserté par le
bon sens et le sel de la vie, parce qu’étouffé sous les lois de
l’état d’urgence, bousillé par la corruption des gouvernants et
soumis à l’ignorance et à son avatar le plus fidèle :
l’intolérance.
En sortant dans les rues pour manifester violemment contre
leurs oppresseurs, les jeunes Maghrébins prennent ainsi le monde
en témoin de leur désespoir, mais marquent également leur
ressentiment envers leurs élites et autres leaders de
l’opposition. Cela est d’autant plus vrai en Algérie où les
jeunes se sentent livrés à leur sort et abandonnés par les
générations précédentes, celle de la Révolution qui a fait la
gloire du pays, et celle de l’indépendance, qui n’a jamais su
assumer le rôle qui est le sien, à savoir réaliser l’État de
droit, objectif ultime de la Révolution algérienne.
Depuis la violation de la constitution par le président
Bouteflika pour se payer un 3e mandat, alors que le
bilan des 2 précédents était plus que déplorable, autant pour le
pays livré aux inconditionnels de l’affairisme local et
international souvent sans scrupules, que pour le peuple soumis
à des conditions de vie épouvantables, se débattant comme un
diable pour assurer sa survie, tout en se faisant agressé par le
luxe indécent qu’affichent ouvertement les tenants du pouvoir.
Cela fait des années que la situation allait en s’aggravant,
mais force est de constater qu’en continuant d’humilier et de
mépriser le peuple, de réprimer la liberté d’expression,
d’interdire l’ouverture du champ politique et médiatique,
d’assurer l’impunité aux grands voleurs et corrompus connus de
l’opinion et épinglés pour de multiples forfaitures et
trahisons, le régime de Bouteflika est d’ores et déjà
responsable de toute tragédie menaçant l’Algérie.
Le président a failli à toutes ses promesses électorales,
menti aux Algériens, pire, il a innové dans la mauvaise
gouvernance en s’entourant de 13 ou 14 ministres de son propre
village, remettant au goût du jour le pouvoir clanique au lieu
de moraliser un tant soi peu les mœurs politiques en initiant et
balisant une bonne gouvernance, prélude à l’état de droit qu’il
avait promis. Le seul deal auquel semble tenir le président, en
plus de la mégalomanie et la vanité qui caractérisent les
dirigeants arabes, deal qu’il a bien exécuté depuis son arrivée
au pouvoir, c’est de pomper plus de pétrole pour que le pécule à
partager entre son clan et les militaires soit toujours plus
imposant et garant d’une clientèle totalement acquise à sa
présidence. Une clientèle qui a choisi de vivre loin de la
misère ambiante, dans les forteresses cossues, des citadelles
inaccessibles avec des étendues verdoyantes et des plages
publiques privatisées par « décret », pour les soustraire au
patrimoine public. Avec l’argent du peuple, ils ont édifié des
petits paradis et devenus les plus chanceux des milliardaires,
puisque contrairement aux occidentaux qui ont souvent trimé pour
édifier leurs fortunes, les dictateurs, dont les dirigeants
algériens, n’ont qu’à puiser dans le trésor public de leur pays
pour assouvir le moindre de leurs désirs. Une situation que le
peuple algérien ne veut plus subir. Il revendique la dignité
humaine que le pouvoir totalitaire lui a confisquée en le
privant du minimum décent pour vivre, à savoir une distribution
équitable des ressources nationales, le droit à un travail
correctement rémunéré, à un logement pour fonder une famille, et
bien sûr cette liberté de penser et d’évoluer sereinement.
Autant de revendications qui ne s’accommodent pas avec une
dictature, mais exigent plutôt l’instauration d’un État de
droit.
Est-ce le début de la fin des dictatures au Maghreb? La balle
est dans le camp des élites et politiciens intègres de ces pays
qui doivent, no seulement endosser les revendications de leurs
peuples, mais aussi les faire entendre autant sur les tribunes
locales que sur la scène internationale. Une façon de mettre
devant leurs responsabilités, les grandes puissances qui
soutiennent les dictatures au mépris de tant de peuples sur la
planète. Désormais, le déni des droits humains ne peut plus
durer, ni au Maghreb, ni en Afrique, ni en Amérique latine. Les
gouvernants se sont concertés pour promouvoir, voire imposer la
mondialisation des marchés, aujourd’hui, en 2011, les peuples se
lancent dans la mondialisation de la démocratie.
Copyright © 2009
Le
Quotidien d'Algérie. All rights
reserved
Le dossier
Monde
Dernières mises à
jour
|